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Sozaboy, c'est avant tout une langue, un hymne de Nigérians à l'instruction limitée mais dotés d'une détermination de fer. La traduction française rend fidèlement compte de cet apparent décalage entre la structure syntaxique débridée et l'acuité du propos.

Mémé, jeune apprenti chauffeur voudrait mieux s'occuper de sa mère qui n'a plus que lui, ainsi que de sa douce Agnès. Une guerre civile passe par là, il saisit alors cette "opportunité" pour pense-t-il réaliser ses rêves. le voilà donc arborant la panoplie du combattant. Mais très vite, c'est la désillusion. La liberté d'action dont il jouissait chez les routiers n'est plus. La brutalité des combats l'offusque si bien qu'il doute de sa place dans les rangs.

Un récit dense et rythmé qui dénonce avec réalisme et sensibilité les horreurs de la guerre et, dans le cas nigérian, une machine à broyer toute forme d'innocence.
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Enorme. Enooooorme.

Que l'on prenne le livre par le destin de son auteur (assassiné), par le sujet (les enfants soldats) ou par le style (une sorte de pidgin English impressionnant), ce livre est juste énorme. Bien sûr, il faut un petit temps d'adaptation à cette langue revisitée, mais cela en vaut la peine.

J'ai longuement regretté de ne pas être capable de le lire en anglais. Mais je me suis consolé en me disant que la traduction était très bien ciselée. J'ai ensuite pleuré la disparition de l'auteur, tant ce Sozaboy augure de choses à venir, mais qui ne viendront jamais.

Il ne fait pas bon être un auteur engagé au Nigeria. Quel dommage.

Courez. Empressez-vous de lire ce livre. Il est rare et incommensurable. Il alterne le comique, les situations abracadabrantes, les affres de la guerre, son côté irréel mais si cruel... On rit, on pleure, on tremble. Et surtout, lisez-le en écoutant "Child in time" de Deep Purple, chanson sur les enfants soldats. Ecoutez les paroles. Soyez attentifs au livre. Et si vous n'êtes pas transpercés, bouleversés, je n'y comprends plus rien.
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Je te dis, la chose ça m'a embrouillé en pagaille. Comment tu vas combattre l'homme, tuer lui, et puis la personne va revenir encore? Si tu tues lui vingt fois, il va revenir vingt un fois. Si tu coupes son bras, son bras va sortir encore demain. Au nom de Dieu. Mais n'importe comment, nous on était là se battre et se battre. Avec fusil, sans fusil. Comme j'ai dit avant, de fois y a pas nourriture, de fois y a pas eau. Même tu dois uriner mettre dans bouteille pour de l'eau, et après un peu tu vas boire urine-là parce que y a pas de l' eau. Tufia! Ce que l'enfant de l'homme n'a pas vu, c'est Dieu qui connaît seulement »

Méné, jeune apprenti chauffeur, vit à Doukana loin du tumulte de Lagos. Petit village de pêcheurs et de planteurs, dépourvu d'infrastructures modernes, la vie s'écoule paisiblement. le quotidien se résume en réunions sur la place du village, des rassemblements décrétés par le chef Birani, un homme veule, corrompu, vivant du racket qu'il impose aux villageois. Les prêches alarmistes sur l'imminence de la fin du monde du pasteur Barika, un homme sans foi ni loi, inquiètent ces âmes simples et naïves. Gravitent autour de Méné, les anciens: Douzia » l‘infrime », Bom , Kolé un vieil homme discret, riche qui entretient ses deux amis, un homme dont le savoir et la mémoire sont respectés par tous. Il y a aussi Zaza, ancien « minitaire » auréolé de gloire qui, en son temps, a combattu Hitla; sa maman, une femme de caractère qui a pu lui payer ses études jusqu'au cours moyen puis son apprentissage et enfin, Agnès « sa jolie femme aux ampoules 100 watts » qui rêve d'un homme fort pour la protéger et quel meilleur moyen d'y parvenir, pour tous ces laissés- pour-compte, que de s'engager dans l'armée. Les rumeurs d'une guerre n'atteignent pas encore Doukana toute à sa joie de fêter une nouvelle ère « parce que ancien gouvernement a tombé et nouveau gouvernement de minitaires avec policiers a monté. Tout le monde disait que tout va aller bien à Doukana à cause de nouveau gouvernement-là. » Des nouvelles sur une exode citadine leur parviennent mais c'est l'augmentation du prix du sel et l'arrivée de camions de minitaires qui mettent le feu aux poudres. Dépassé par les évènements, songeant qu'aux retombées miraculeuses d'une telle opportunité, et contre l'avis de sa mère, Méné s'engage pour deux raisons: » Tout temps, tout temps, j'ėtais là penser sur ces deux choses-là. Premier: Zaza. Ce vaurien-là, tabataba-là qui est là promener dans Doukana faire grand bouche parce que il a fait guerre contre Hitla et qui est là insulter les jeunes comme moi-même que nous devons partir combattre. Deuxième: Agnès. Jolie fille. Très jolie fille quoi. Elle aime garçon fort qui va défendre lui si malheur vient. Bon d'accord. Je vais montrer Zaza que je suis pas wia wia comme lui. Je vais montrer Agnès-là que je suis pas un homme qui a peur. Je peux la défendre n'importe quand. Ah oui, je vais lui montrer bien bon. »

