Voici un livre qui ne passera pas à la postérité.
Le style d'abord. Alerte, parfois percutant, il est celui, banal, d'un journaliste plus que d'un véritable auteur. On lit certes les pages avec intérêt, mais le vocabulaire est pauvre, peu relevé et tombe parfois dans des facilités inattendues : un langage basique, des tournures parlées, la langue de tous les jours jusque dans ses variantes tel le verlan : « C'est zabir » lit-on à un endroit.
Le sujet ensuite. Raconter l'histoire de trois femmes marquées par une même culture et étudier leur parcours aurait pu se révéler profond. Mais ce n'est pas le cas. Et de fait
Elif Shafak ne réussit pas un roman choral qui aurait rendu compte des strates qui composent une société, des courants souterrains qui la parcourent, se croisent et s'évitent. L'opposition sur le plan religieux entre mari et femme est trop facile, mais reste de surface. le livre reste superficiel. Mais cela s'explique par un dernier aspect.
La structure enfin. Jouant avec les époques, le livre alterne passé (fin du siècle dernier) et présent (début de ce siècle), occident et orient (Oxford et Istamboul). A l'intérieur d'un même chapitre, comme par une composition en abîme, on replonge dans un passé plus lointain avant de reprendre air. La fin du livre déconcerte. On y perçoit ce qui aurait pu devenir un autre roman, avec la vie menée par Azur, universitaire en disgrâce. Les dernières pages ne sont pas satisfaisantes : qui sont ces intrus armés ? que veulent-ils ? pourquoi Peri, l'héroïne, choisit-elle de sortir de sa cachette au risque de sa vie ? Ajoutons-y le titre qui ne correspond pas vraiment au contenu et dont la valeur symbolique est trop évidente et donc trop simple : le refus de l'islam, le choix de l'islam et le doute.
Résumons-nous : un écrivain surfait, un livre de trop car formaté pour plaire à un public contemporain, surtout féminin.