Citations sur Mémoires d'un révolutionnaire et autres écrits politiques, .. (25)
L'esprit révolutionnaire se fonde sur un sentiment d'insatisfaction.
Le satisfait est conservateur; il craint que sa quiétude ne soit troublée. Pourvu qu'il digère ! Les bornes de son horizon lui plaisent.
L'insatisfaction, c'est la douleur provoquée par la difficulté de satisfaire les besoins essentiels de l'être, faim, soif, manque de liberté, affirmation des besoins supérieurs intellectuels et moraux...
Voici deux mentalités en présence :
D'une part, l'ardeur de vivre, l'esprit critique, la révolte.
De l'autre, la satisfaction béate de végéter, le contentement de soi-même, l'obéissance, la routine.
Les hommes, quand ils s'imaginent avoir conquis l'argent, sont de règle conquis et défigurés par lui.
Le totalitarisme n'a pas d'ennemi plus dangereux que le sens critique ; il s'acharne à l'exterminer. Les clameurs emportent l'objection raisonnable et, s'il persiste, une civière emporte l'objecteur vers la morgue.
Jamais, nulle part, on ne m'a contesté une seule ligne, jamais on ne m'a opposé un argument : rien que l'injure, la dénonciation et la menace.
Quand on a de si vastes régions polaires et tant de steppes à sa disposition,
on a pas vraiment besoin de guillotine...
Le capitalisme moderne marchant à l'opulence a passé sur le corps de plusieurs générations de travailleurs qui vécurent dans des taudis, trimèrent de l'aube à la nuit tombée, ne connurent aucun liberté démocratique, livrèrent à l'usine dévoratrice jusqu'aux muscles débiles des gosses de huit ans...
Sur les os, la chair, le sang, la sueur de ces générations sacrifiées s'est bâtie toute la civilisation moderne.
... Et c'est une chose effrayante et navrante que de voir comment l'exercice d'un pouvoir , fût-il momentané, fût-il minime, peut transformer le premier venu en tyranneau....
La cause de la liberté est gravement menacée à l'époque de la montée des économies planifiées, étatisées, qui seront tentées de planifier à leur gré l'information, la presse, l'éducation, l'expression imprimée de la pensée.
Victor Serge /// 1946
Nous voulions une révolution libertaire, démocratique ---- moins l'hypocrisie des bourgeois --- égalitaire, tolérante pour les idées et les hommes, qui userait de la terreur s'il le fallait, mais abolirait la peine de mort !
" Garde ton âme, puisque c'est tout ce qui te reste..."
Pas facile à garder, l'âme, car, l'adjuration signée, le parti exigeait que vous vinssiez à la tribune condamner vos erreurs d'hier, dénoncer vos compagnons d'hier, et pas une fois, dix fois, sans cesse.
Ce n'était jamais assez d'humiliation.
De ce jour datent la répulsion et le mépris que m'inspire la peine de mort, qui ne répond au crime du primitif, de l'arriéré, de l'égaré, du demi-fou, du désespéré que par un crime collectif, commis à froid, par des hommes investis d'autorité et qui se croient pour cela innocents du sang misérable qu'ils versent.