Méné, enfant-soldat, connaîtra l'enfer de la guerre sans jamais savoir exactement pour qui, pourquoi il se bat. Naïf, subtile dans ses raisonnements malgré la pauvreté de son éducation, un rêveur optimiste toujours prêt à aider son prochain, attaché aux valeurs familiales et sociales, il verra son monde volé en éclats, impuissant. L'absurdité de cette guerre qui oblige un peuple à s'entre-tuer afin qu'une poignée de gens puisse assouvir leur soif inextinguible du pouvoir et s'emparer des richesses du pays, lui ôtera tout; sa famille, son village, jusqu'à lui-même. Pendant deux ans, il voyagera au pays de la corruption, de la lâcheté morale, de la cupidité, de la mesquinerie, de la cruauté. La mort, la peur, l'humiliation, la torture, notions nouvelles pour cet ingénu dont le seul désir était d'aspirer à une meilleure existence lui révèleront la part monstrueuse qui sommeille en nous et dont la guerre est si friande. La faim, la soif, l'humidité, la prison, le manque de sommeil, la délation seront ses compagnons pendant le conflit. Désarmé devant l'horreur qui se joue devant lui, il assiste à la débâcle morale de son pays, au carnage que la violence laisse derrière elle, à l'hypocrisie doublée d'une incroyable inefficacité des organismes humanitaires. Victime innocente d'un combat dont les raisons lui échapperont toujours, aujourd'hui orphelin, le voici otage de croyances ancestrales. Apatride, fuyant la vindicte des villageois, il revient sur son odyssée: « Et j'étais là penser la façon je faisais mon malin avant de partir pour faire minitaire et prendre nom Pétit Minitaire. Mais maintenant si n'importe qui parle n'importe quoi sur affaire de guerre ou même de combat, je vais seulement courir, courir, courir,courir et courir. Crois-moi amicalement. »

Ecrit dans une langue hachée, « pourrie », SOZABOY parle aux noms de tous les enfants-soldats qu'ils soient d'Afrique, d'Asie ou d'ailleurs. Il rend compte avec acuité et fougue les destins de ces pauvres gens embringués dans la course folle du monde, une descente aux enfers qui les laissera toujours du mauvais côté de la barrière. C'est surtout la langue de Ken Saro-Wiwa, violente, passionnée et chaleureuse qui transporte le lecteur. Beaucoup s'y sont cassés les dents car elle est déroutante: grammaire hésitante, pauvreté du vocabulaire, conjugaison réduite à la simplicité. Patience et efforts récompenseront les plus têtus d'entre vous, c'est un livre superbe, envoutant et généreux. Ne pas passer à côté de l'introduction de William Boyd et des notes de l'auteur et des traducteurs qui ont dû s'arracher les cheveux pour restituer l'âme. A lire absolument pour la beauté du texte et pour tous les Méné du monde. Magistrale point-barre.
Lien : http://www.immobiletrips.com..
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Sozaboy. Sans doute pour soldier boy, en anglais pourri, traduit par pétit minitaire en français. Tout le roman est écrit en anglais pourri c'est-à-dire un mélange de pidgin, d'anglais dégradé idiomatique ainsi que d'emprunts aux langues nigérianes.
1967, au Nigéria, début de la guerre civile du Biafra. Méné raconte sa petite vie. Pour épater Agnès, « vraie fille avec ampoules 100 Watts » et ses camarades de Doukana, il s'engage dans l'armée même s'il ne comprend pas le pourquoi de cette guerre.
A travers le langage particulier de Méné, on découvre en fait un homme innocent et optimiste, qui n'aura bientôt plus que « sa maman et son Agnès » comme espoir. Il est difficile de rentrer dans l'histoire avec cette sorte de patois ; une certaine ressemblance avec le créole m'a aidée à m'accrocher à l'histoire. L'anglais pourri et l'innocence du narrateur donnent un style assez répétitif et comique à l'ensemble mais on s'attache à ce personnage un peu enfantin.
Une fois dedans, on ne ressort plus avant la dernière phrase avant de refermer doucement le livre. Une oeuvre bouleversante sur la guerre du Biafra servie par une écriture originale. Un véritable coup de bambou.
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Au début, on est surpris, un peu dérouté. Bien que prévenu dans la préface écrite par d'Alain Mabanckou, le style « pourri » est assez étonnant. le narrateur (Méné au début, puis Pétit Minitaire) livre doucement et égraine les étapes qui vont constituer son périple. Enfant soldat, il sera comme beaucoup de jeunes ingénus, instrumentalisé dans une sale guerre (existe-t-il des guerres propres ?, celle de la Biafra au Nigéria, qu'on devinera, puisque l'auteur ne la nommera pas, préférant sans doute laisser champs libres au lecteur « africain », puisque l'Afrique fut le champs de plusieurs guerres ethniques.

