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Jean-Paul Cortada (Traducteur)Bernard Lesfargues (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782868696083
112 pages
Actes Sud (15/10/1990)
4.03/5   81 notes
Résumé :
Pourquoi, lisant le "Requiem pour un paysan espagnol" de Ramón Sender, est-on saisi par la même fièvre qu'à la lecture de "L'Ami retrouvé" de Fred Uhlman, de "L'Accompagnatrice" de Nina Berberova ou du "Fusil de chasse" de Yasushi Inoué - pour ne citer que trois de ces récits dont on sait, à peine les a-t-on découverts, qu'ils demeureront à jamais gravés dans la mémoire? (...) La réponse tient en partie au moins, je crois, dans le double jeu de l'ellipse et de l'imp... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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"Celui qui meurt, qu'il soit riche ou pauvre, est toujours tout seul même si les autres vont le voir. La vie est ainsi et Dieu qui l'a créée sait pourquoi".


Quelle puissance que ce "Requiem pour un paysan espagnol". Des phrases courtes qui claquent, qui vous obligent à regarder L Histoire et la folie des hommes, tout en n'exprimant pas ouvertement la violence de la guerre mais qui la suggèrent. Des mots choc qui sollicitent votre imaginaire afin de prendre toute la mesure de ce que fut cette période terrible que la guerre civile espagnole. En quelques phrases, quelques scènes, quelques mots, on capte l'arbitraire, la violence, l'injustice, le fanatisme qui a saisi l'Espagne.

Ramon Sender cherche à secouer nos consciences, à ébranler notre sens moral et c'est, en ce qui me concerne, réussi. C'est un texte court mais saisissant qui s'appuie sur les souvenirs d'un prêtre qui attend de pouvoir célébrer la messe de requiem pour le repos de l'âme de « Paco du Moulin », décédé il y a un an. Accompagné de la chanson écrite en l'honneur de Paco et fredonner par l'enfant de choeur qui est auprès de lui, Mosen Milan, curé de la paroisse d'un petit village aragonais, éloigné de tout, se rappelle l'histoire de Paco du Moulin. Les souvenirs défilent, son baptême, ses communions, son mariage. Il aimait bien cet enfant qui posait des questions auxquelles, le prêtre ne pouvait pas toujours répondre.

Cet homme d'église aurait-il un problème avec sa conscience ? Que s'est-il passé ?

Il se remémore cette scène qui a marqué Paquito au « fer rouge » : Enfant de choeur, Mosen Milan lui avait demandé de l'accompagner à l'extérieur du village, là où la pauvreté pousse les paysans à s'exiler dans des grottes sans eau, ni feu, ni lumière, afin de porter l'extrême-onction à un homme gravement malade, agonisant dans un dénuement le plus total. La vision d'une telle misère, d'une telle détresse marquera à tout jamais le jeune Paquito qui, devenu adulte, Paco, s'engagera sur les chemins de la première République Espagnole.

Egrenant ses souvenirs, Mosen Milan nous restitue le contexte de cette période et les affrontements qui vont en découler entre notables et paysans. Au fur et à mesure que la lecture avance, la tension se fait de plus en plus vive dans le village et le drame se pointe à l'horizon.

Ramon Sender (1901 – 1982), lié aux milieux anarcho-syndicalistes, a perdu sa femme et son frère exécutés par les phalangistes et ce sont ces blessures intimes que l'on prend en pleine figure en lisant ce texte très court mais qui concentre à lui tout seul, à la fois, l'homme dans tout son altruisme, son courage, sa soif de justice mais aussi dans toute son ignominie, sa cruauté et sa lâcheté !

Un texte bref mais si dérangeant qu'il fut censuré pendant toute la période franquiste.

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Un billet poste il y a tres longtemps, et que je retrouve dans mes caves poussiereuses. Un petit coup de brosse et je le reposte parce que j'avoue que j'ai un faible pour les exiles espagnols de la guerre civile, et mon atavisme de soixante-huitard attarde mis de cote, Sender est quand meme un grand ecrivain.

