[…] les blessures des héros de la littérature sont rapidement guéries par le baume de la lecture.
Un mort est un scandale, mille morts sont une statistique, affirmait Goebbels, c'est ce que répétèrent et répètent encore les militaires chiliens, argentins et leurs complices déguisés en démocrates. C'est ce que répétèrent et répètent encore les Milosevic, Mladic et leurs complices déguisés en négociateurs de paix.
A dix heures du matin le désert d'Atacama se montrait dans toute sa resplendissante inclémence, et je compris pourquoi la peau des gens d'Atacama semblait prématurément vieillie, creusée de sillons laissés par le soleil et les vents chargés de salpêtre.
Les voilà. Les roses du désert, les roses d'Atacama. Les plants sont toujours là, sous la terre salée. Les gens d'Atacama les ont vues, et les Incas, les conquistadors espagnols, les soldats de la guerre du Pacifique, les ouvriers du nitrate. Elles sont toujours là et fleurissent une fois par an. A midi, le soleil les aura calcinées...
N'oublie jamais que ton métier n'est qu'une partie de ton destin.
Une raie de moins ne change pas la peau du tigre, mais un mot de trop tue n'importe quelle histoire. La tristesse se résout dans un bar, jamais dans la littérature.
Papa Hemingway m'accompagne depuis ma jeunesse. Devant la table de boulanger sur laquelle j'écris, j'ai une photo de lui qui le montre en gros pull de laine et on voit sur son visage toutes les marques que la vie y a creusées.
J'écris des marques et non des cicatrices, car les cicatrices sont des monuments à la douleur ; en revanche, les marques d'Hemingway me disent : regarde, camarade, c'est de là que naît la littérature, de ces marques qui sont les diplômes de tout ce qu'on a vécu.
(…) l'immuable recèle le danger de l'éternel et seuls les dieux ont du temps pour l'éternité.
Je n'ai jamais su si Moscou était une belle ville, car la beauté des villes n'existe que reflétée dans les yeux de ses habitants, et les Moscovites regardent obstinément le sol, comme s'ils cherchaient une inutile terre perdue sous leurs pieds.
"Ou tu es des autres ou tu es des nôtres ". Et qui sont les nôtres ? ceux qui se sont fait baiser, ceux qui perdent sans qu'on leur ait demandé s'ils voulaient perdre . Et ceux qui donnent le meilleur d'eux-mêmes sans attendre de récompense ou de reconnaissance .
A propos de l'euthanasie de leur chat Zorbas :
Comment expliquer (aux enfants) que nous avions le devoir de préserver la dignité et l'intégrité de cet explorateur des toits, aventurier des jardins, terreur des rats, grimpeur de châtaigniers, bagarreur des cours au clair de lune, habitant éternel de nos conversations et de nos rêves ? Comment leur expliquer qu'il y a des maladies qui ont besoin de la chaleur et de la compagnie des bien-portants, mais qu'il en est d'autres qui sont pure agonie, pure, indigne et terrible agonie, dont le seul signe de vie est le désir véhément de mourir ? (p. 100)