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EAN : 9782493872012
168 pages
Fables fertiles (08/04/2022)
4.43/5   15 notes
Résumé :
Une jeep conquise et la ligne rouge franchie, Mat et Théo se lancent dans une quête haletante à travers le désert, loin de la Cité, loin de cette unique mégapole ayant survécu à une sécheresse et à une guerre planétaires ; loin de son insoutenable bonheur fictionnel qui raréfie les rêves ; les assèche, cloître les désirs, d'une emprise totale. À l'ouest, toute, où se trouve un canyon au-delà duquel gronde, tel un mythe intercesseur qui ouvre aux destinée... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Après la lecture de « Échec, et Mat » de Galien SARDE ( Éditions Fables fertiles )

le livre de Galien Sarde, « Échec et Mat », ne se feuillette ni ne se lit en diagonale ; il est prévisible d'ailleurs que le lecteur moyen qui d'aventure tenterait de le découvrir en espérant suivre son bonhomme de chemin ne soit guère payé en retour. Car ce livre dense, qui se cabre continuellement et vous oblige à la relecture se mérite. L'auteur dont on devine au fil des pages le goût pour la langue française classique qu'il ose en des temps où nombre d'entre nous se disposant à lire redoutent l'ennui ne s'interdit aucune complexité, ni syntaxique ni lexicale. Au début, vous vous surprenez à reprendre le paragraphe que vous venez d'achever et puis le pas du cheval se fait plus lourd, la lenteur s'impose ; il faut donc y céder sans barguigner. Il s'agit bien en effet d'une prise de risque mais il faut vite accepter son parti pris et faire crédit à Galien Sarde de ne s'être pas embarqué sans raisons dans l'aventure. Rarement comme ici, une langue vous est offerte comme aide à la composition littéraire. Belle langue, souvent baroque – ‘'vénusté ‘', ‘' alenti ‘' ,‘'fulgurer ‘' – , parfois elliptique qui vous déstabilise au point que pour un peu vous la prendriez pour un parler nouveau savamment ouvragé par un artisan amoureux des mots et de leur agencement. Des images poétiques surgissent comme étincelles des énigmes et avec elles l'incertitude et le malaise, les écorchures à l'esprit. le décor est brossé qui porte l'inquiétude et l'intranquillité ; lentement voilà que la focale s'élargit, que s'accélère la valse des évocations ; maintenant vous croyez comprendre ce qu'il y a de compréhensible à saisir là, dans ce chaos sublime. C'est la question de l'eau que l'on devine centrale dans cette nouvelle société, fragmentée, un monde d'eau, primitif. C'est la vie dont nous aurions grand tort de ne pas nous souvenir qu'aucune décision, aucune invention humaine, ne saurait peser plus qu'elle pour les humains qui n'ont eu foi qu'en le progrès, ce temps linéaire épuisant, progrès auquel nous ne cessons et n'avons depuis des siècles cessé de nous abandonner. S'agirait-il après la traversée du miroir d'eau, de l'espérance en une renaissance dont il serait fortuitement question, comme une apocalypse ?
Et puis, au détour du chemin, cette phrase : «  Mat (l'un des protagonistes ), si inapte à être clair. » Comme une clé qui se camoufle dans le trousseau tintant. Ce pourrait donc être un jeu auquel nous serions conviés ? C'est donc bien la singularité de l'expression qui à la fois donne au récit son atmosphère entre mystère et réalité, et égraine peu à peu les faits qui charpentent l'action à mesure dévoilée. Et d'un point de vue écologiste, la critique philosophique et politique aussi. Ce texte porté par des jeunes gens, s'adresse évidemment à des jeunes gens pour qui la question de l'eau révèle et chaque jour davantage combien la vie même est menacée. Prétendre être clair en ces temps plombé relève de l'arrogance. Quand la réalité de la situation après inventaire éclate et que par centaines ou par milliers les vérités des uns et des autres s'entrechoquent et donnent à voir de quoi peindre en couleurs sombres le désespoir, qu'advient-il de nous ? Qu'adviendra-t-il de nos enfants ? Ne sommes-nous pas dans une période post-effondrement que restructurent compulsivement les nababs sur des schémas totalitaires ?
On comprend ou l'on croit comprendre comment peu à peu s'est organisé ce nouveau monde écrasé de chaleur et ravagé par les guerres. Nul sans doute ne peut y parvenir et ce n'est pas Galien Sarde qui vous y aidera «  Il est vrai que depuis le début, rien n'est probable, que tout semble soumis à une logique qui saute, surréelle, (…). Je laisse couler, rien à comprendre. En un sens tout est clair. » Il faut comprendre soi-même, l'effort exigé étant à la hauteur du bonheur suprême qui serait de soumettre au monde des prophéties de belles factures pour une spiritualité concluante.
À travers les cas particuliers de cinq protagonistes longtemps nous déplorons qu'avant la fin, l'humanité ne soit ‘''mat ‘' ou ne l'est déjà été, mais le sera-t-elle ? Paraphrasons Paul Valéry dans le cimetière marin pour affirmer que le vent s'est levé et qu'il faut tenter de vivre. Alors, l'usage compulsif du haschich auquel filles et garçons se livrent trace-t-il une voie et laquelle ? La découverte de la force du désir précédant celle du plaisir, la puissance du ressentir dominant enfin l'agir, est-elle le truchement vers la résolution ultime ? Vers l'hypothèse d'un monde nouveau. « Eurydice (…) hésitait entre deux mondes – entre celui de l'oracle et celui du réel, devenu immonde – , nous glissa la route à suivre, sans un mot : qu'on courre sans s'occuper d'elle, au plus vite, qu'on prenne la voie la plus simple et la plus directe, tout au bout s'ouvrirait un tunnel pour s'enfuir. Un diversion avant s'offrirait à nos yeux. » Laisse-t-elle entrevoir l'hypothèse d'une issue dont la mort serait une sublime transition? Et ce que j'ai cru être un temps circulaire qui se substituerait au temps linéaire, un retour incessant,‘' un retour … maté ‘', au présent du début du livre l'est-il bien ? Et cette histoire bouclée avec lenteur – où se mêlent rêves et vérités, 4ème dimension et pourquoi pas multivers ? – s'insinue-t-elle inopinément entre‘' la tempe qui saigne ‘' à la page 13 et ‘'l'arcade ouverte ‘' à la page 162 ?
Nous sommes entrés dans un Univers complexe qu' il convient de rendre intelligible ; le livre de Galien Sarde ne se contente pas de nous y inviter, il nous offre outils et bagages pour la longue route, l'éternelle promenade. Nous étions des voyageurs ; nous pourrions être des nomades bienheureux.
Y – a – t'il tout cela dans «  Échec, et Mat » ? Bien sûr et plus encore.

