Alors qu'il donne un cours à l'UCLA,
Ramón J. Sender est interpellé par une étudiante mexicaine qui l'accuse en tant qu'Espagnol d'avoir exploité et commis des atrocités sur les Indiens. le romancier lui répond en évoquant Túpac Amaru, figure majeure du XVIIIème siècle hispanique. C'est cette anecdote qui ouvre l'essai qu'il lui consacre en 1973.
Se disant descendant de la famille royale repliée au sein de l'état inca de Vilcabamba et ennemie des conquistadors, José Gabriel Condorcanqui dit Túpac Amaru est un administrateur indigène qui s'est enrichi grâce à l'exploitation des terres et au commerce. Métis élevé à l'européenne, il désire se couper de la tutelle politique et financière de la couronne espagnole, et revendique l'émancipation des Indiens.
Il prend en 1780 la tête d'un mouvement de rébellion indigène contre les autorités coloniales, lesquelles soucieuses de leur hégémonie, et craignant la contagion, se lancent dans une répression féroce.
Lorsque Sender rédige son ouvrage, les combats de l'Inca résonnent en Uruguay où les Tupamaros prônent la guérilla urbaine contre le régime, ainsi que dans d'autres nations du continent américain.
Ramón J. Sender établit un parallèle entre la révolte de l'Inca contre la Couronne, qui est aussi celle des pauvres contre les fonctionnaires tout-puissants et corrompus, contre l'Eglise, contre les caciques, contre les propriétaires terriens, contre les exploitants des mines, et celle de nombreux citoyens d'Amérique latine, ceux « d'en bas », pour lesquels peu de choses ont changé.
L'ouvrage à la prose limpide -après tout Sender est l'un des romanciers majeurs du XXème siècle- est riche de nombreux documents historiques, de chansons, en quechua et en espagnol, d'anecdotes, d'histoires comme celle de Apu Ollantay. Il s'inscrit dans une petite production de son oeuvre consacrée à certains épisodes et personnages de l'histoire de l'Espagne, grands et terribles à la fois, que du coup, on a grande envie de lire.