Un campagnard est tue – fusille – parce qu'il prechait des revendications sociales. C'est le cure du village qui l'a donne, qui a denonce sa cache a ses poursuivants franquistes. Il l'aimait bien pourtant. Tourmente par son acte, il finit par offrir une messe de requiem pour l'ame du fusille, messe a laquelle assistent seulement ses ennemis, ses pourchasseurs.

"Requiem" est une oeuvre qui denonce les violences commises pendant et après la guerre d'Espagne, mais c'est aussi – surtout – une sorte de tragedie classique: la tragedie de la mauvaise conscience.
Le cure, le heros de cette tragedie, est un personage gris, conformiste, couard, archetype de l'anti-heros. Il se rememore les etapes de la vie de sa victime depuis qu'il l'a baptise et ressasse sans arret l'amour qu'il avait pour lui. Il l'aimait comme un fils. Est-ce la trahison de Judas? Pourra-t-il jamais se pardoner lui-meme?
Signe que c'est une tragedie, les noms donnes aux protagonistes par Sender. le campagnard s'appelle Paco, diminutif de Francisco, Francois, l'apotre des pauvres et des opprimes. Ses ennemis, les riches du village ont des noms a resonance paienne: Gumersindo, Valeriano, Castulo. Et le cure, le pere Millan, rappelle le triste nom de Millan Astray, le commandant de la legion espagnole, célèbre pour ses cris: "Viva la muerte!" (Vive la mort!) et face au philosophe Unamuno: "Muera la inteligencia!" (A mort l'intelligence!), a quoi ce dernier repondit, bouleverse: "vous vaincrez, mais ne convaincrez pas".
Sender fait meme allusion a la grande tragedie du patrimoine occidental commun. Quand il confesse Paco devant le peloton d'execution, le cure lui dit: "des fois, mon fils, Dieu permet que meure un innocent. Il l'a permis pour son proper fils, qui etait plus innocent que vous trois".

Cette lecture me permet de voir dans cette oeuvre une portee universelle, transcendant les donnees de lieu et de temps. Meme si c'est peut-etre un requiem pour une certain Espagne que Sender a voulu ecrire. de toutes facons un grand (court) livre.
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Je suis tout à fait d'accord avec Hubert Nyssen qui dans la préface de « Requiem pour un paysan espagnol » écrit qu'il y a des livres qui restent gravés dans la mémoire. Celui-ci en fait incontestablement partie, je ne l'oublierai pas.
C'est un livre d'une grande puissance qui , sans jamais nommer expressément la guerre civile, dénonce les phalangistes, leurs pratiques violentes et innommables.
C'est à travers les souvenirs de Mosen Millan, que nous faisons connaissance avec Paco.
C'est effectivement en attendant que les villageois viennent assister à ce requiem, que nous apprenons ce qu'a été la vie de Paco. Mosen Millan, ne peut s'empêcher de se souvenir des moments importants qui ont jalonnés la vie de Paco, son baptême, sa présence auprès de lui,lors d'une extrême onction, son mariage et ses derniers jours.
Paco va vivre de façon intense sa visite avec Mosen Millan auprès d'un mourant . Cette extrême onction sera pour lui un révélateur, un déclencheur qui le marquera à vie. Ce n'est pas tant la mort qui le touche mais la misère, l'injustice. Il fera part de son incompréhension à Mosen Millan qui ne saura lui apporter une réponse.
Cet épisode sera le début de l'engagement de Paco pour une autre vie.
Ce roman est terriblement efficace, en quelques pages et sans jamais la nommer, la guerre civile fait froid dans le dos et nous bouleverse.
Culpabilité, lâcheté, horreur, voilà des mots qui ne sont pas prononcés mais qui sont pourtant bien présents dans ce petit livre admirable. Il faut le lire !
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Espagne, aux temps de la guerre civile. Les cloches de l'église du village sonnent pour annoncer le début d'une messe de requiem, en mémoire du jeune Paco, fusillé un an auparavant. Dans la sacristie, Mosen Millan, le vieux curé, se remémore la courte vie de Paco. Il l'a vu naître, grandir, acquérir une conscience politique, se marier, mourir. Paco, enfant, se demandait déjà pourquoi les pauvres du village vivaient dans des grottes, et pourquoi personne ne les aidait. Devenu adulte, il choisira le camp de ceux qui aboliront la monarchie et les privilèges quasi-féodaux de la noblesse espagnole. L'arrivée au pouvoir des phalangistes brisera brutalement ces idéaux et ceux qui les portent. Paco n'échappera pas au peloton d'exécution, une fois sa cachette dénoncée par Mosen Millan lui-même.
Très court roman (à peine 90 pages), au style sobre, qui ne laisse passer que peu de sentiments et ne permet pas de rendre les personnages attachants. le récit est très descriptif, presqu'un documentaire ethnographique, et rend très bien les différentes scènes de la vie du village, on s'y croirait. de même pour l'atmosphère oppressante de peur et d'insécurité à l'arrivée des phalangistes, « bel » échantillon de la terreur qui régnera pendant cette période.
On comprend bien aussi que l'auteur est du côté républicain (voir sa biographie), et que l'Eglise ne bénéficie pas d'un grand crédit à ses yeux.
En bref, une lecture aisée, mais qui me laisse perplexe, un peu sur ma faim, sans que je puisse dire ce qui manque à cette histoire. Peut-être un manque d'émotions, ou alors au contraire un trop grand écoeurement pour le comportement du prêtre, trop abruti ou trop lâche pour comprendre et regretter les conséquences de ses actes. Charité chrétienne, qu'ils disaient...
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N°272 – Avril 2007

