La première page tournée. Premier dessin et ses couleurs chaudes, première phrase et la joie de retrouver ce chat du rabbin. Fidèle, toujours fidèle, toujours amoureux de sa maîtresse. Ce bel amour nous attendrit et nous réchauffe. » Pour un peu de tendresse
Je donnerais les diamants (…) Pourquoi crois-tu la belle qu’au sommet de leurs chants
Empereurs et ménestrels abandonnent souvent puissances et richesses pour un peu de tendresse » chantait Jacques Brel. Ici on en reçoit plein. Ce chat du rabbin donne envie d’être Zalabya.
Les titillements du chat ne font pas fuir le rabbin . Quand celui ci disparaît, il lui manque.
Poser des questions fait partie de la tradition juive. Le soir de Pessah les enfants sont invités à poser des questions.
Toujours ce regard rieur sur la religion. Ces dialogues croustillants entre le chat et le rabbin. Le questionneur poilu a l’esprit vif et est animé par la liberté.
Tous les deux ont les même intentions: améliorer le monde, le rabbin par la prière, le chat par la révolte.
Une belle dérision drape de belles questions philosophiques. A quoi sert la religion? A quoi servent les mots répétés des prières millénaires. Et si ça servait tout simplement à se sentir bien, es ce ridicule? Es ce plus ridicule de ces révoltes qui se cassent la figure, qui espèrent et puis qui sont déçus. Oui mais n’es pas trop facile de se réfugier dans la religion. En quoi les prières changent concrètement le monde, les uns pensent beaucoup, d’autres ont des doutes. Radoter les mêmes mots es que ça entrave l’élargissement de la réflexion, la curiosité, élargir les possibles; mais répéter les mêmes mots n’es ce pas se souvenir d’où l’on vient , ce qui a irrigué la formation de notre esprit, une sorte de boussole de vie.
On est plus à l’aise quand on ne joue pas un autre, quand on s’écoute. Un chat ça ne parle pas, et alors? Si le chat du rabbin est mieux avec la parole plutôt qu’avec les miaulements pourquoi s’en priver? Etre comme les autres peut être ennuyeux. Etre soi même peut être une belle aventure humaine. Certainement difficile mais salutaire . Derrière une difficulté franchie peut se trouver des beaux cadeaux de la vie, des réalités qui nous disent: » tu as bien fait. »
» Et si c’était pas moi le centre du monde » se demande le chat. Religion, amour, trouver sa place dans le monde, ce sont des questions profondes qui ont de quoi alimenter tout une œuvre. Alors non , il n’y a pas de répétition dans cet opus par rapport aux précédents. Il y a une cheminement, une continuité, une recherche. Pas étonnant que Joann Sfar soit invité à dessiner dans une émission de philo (France Culture dans les Nouveaux chemins de la Connaissance). On peut philosopher avec des livres mais aussi avec des dessins.
Le chat du rabbin nous donne un mélange de sourire et de mélancolie comme un air de klezmer. Son amour pour Zalabya est lyrique comme descend une gamme sur les cordes d’un violon. Sa malice a la légèreté d’une envolée à la clarinette. J’imagine son miaulement ressemblant à un étirement d’accordéon.
La mélancolie de cet opus est une exigence déçue de l’amour ; de la tendresse, une invitation à rester libre et soi-même.
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