Si un livre a souvent une destination universelle.................
Lien : http://djbeltounes.wordpress..
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Au début, on est surpris, un peu dérouté. Bien que prévenu dans la préface écrite par d'Alain Mabanckou, le style « pourri » est assez étonnant. le narrateur (Méné au début, puis Pétit Minitaire) livre doucement et égraine les étapes qui vont constituer son...
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Sozaboy est l'histoire d'un jeune garçon nigérian qui s'engage dans l'armée sans bien savoir pourquoi. Sa copine admire les militaires, un ancien se vante en racontant ses souvenirs de guerre (comment il a tué Hitler en Birmanie), le chef du village appelle tout le monde à se mobiliser, et les militaires confisquent la nourriture des villageois. Il n'en faut pas plus pour que Mené devienne Sozaboy, "enfant soldat", même s'il n'est plus enfant. Il adore la vie militaire tant qu'il s'agit de marcher au pas dans son bel uniforme, mais tout change quand il arrive sur le front, qu'il faut attendre dans les tranchées en mangeant un rata infect "dog no go fit chop dat kain chop".
Il ne s'agit pas d'un récit de guerre, et l'auteur ne nomme jamais le conflit dont il s'agit (guerre d'indépendance du Biafra). Il n'est question que de l"Ennemi". le récit est écrit sous une forme naïve parce que c'est comme ça que Sozaboy s'exprime "no make too much grammar for me. I beg you. Try talk the one that I will understand". Mais c'est surtout pour bien montrer que Sozaboy ne comprend rien à ce qui se passe. "Na one place dem dey call FRONT we dey go. Wetin we dey go do dere? God alone sabi. Especially as Mr. Enemy don die finish and we no go shoot am again."
Sozaboy ne comprend pas, la guerre devrait être finie puisque Monsieur Ennemi est mort. Tout au long du conflit il s'interroge car les chefs ne se fatiguent jamais à expliquer à leur troupe pourquoi ils doivent se battre. Au cours du récit Sozaboy découvre d'autres vérités, les profiteurs, les camps de réfugiés, les villages détruits et les populations traumatisées. Il apprend à son corps défendant qu'il y a pire que de mourir, c'est d'être prisonnier de guerre. Car personne ne s'encombre des conventions de Genève au Biafra.

En fait ce livre est un pamphlet contre la guerre. "Only stupid peson who want to die quick can be soza". La guerre est terminée à la fin du livre, et qu'est-ce qui a changé ? Beaucoup sont morts, les survivants sont encore plus pauvres qu'avant et vivent dans des ruines, tout ça pourquoi ? Personne ne sait, et Sozaboy qui était assez optimiste au début "God no gree bad thing" n'a plus aucune raison de l'être, car la guerre lui a tout pris sauf la vie.
Quant à la forme, on peut regretter certaines longueurs et des répétitions. Est-ce volontaire pour montrer que Sozaboy n'arrive pas à s'en sortir ? Je ne sais pas, mais j'ai trouvé que ce livre manque parfois de rythme. le style quant à lui est unique, (je l'ai lu en version originale), et participe au fait qu'on n'oubliera pas Sozaboy et ses semblables, sacrifiés pour on ne sait quel idée qu'ils ne comprendront jamais.
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C'est si proche du français que j'entends tous les jours - Magistrale traduction... Quand la langue est désordonnée, désaxée, désarticulée, le monde qu'elle traduit n'est pas loin de l'être à moins qu'elle ne recompose un autre monde à apprécier.
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Une vraie claque, ce roman.
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Écriture lassante à force de "rotten".
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