Requiem pour un paysan espagnol - Jamón J Sender.

Il est des livres qui, avec une grande économie de mots et une histoire sans autre prétention que de porter témoignage, en disent long sur la condition humaine, son hypocrisie, ses trahisons, ses bonnes consciences, ses silences, ses renoncements, son acceptation facile de la loi du plus fort ou de son propre intérêt en se trouvant toutes les bonnes raisons d'agir ainsi, tout en se répétant à l'envi que l'homme est humain et humaniste!

C'est facile de faire bon marché de la vie des autres en se disant que Dieu est bon et miséricordieux, qu'il voit tout et saura faire la part des choses à l'heure du “jugement dernier” pourvu qu'on observe ses lois, c'est à dire celles des puissants et des riches qui possèdent le pouvoir temporel, parce c'est dans l'ordre des choses et qu'il ne faut rien y changer. C'est pratique la religion de type médiéval, celle qui règne dans cette Espagne d'un autre âge, aux valeurs traditionnelles mais surtout inspirée par un régime ultra conservateur qui souhaite que les choses demeurent figées dans un ordre éternel, les pauvres restent pauvres et craignent Dieu, les riches restent riches et commandent aux autres en Son nom et ce d'autant plus que le clergé est là pour rappeler à ces esclaves que Dieu a voulu les choses telles qu'elles sont et qu'il serait criminel de vouloir les changer. C'est aussi une carte postale aux couleurs sépia douloureusement fanées, celle des pénitents de la Semaine Sainte qui se mortifient devant les hommes et s'humilient devant Dieu, avec, en filigrane, l'évocation de deux mondes qui cohabitent sans jamais pouvoir se rejoindre!

L'histoire qui nous est contée évoque des faits vieux d'une année. Nous sommes dans cette Espagne d'une royauté finissante, une fin de règne... Et soudain, tous les espoirs deviennent permis, ceux d'un monde nouveau, où les éternels opprimés auront enfin leur chance. La République porte ses nouveaux espoirs pour les oubliés, ces laissés pour compte que sont les paysans sans terre de ce petit village sans nom mais qui est le miroir de ce pays d'alors. C'est compter sans la société traditionnelle qui voit ses privilèges soudain s'évanouir et qui, avec la bénédiction de Dieu et de son clergé va tuer, au mépris de Ses commandements, pour maintenir sa prééminence. Ce sera la Guerre Civile qui, de 1936 à 1939 va détruire tout un pays déjà exsangue. La dictature franquiste fera plus tard et pour longtemps perdurer les choses dans la haine et la terreur. Elles sont suscitées ici à travers les éléments fascistes qui envahissent le village et y répandent la mort .

