L'éditeur Rougerie a publié en 1982 quelques documents de la plume de Victor Segalen, ce poète qui apprit le chinois, voyagea plusieurs fois en Chine et tenta de fonder là-bas une institution franco-chinoise d'archéologie et d'études sinologiques. Il se heurta à bien des obstacles, car son projet fut élaboré entre la chute définitive de la dynastie manchoue, la guerre civile, la proclamation de la république et la première guerre mondiale. L'auteur mourut prématurément en 1919, laissant la plupart de ses travaux en chantier.
Ce livret a quelque intérêt, puisqu'il contient deux articles écrits par Segalen sur le premier président chinois, et quelques lettres où il expose son projet de fondation sur le modèle des institutions culturelles françaises en Egypte. Son but était de faire rayonner la France, mais aussi de faire connaître la Chine aux Français, et le meilleur de l'art européen aux Chinois. L'esprit le plus prévenu aura du mal à trouver là des intentions colonisatrices.
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... détournés brusquement du respect de leur antiquité ils sont prêts à recevoir sur cette antiquité devenue "objet d'histoire", "objet de vitrine", toutes les opinions qu'on voudra bien leur suggérer. Tant qu'un vase rituel est objet de sacrifice, sa forme importe peu à l'officiant (et d'ailleurs c'est ainsi que les bronzes Tcheou restent incomparables par ignorance naïve de la recherche formelle qu'ils atteignent du coup). Dès qu'il est dépouillé de sa fonction, il redevient objet d'art et ne vaut plus que par ses lignes. Il en est un peu ainsi des anciens temps.
1913
... Ce programme : aider au désisolement de la Chine. Enlever à la Chine ce cachet de bizarrerie, d'étrangeté, de monde lunaire, que nos XVII° et XVIII° siècles lui ont imposé par mépris distant ou ignorance. Dépouiller la Chine de toute "chinoiserie". Détruire une partie des clichés qui circulent comme des touristes de Pékin à Shanghai : que l'art chinois est un art de laideur, de monstruosité, d'extravagant. Dire à haute voix à Pékin ce que tant d'artistes acceptent et enseignent en Europe : la grande tradition classique chinoise,, - à l'encontre même du goût chinois contemporain.
Lettre de 1913.
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Saviez qu'en chinois il n'existe pas d'équivalent au mot français « impossible » ? Et savez-vous quel grand roman raconte qu'impossible n'est pas chinois ?
« René Leys », de Victor Segalen, c'est à lire en poche chez Folio.