En effet, expliquait l'avocat Di Blasi, toute société engendre le type d'imposture qui, pour ainsi dire, lui sied.
Seules les choses imaginées sont belles et même le souvenir est imagination...
Cela paraissait incroyable, mais il n'y avait pas à s'y tromper: Francesco avait senti chez Hager — sans équivoque possible — l'accent passionné de la vérité, le triste sentiment de l'impuissance et le dégoût de l'honnête homme devant le mensonge triomphant, ce retrait de l'être qui semble indiquer la culpabilité confondue et n'est en vérité que le signe de l'innocence sans espoir. «Le mensonge, pensait-il, est plus fort que la vérité. Plus fort que la vie. Il tient aux racines de l'être, il croît et dresse ses frondaisons au-delà même de la vie.» Le sombre bruissement des arbres, le long de la route de San Martino, se propagea jusqu'aux frondaisons, plus sombres encore, du mensonge.
Le chant de ces marins qui dans leurs récits d'ivrognes ouvraient le monde comme un éventail : ils lui avaient révélé l'aventure immense et variée que les pays offrent à l'homme le plus misérable, et que c'est dans le continuel changement que réside pour le malheureux l'unique possibilité de cueillir les joies de la vie.