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Entrer dans un nouveau livre, on le sait bien, est déjà une aventure en soi. Entrez donc dans Echec, et Mat, de Galien Sarde ; vous ne le regretterez pas. Sans trop la dévoiler, sachez que vous apprécierez la fine élégance de la couverture, annonciatrice d'un texte de qualité, semblable à ceux proposés par Fables Fertiles, cette maison d'édition naissante, prometteuse, si l'on en croit les trois ouvrages publiés, de pépites littéraires.
Le titre : virgule après « échec », majuscule à « Mat » ? Etonnant…
Vous en viendrez ensuite à l'épigraphe, toujours un peu énigmatique. Tiens, ici, une citation des Rolling Stones, de « Gimme Shelter »… Alors vous vient en tête, s'insinuant, le souvenir d'une guitare à la fois planante et angoissante, qui vous survole, comme les bras du chanteur sur scène, semblable aux ailes d'un oiseau maléfique. A quelle aventure nous introduit-on ? A quel voyage ? Vers quel envol ? Vous êtes prêt ? Tournez la page. La rythmique se met en route, implacable, aussi efficace que celle du groupe de rock, aussi percutante et inéluctable que celle de la caisse claire de Charlie Watts : « Mat vient de me réveiller.
"Vite, suis-moi ! "
Confusion, bruits métalliques, voix lointaines. le moteur entendu n'était pas dans mon rêve.
"Dépêche-toi, il faut qu'on file !" »
Ça y est, vous êtes partis. Vous allez filer vous aussi. Vous ne vous arrêterez plus. Ce livre n'est pas à choisir le soir avant de s'endormir, si l'on veut se lever tôt le matin. Vous allez avoir des cernes. L'objet que vous avez entre vos mains est hautement et jubilatoirement addictif, et nullement nocif. Impossible de le refermer. Car Galien Sarde a ce pouvoir magique de vous embarquer aux côtés des deux protagonistes et de vous faire vivre, tant intellectuellement que physiquement, tout ce qu'ils vivent et ressentent. Vous allez fuir avec eux une ville où règne un pouvoir totalitaire, rouler pendant des heures dans le désert, écrasés de chaleur. Vous allez croire, comme Théo, à la fiction fabriquée par ce pouvoir et, peu à peu, briser vos représentations et ouvrir vos yeux à une autre réalité, tout au long de ce récit initiatique au style vif et trépidant, aux phrases parfois disloquées. Vous allez pénétrer les souvenirs du personnage et vous enfoncer dans les couloirs obscurs et moites de la ville souterraine. Puis, vous allez rêver, désirer, jouir ou être frustrés. Vous allez craindre la répression, vouloir vous en dégager, briser cette gangue, ce rôle qu'on vous a assigné, refuser le déterminisme. Y parviendrez-vous ?
Et puis vous aurez soif.
Soif de liberté bien sûr, d'un ailleurs, d'une nouvelle vie dans un monde nouveau, au-delà de « la ligne rouge », au-delà du désert, où à nouveau « le pétrole [vaudra] plus que l'eau claire », où cet élément vital ne sera plus exploité pour mieux asservir les populations. Mais pas seulement ; vous aurez soif, vraiment, au sens propre. A en avoir mal, à ne pouvoir avaler, et vous sentirez alors l'eau bienfaisante passer de la gourde à vos lèvres sèches, apaiser votre gorge et vous emplir de vie, tout comme le pain, simple et bon, que l'on mâche doucement, rare moment de répit.
Alors vous vous méfierez. Une inquiétude pointera en vous. Roman d'anticipation… Et si le monde décrit dans ce livre était notre avenir ? Depuis le temps que nous nous y employons les yeux fermés mais sciemment, nous l'avons bien mérité notre petite apocalypse.
Vous l'aurez compris, ce roman polysémique pointe plusieurs thèmes en résonance particulière avec notre époque : l'écologie, la liberté, le déterminisme, la fiction, et (c'est peut-être sa plus grande richesse) tout un champ de possibles selon la sensibilité de chacun des lecteurs.
L'eau (vie), la liberté, la fiction (imagination, création…), trois éléments liés, interagissant les uns sur les autres comme les éléments d'une chaîne alimentaire, d'une chaîne de vie. Trois éléments précieux et fragiles, périssables ou jamais définitivement acquis, à protéger.
Alors, après avoir lu ce roman, nul doute que vous irez, lentement, précautionneusement, sans en perdre une goutte, vous servir un verre d'eau. Vous la savourerez, doucement, à petite gorgées, en toute liberté. L'eau, la liberté ; vous savourerez l'une et l'autre, vous chérirez l'une et l'autre ; et vous retournerez lire Galien Sarde.
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Au bout du tunnel, la lumière.
Échec, et Mat de Galien Sarde