Le curé Millan peut nous paraître sympathique. Il nous est présenté comme quelqu'un qui vit parmi ces paysans et leur parlent par ses prêches. L'autre protagoniste, c'est Paquito qu'il a baptisé, qu'il a marié, qu'il connaît bien parce qu'il était son enfant de choeur. Mais ce petit paroissien docile est devenu Paco, a oublié son curé et sa religion et a trouvé intérêt aux idées nouvelles. Il est donc devenu Paco l'apostat et menace l'ordre traditionnel en voulant simplement vivre autrement! Au fond de lui, ce brave curé doit faire vengeance et le lecteur n'est pas dupe. L'ecclésiastique va se révéler tel qu'il est, complice des possédants, de leurs représentants et de leurs tortionnaires et va livrer Paco sachant très bien ce qui l'attend. Il l'accompagnera vers la mort tout en maintenant jusqu'au bout l'illusion d'un justice impossible, lui donnant l'absolution et extrême-onction pour que les apparences soient sauves. Paco tombera sous les balles du peloton avec la bénédiction et la complicité de l'homme d'église qui ne fera rien pour le sauver “Parfois, mon fils, Dieu permet la mort d'un innocent. Il a permis celle de son propre fils qui était plus innocent que vous trois” et peu importe la veuve, les orphelins et la famille en deuil! Il n'a même pas eu le courage, un an après, de rendre aux siens la montre et le mouchoir du mort! Sa honte est grande puisque, un an après, il dira lui-même cette messe de requiem pour Paco, payées par ses ennemis, Don Valériano, Don Gumersino et M. Castulo et à laquelle personne d'autres n'assistera. Seul le poulain de Paco qu'ils ont chassé avant l'office voudra, par dérision, être de l'assistance!

Ce retour en arrière est ponctué par les phrases d'une comptine composée par le peuple du village et dites par l'enfant de choeur en mémoire de la mort de Paco. C'est là un véritable requiem, laïc celui-là! Pourtant, le vieux prêtre espère être quitte avec de belles parole et surtout avec cette amnésie qui caractérise si bien la condition humaine [“Dimanche dernier vous avez dit qu'il fallait oublier”], mais la comptine est là pour faire perdurer la mémoire de l'injustice.

Ce récit nous rappelle aussi que la mort fait partie de la vie et qu'elle peut intervenir à tout moment, surtout quand tous les espoirs sont permis, qu'elle est souvent le fait des autres hommes et de leur injustice, que l'individu en tant que tel ne compte pas et qu'on n'hésite pas à s'en débarrasser quand il devient encombrant, pour peu qu'on puisse le faire en toute impunité. C'est ainsi et malgré tous les discours lénifiants des philosophes sur la valeur et unicité de l'homme, sa position au centre de l'univers... c'est comme cela qu'il faut comprendre les choses de cette vie, simplement, brutalement. C'est ce que nous rappelle Sender dans ce récit devenu célèbre.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire dans cette chronique, Ramon Sender reste bien l' écrivain de la condition humaine, un grand témoin qui ne laisse pas son lecteur indifférent.




© Hervé GAUTIER - Avril 2007
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
--- Savez-vous où il se cache ? demandaient-ils tous les quatre en même temps.
Mosén Millàn répondit en baissant la tête. C'était une affirmation. Cela pouvait être une affirmation. Quand il s'en rendit compte, il était trop tard. Il leur demanda alors de promettre qu'ils ne le tueraient pas. Ils pourraient le juger et, s'il était coupable de quelque chose, le mettre en prison, mais pas commettre un crime de plus. Le centurion au doux visage promit. Alors Mosén Millàn révéla la cachette de Paco. Il voulut ensuite essayer encore de le sauver, mais ils ne l'écoutaient pas. Ils sortirent en bande et le curé resta seul. Epouvanté par lui-même, et en même temps avec un sentiment de libération, il se mit à prier.
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Parfois, mon fils, Dieu permet la mort d'un innocent. Il a permis celle de son propre fils qui était plus innocent que vous trois
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...et que ce jeunot croyait que seule sa science valait quelque chose, mais...dis-moi de quoi tu te vante, et je te dirai ce qui te manque. (dime de que presumes y te diré de qué careces)
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