Ce roman est d'une construction savante et maîtrisée. le récit est fait par Benjamin, l'un des trois frères qui se retrouvent, à l'âge adulte, sur les berges du lac bordant la maison de leur enfance. Ils viennent y répandre les cendres de leur mère. Une dispute violente éclate entre Pierre et Nils, au point qu'un véhicule de police arrive dans ce lieu isolé de Suède.
A partir de là, deux temporalités alternent . le présent, se déroulant à rebours sur 24 heures, et le passé, rapporté linéairement. Les chapitres concernant le passé portent le titre d'un événement. Ceux qui ont trait au présent comportent seulement l'heure.
Une fois refermé, ce roman impose une relecture, l'assemblage de pièces çà et là dispersées, une reconstruction, à l'image de celle que le Benjamin de 29 ans doit faire de son enfance. Dès le départ, on sent le malheur dans les coulisses, et, tel un acteur, il fait pas à pas son entrée, au travers d'indices que nous sentons sans savoir les lire. Pourquoi et de quoi Benjamin a-t-il peur? Que s'est-il passé "le jour où tout est arrivé"? Quel est cet événement qui n'est jamais désigné que par l'angoissant démonstratif "ça"? Quel est cet "endroit où tout a fini"? Pourquoi des parents, pourtant aimants, boivent-ils et sont-ils capables de violence avec leurs trois fils? le titre lui-même prend une connotation ambiguë: Nils, Pierre et Benjamin sont-ils des survivants victorieux? Ou des morts-vivants, des êtres en sursis, et de quelle guerre? Vers quels gouffres les entraîne le plongeon de la photo figurant sur la jaquette?
Ce récit foisonne en thèmes: les liens familiaux, les huis clos, les secrets enfouis, la culpabilité, la honte, l'amour impuissant à se dire et sa proximité avec la haine, la solitude, la violence des blessures d'enfance, les grands blancs de la mémoire, et l'oubli pourtant impossible.
Ce roman nous rappelle, si besoin était, des vérités fondamenteles: que quand, dans une famille, un membre est détruit, les autres ne peuvent éviter le naufrage. Qu'on ne peut échapper à un événement traumatisant en le taisant, et que ce qui a été occulté resurgit un jour, sans avoit été guéri. Que chacun de nous souffre avec ce qu'il est et en choisissant le moyen qui lui permet d'avoir le moins mal: soit le déni, soit le silence, soit la violence, soit la tentation du suicide, soit la transformation du réel.
Un livre riche, donc, savamment mené, mais dont la fin, que je ne dévoilerai bien entendu pas, m'a déçue et ne m'a pas convaincue. J'attends mieux encore d'
Alex Schulman, qui m'apparaît comme un auteur plein de promesses, et remercie Babelio et les éditions Albin Michel de me l'avoir fait découvrir, dans l'attente de ses prochaines oeuvres.
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