Très loin, au-delà du canyon, pulse l'océan. Il suffirait pour y plonger d'arriver au bout de la route.
Le point de départ est la Cité, réprimée sans fin par la Milice. Pour y échapper, il faut échapper au mythe entretenu par ses dirigeants : moyennant soumission aveugle et restrictions consenties, elle serait, sur une planète brûlante et dévastée, l'unique système et l'ultime refuge des survivants d'une guerre apocalyptique.
Pour concevoir qu'ailleurs, l'eau abonde encore, que d'autres sociétés, libres et ouvertes, ont survécu, le narrateur doit d'abord descendre aux enfers, dans le labyrinthe des sous-sols où grouillent les opposants : trafiquants, poètes, joueurs, buveurs d'espoir, rêveurs sous acide. Il est guidé par Mat qui a entrepris de le sauver et qui, contrairement à lui, semble évoluer, là comme partout, dans son milieu naturel. Après cette descente initiatique, c'est sans Eurydice, puissance sacrificielle à peine entrevue, mais toujours rivé à Mat, qu'il connaîtra la grâce de l'évasion dans un monde désertique, incandescent, où s'accrochent malgré tout de robustes traces de vie animale et végétale, un monde où les miracles sont possibles – appelons-les Phèdre, Doris – jusqu'à cet échec qui plane, tel un condor, du titre au point final.
Galien Sarde assemble tous les éléments d'une dystopie classique avec un sens aiguisé de la narration, éclatée en flash-backs alternant l'horizontalité flamboyante de la cavale avec la verticalité obscure de la planque. Mais bien sûr, comme le vrai dans la Cité, le vrai du récit est hors les murs, enfoui ou projeté. « L'effroi confine à la joie, à la splendeur… les deux se touchent et communiquent, franchement indissolubles. »
Il y a d'abord Mat, sauveur surgi de l'incendie, robuste, rassurant, tutélaire. Pourquoi Mat a-t-il étendu sa main protectrice sur ce narrateur fragile et désemparé, pourquoi l'entraîne-t-il, lui, dans sa quête éperdue de liberté ? Mystère : le salut est toujours aléatoire. Mat est le guide. le meneur. Il détient la carte, s'accroche au volant, ne s'endort épuisé à même le sol que pour s'éveiller régénéré, tel un géant mythologique. Pourtant son élan, comme celui de ses passagers, se brise net dans le canyon. En dystopie, le sauveur lui-même est aléatoire.
Ensuite, il y a l'eau : celle, accaparée par les puissants, qui fait l'objet de restrictions drastiques, celle qu'ils stockent, qu'on leur arrache, qu'on économise ou qu'on boit avidement et enfin celle, généreuse, où l'on plonge dans la vie.
Lové au creux d'un Eden pétrifié, un lac accueille les fugitifs dans ses eaux lustrales, tendrement matricielles, baptême de fraîcheur avant l'ultime étape. Enfin, à l'autre bout du canyon roule le flot salé, le sérum originel. Moins heureux qu'Icare, le narrateur l'entrevoit dans sa chute, mais retombe durement sans pouvoir s'y diluer. Inaccessible, il ne sera pour lui qu'une vibration lumineuse, le « voile bleu-vert immense de l'océan ».
Galien Sarde décrit, construit son univers comme on peint un tableau, ligne d'horizon, lignes de fuite, grands aplats de couleurs qui évoquent parfois Nicolas de Staël. Entre les eaux amniotiques du lac et l'océan aérien s'étire le canyon, concentré d'existence. La vision finale du narrateur évoque irrésistiblement une EMI, une expérience de mort imminente, telle qu'on la rapporte en Occident – car, on le sait, les visions diffèrent en fonction des cultures : un long tunnel, ouvert au loin sur un infini éblouissant.
Mat a-t-il vraiment failli ? le sauveur n'était-il qu'un imposteur conduisant ses disciples à leur perte ? Ou savait-il que la trajectoire, celle qui tend toujours vers le but qu'elle n'atteint jamais, se suffit à elle-même, et que l'océan n'est en vérité qu'un ultime mirage de chaleur ?
La réponse est au bout du canyon.








