Trois soeurs

Nous rions à l’idée que l’amour d’un garçon nous viendrait un jour. Que nous serions comme des chiennes quêtant une caresse, les yeux humides, débordant d’affection et de terreur à l’idée de ne jamais recevoir cette caresse, prêtes à nous laisser mourir si cette main ne se posait pas distraitement sur nos échines maigres et tremblantes.

Nous, blotties, crasseuses. Un seul et unique pelage d’enfance.
Nous sommes trois sœurs.
Les trois filles de la folle.

Dans un chuintement, un soupir mélancolique, je la sens refluer loin, très loin
Emma

Nous sommes trois sœurs et le corps mort de notre mère est une lame qui se balance aux branches mortes d'un prunier.
Nous ne sommes plus la grande, la moyenne et la petite.
Nous devenons aînée, cadette, benjamine.

L'amour, l'amour fou, tu seras heureuse si bien que tu en oublieras de vivre. Et ton cœur sera arraché dans le bus 32 qui va jusqu'à la gare quand ce beau garçon, ce beau garçon au sourire brisé passera sur le trottoir avec une autre pendue à son bras. Et tu n'auras plus qu'une idée en tête. Une seule. Aller pendre ton cœur tout là-haut, à la Lune, comme elle est accrochée à son bras.

Ton cœur sera arraché dans le bus 32 qui va jusqu'à la gare quand ce beau garçon, ce beau garçon au sourire brisé passera sur le trottoir avec une autre pendue à son bras