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Critique de Lamifranz


La littérature d'enfance et de jeunesse, en France, est une invention du XIXème siècle : longtemps nos chères têtes blondes, brunes et rousses n'avaient à se mettre sous la dent que les contes de Perrault, ou alors quelques rares adaptation de classiques tels que « Don Quichotte » ou « Robinson Crusoé ». C'est vers la moitié du XIXème siècle que deux éditeurs, Hachette et Hetzel, prenant conscience qu'un public potentiel se présentait, mirent au point des collections spécifiques pour ce nouveau lectorat, et invitèrent (sous forme de contrats exclusifs, bien entendu) des auteurs à s'engouffrer dans ce créneau : c'est ainsi que se firent connaître, Jules Verne, la Comtesse de Ségur, Hector Malot, Erckmann-Chatrian, et un certain P.J. Stahl, qui n'est autre que l'éditeur Hetzel lui-même (ce nom ne vous dit rien ? mais si, rappelez-vous, « Maroussia », « Les Patins d'argent » !)
De façon bizarre, mais somme toute logique, ces auteurs peu à peu connurent une notoriété qui dépassa le cadre de la littérature enfantine ou pré-adolescente : on les reconnut comme de véritables écrivains, témoins de la société de leur temps. Et ce n'est que justice.
Inexplicablement, ce ne fut pas le cas avec la Comtesse de Ségur. A part l'incontournable intégrale parue en trois volumes chez « Bouquins » (1990), les oeuvres de la Comtesse n'existent qu'en édition jeunesse. Est-ce à dire qu'une lecture différente de ces livres n'est pas possible ? Les « Contes » de Perrault, de Grimm et d'Andersen ont tous fait l'objet d'études « savantes » et « adultes » …
Il faut bien admettre qu'il y a un préjugé tenace contre Sophie Rostopchine, Comtesse de Ségur (1794-1874) : pour plusieurs générations, ce nom est synonyme de bonbon rose, (comme la Bibliothèque de la même couleur), cucul la praline, béni oui oui, catholicisme militant, la bien-pensance dans toute sa splendeur ! Il est bien évident que la morale en vigueur sous le Second Empire (celle pour l'éduction des enfants, s'entend), vue avec notre regard d'aujourd'hui, est pour le moins ringarde. Mais comment ne pas y voir un document pour l'histoire sociologique de cette époque ?
La Comtesse de Ségur vaut mieux que cette étiquette plutôt négative : ses histoires, bien que datées, doivent être prises comme des contes (dans le même sens que « Les Contes du Chat perché » de Marcel Aymé, ou « Les contes de la rue Broca » de Pierre Gripari), avec un déroulé narratif souvent astucieux et plein de vie, des personnages certes typés (on pense aux images d'Epinal) mais très crédibles et souvent attachants, des moments d'action, d'émotion, ou de rire… et une espèce de magie, liée pour l'éternité aux lectures enfantines.
« L'Auberge de l'Ange Gardien » (1863) et sa suite « le Général Dourakine » (1863) sont mes romans préférés, avec « Un bon petit diable » (1865), sans doute parce qu'en plus de l'excellence des romans, j'avais goûté avec un plaisir intense leur adaptation dans le « Théâtre de la Jeunesse » d'heureuse mémoire.
Pour ceux et celles qui ne connaissent pas l'histoire (ou qui l'ont oubliée), l'Auberge de l'Ange Gardien est tenue par madame Blidot et sa soeur Elfy. Un jour, Moutier, un brave militaire (un zouave qui s'apprête à partir pour la guerre de Crimée), leur confie deux enfants perdus, Jacques et Paul. de retour de guerre où il a fait prisonnier le Général Dourakine, il démêle une sombre histoire avec un autre aubergiste, malhonnête, celui-là, et tortionnaire du malheureux Torchonnet. Sur ces entrefaites, le père des enfants, Dérigny, à leur recherche depuis longtemps, arrive à l'auberge dans la joie que l'on devine. Tout finit bien sous le regard bonhomme (et terrible) du général Dourakine.
Désuette, certainement, datée, sans doute, mais toujours aussi pleine de charme, l'oeuvre de la Comtesse de Ségur ne cesse de nous séduire depuis plus d'un siècle et demi et mériterait sans aucun doute d'être mieux considérée…

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