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Fable post-apocalyptique, Echec, et Mat se refuse à cette classification sommaire, tant il est porté par une inspiration poétique, faisant de cette thématique comme un substrat, une basse continue sur lequel se déploie un univers sensuel, singulier, assez éloigné somme toute des récits de genre qu'il épouse tant on les conjurant.
Récit mené avant tout par les désirs de ses protagonistes, Echec, et Mat est une relecture d'un des plus beaux mythes qui soient, celui d'Orphée.et d'Eurydice, dans lequel les deux amants ne peuvent se libérer des chaînes des enfers qu'à leurs dépens. Que choisir ? le confort lénifiant et soporifique du « monde d'en bas », sous le jougs d'une implacable gouvernement, énième avatar d'une société totalitaire, placée sous le contrôle absolu et mystificateur d'une pénurie d'eau ? Ou la fuite, périlleuse, par où renouer avec ses désirs signifie aussi côtoyer la mort de près ?
Le roman de Galien Sarde met en jeu cette tension, et la crise que traverse le narrateur, à travers de belles pages introspectives :
« Depuis quelques mois, j'arrivais au bout d'un cycle, me débattais pour trouver de l'air, ne pas trembler. Je le faisais souvent , trembler, sans savoir pourquoi, quand venaient en moi des changements, que quelque chose bougeait dont j'aimais la puissance d'impression fulgurante, au-delà de ses effets. Je tremblais et je frissonnais, mais ça ne se voyait pas – les écarts intérieurs ne se sont jamais vus. »
Il choisit l'échappée, accompagné de Mat, figure sécurisante, inamovible, et porté qu'il sera par le regard d'Eurydice -ainsi que par une gangue de paradis artificiels dont il s'entoure. Narrativement, le découpage des chapitres est constitué d'allers-retours entre le monde souterrain et le désert, qui ajoute à la tension nerveuse du récit.
C'est un livre sur les choix que l'on fait -que l'on doit faire ?- et sur les rencontres : celles-ci qui nous changent et peuvent nous mener, comme dit le narrateur, « au coeur de l'être ». Sur le chemin il y aura aussi des scorpions, des murènes, des rêves et des cauchemars, et la peur, omniprésente. Mais surtout, il y aura le regard d'Eurydice, ce regard qui aiguillonne les autres et qui les oriente bien loin du « réel immonde ».
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C'est une histoire racontée à la première personne dans laquelle on entre comme dans un conte et dont on sort comme s'éveillant d'un rêve.
Le narrateur, Théo ,dont on devine très vite qu'il est un très jeune homme raconte sa fuite du présent innommable dans le monde post apocalyptique où il est contraint de vivre, ou plutôt de survivre, et dont je ne dirai rien au risque de déflorer l'intrigue, que je ne paraphraserai pas non plus. 

