La vengeance du pardon

Décidément, Lily ne comprenait rien, elle projetait.

- Tu n'es pas guéri.
- Surtout pas. Ma blessure me plaît. Je le dorlote, mon chagrin, j'y tiens. S'il s'estompait, je serais malheureux.
- Mais tu es déjà malheureux.
- Pas de la même manière. Il existe un malheur chaud et un malheur froid. Le chaud, c'est quand tu aimes. Le froid, quand tu n'aimes pas. Dans le chaud, il y a quelqu'un. Dans le froid, personne. Souffrir de l'absence de Eva me la rend présente. Ne plus souffrir la ferait périr une deuxième fois et totalement disparaitre.
- N'empêche… Ce serait mieux si elle était toujours là.

Daphné avait raison : on ne pardonne pas quelque chose, on pardonne à quelqu'un. L'acte reste mauvais, mais la personne ne le devient pas. On ne peut pas la réduite à son geste nocif.

- Je le dorlote, mon chagrin, j'y tiens. S'il s'estompait, je serais malheureux.
- Mais tu es déjà malheureux !
- Pas de la même manière. Il existe un malheur chaud et un malheur froid. Le chaud, c'est quand tu aimes. Le froid, quand tu n'aimes pas. Dans le chaud, il y a quelqu'un. Dans le froid, personne. Souffrir de l'absence d'Eva me la rend présente.

Le chat lui offrait une fabuleuse parade où il constituait un zoo à lui tour seul :tigre lorsqu'il baillait, guépard quand il s'etirait, il bombait le dos et devenait dromadaire, en guettant ses proies, il virait au lion, gonflait son jabot de grand duc, démarrait plus vite que l'antilope, sautait en crapaud, empruntait la fixite du lézard, grattait aussi profond qu'un renard, puis se transformait en écureuil dès qu'il jouait avec une noisette entre ses pattes, épuisé, il s'aplatissait alors comme une limace.

Il s'était entiché de James Bond, le héros de Ian Flemming, l'élégant espion concentrant des qualités qui s'éparpillent généralement en plusieurs individus, le glamour, la perspicacité, la mémoire, le courage, le sang froid, l'humour, la séduction. James Bond, qui est à l'humanité ce que le couteau suisse est au canif, l'envoutait par son assurance, qu'il se promettait d'imiter.

La solitude est un royaume dont certains voient le trône, d'autres les frontières.

Les soeurs Barbarin virent la lumière le même jour. Si la première provoqua l'admiration, la seconde suscita l'ahurissement en surgissant entre les cuisses épuisées de sa mère une demi-heure plus tard. Personne ne l'avait prévue.

Quel baume de fausser compagnie au langage ! De ne pas draguer avec des formules cent fois employées ! Adieu les préliminaires fastidieux ! Il adorait cette poursuite animale, badine, enjouée, mignonne, qui coïncidait avec les parades nuptiales que connaissent toutes les espèces. De la simplicité, enfin !

Tel était le bénéfice de la maturité : on s'en prend aux coupables plutôt qu'à soi.