L'espoir d'un salut se présente brutalement dès les premières pages du livre sous la forme du deuxième personnage du roman, un jeune homme lui aussi, Mat, sorte de miraculeux sauveur : c'est grâce à Mat, à son intervention soudaine et totalement inexpliquée que Théo se « met en marche » et que l'épopée peut commencer ; c'est grâce à Mat, toujours, que le récit peut se dérouler, se poursuivre et arriver à son terme : car Mat sait, Mat trouve, Mat guide, Mat en toute puissance décide tandis que Théo, comme un disciple croyant et tout à ses impressions, ses sensations et une sorte de bienheureuse et confiante apathie ( inertie?) parfois (pourtant) doublée de doutes et d'angoisse, suit.
Lequel de ces deux personnages est-il le plus important, le plus essentiel à la narration, en dépit du fait que c'est toujours Théo qui parle et que Mat ne s'exprime jamais directement ? (Mat est-il rêvé par Théo, apparu comme pour le guider ? Dédoublement ?)

Et c'est là qu'intervient et s'impose la part du rêve, d'abord dans la construction du récit : hormis la première scène d'exposition qui décrit le début de la fuite et ses circonstances, le récit est fragmenté,
éclaté, non linéaire, selon un procédé très cinématographique de retours en arrière, d'incursions dans le futur, d'empiétements, de chevauchements et de superpositions des événements dans la narration qui tient tout de la structure même du rêve ; du rêve également la prédominance du visuel ( couleurs, lumière, obscurité, mouvement), des sensations (froid, chaud, mal-être, bien-être), des impressions (peur, joie, euphorie...) ; du rêve encore ce flou constant dans les descriptions des lieux, stylisées, sibyllines, souvent accompagnées pourtant d'un luxe inouï de détails secondaires, et cette imprécision constante sur tous les événements, leurs raisons et leurs causes ; du domaine du rêve enfin l'ignorance totale et souvent réitérée de Théo, son incompréhension jamais dissipée : Théo ne cesse de s'interroger, il pose et se pose des questions sur tout ce qu'il vit, voit, ressent mais il n'obtient jamais de réponses ; Théo est condamné à ne pas savoir, à ne pas comprendre ce qu'il vit : n'en va-t-il pas de même dans les rêves où nous n'avons que la possibilité de « décrypter » ce que nous voyons, d'interpréter ?

La forme du récit, sorte de voyage initiatique, son style dépouillé, souvent heurté, ses phrases généralement courtes, souvent au présent de l'indicatif, sa quasi absence de lyrisme, participe de ce sentiment d'étrangeté ressenti dans les rêves, il est le support même des images du songe.
Mais celui-ci est un songe qu'on n'oublie pas une fois le livre refermé.

Presque à la fin du livre, du voyage, que je ne dévoilerai pas, je citerai cette pensée de Théo :
« J'ai conscience d'un changement, sans raison, d'une autre dimension – je me suis trompé, je nage en plein rêve, sur mon lit ou une natte tout au fond d'un refuge, plus jamais je n'accéderais à la réalité, l'aire où l'on roule depuis deux jours n'existe pas, elle est juste intérieure. »


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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
C'est une histoire racontée à la première personne dans laquelle on entre comme dans un conte et dont on sort comme s'éveillant d'un rêve.
Le narrateur, Théo ,dont on devine très vite qu'il est un très jeune homme raconte sa fuite du présent innommable dans le monde post apocalyptique où il est contraint de vivre, ou plutôt de survivre, et dont je ne dirai rien au risque de déflorer l'intrigue, que je ne paraphraserai pas non plus. 

L'espoir d'un salut se présente brutalement dès les premières pages du livre sous la forme du deuxième personnage du roman, un jeune homme lui aussi, Mat, sorte de miraculeux sauveur : c'est grâce à Mat, à son intervention soudaine et totalement inexpliquée que Téo se « met en marche » et que l'épopée peut commencer ; c'est grâce à Mat, toujours, que le récit peut se dérouler, se poursuivre et arriver à son terme : car Mat sait, Mat trouve, Mat guide, Mat en toute puissance décide tandis que Théo, comme un disciple croyant et tout à ses impressions, ses sensations et une sorte de bienheureuse et confiante apathie ( inertie?) parfois (pourtant) doublée de doutes et d'angoisse, suit.
Lequel de ces deux personnages est-il le plus important, le plus essentiel à la narration, en dépit du fait que c'est toujours Théo qui parle et que Mat ne s'exprime jamais directement ?

Et c'est là qu'intervient et s'impose la part du rêve, d'abord dans la construction du récit : hormis la première scène d'exposition qui décrit le début de la fuite et ses circonstances, le récit est fragmenté,
éclaté, non linéaire, selon un procédé très cinématographique de retours en arrière, d'incursions dans le futur, d'empiétements, de chevauchements et de superpositions des événements dans la narration qui tient tout de la structure même du rêve ; du rêve également la prédominance du visuel ( couleurs, lumière, obscurité, mouvement), des sensations (froid, chaud, mal-être, bien-être), des impressions (peur, joie, euphorie...) ; du rêve encore ce flou constant dans les descriptions des lieux, stylisées, sibyllines, souvent accompagnées pourtant d'un luxe inouï de détails secondaires, et cette imprécision constante sur tous les événements, leurs raisons et leurs causes ; du domaine du rêve enfin l'ignorance totale et souvent réitérée de Théo, son incompréhension jamais dissipée : Théo ne cesse de s'interroger, il pose et se pose des questions sur tout ce qu'il vit, voit, ressent mais il n'obtient jamais de réponses ; Théo est condamné à ne pas savoir, à ne pas comprendre ce qu'il vit : n'en va-t-il pas de même dans les rêves où nous n'avons que la possibilité de « décrypter » ce que nous voyons, d'interpréter ?

La forme du récit, sorte de voyage initiatique, son style dépouillé, souvent heurté, ses phrases généralement courtes, souvent au présent de l'indicatif, sa quasi absence de lyrisme, participe de ce sentiment d'étrangeté ressenti dans les rêves, il est le support même des images du songe.
Mais celui-ci est un songe qu'on n'oublie pas une fois le livre refermé.

Presque à la fin du livre, du voyage, que je ne dévoilerai pas, je citerai cette pensée de Théo :
« J'ai conscience d'un changement, sans raison, d'une autre dimension – je me suis trompé, je nage en plein rêve, sur mon lit ou une natte tout au fond d'un refuge, plus jamais je n'accéderais à la réalité, l'aire où l'on roule depuis deux jours n'existe pas, elle est juste intérieure. »
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Là gît donc, soi-disant, toute l'eau de la Cité, l'eau à partager, si précieuse, trois litres par personne et par jour, jamais plus, l'eau bouclée, l'eau occulte, l'eau compte-gouttes de nos vies, sans laquelle rien n'existe. Je pense encore à l'époque où, sur Terre, l'eau n'était pas comptée, ravi par ce songe éveillé.
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Je bâille. J'ingère une pilule. La Cité est loin, loin, ses souterrains, ses écrans illusoires. À la place, le blanc épars, la réalité sans borne, clairement opaque.
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Exposition du lien entre style et désir, jusqu'au rêve.
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