A ce stade, quand on ajoute une 710e critique à un bilan entendu et coulé dans le béton du succès littéraire, il est de bon ton de s'épancher sur "pourquoi y vais-je de mes 2 cents"... car une 710è critique noyée au milieu de la prose des babéliotes, cela vaut à peine 2 cents...
Je n'ai pas le sentiment d'avoir traîné à lire ce roman épistolaire. Et pourtant, quand je l'ai commencé la semaine dernière, le tableau de chasse ne comptait que 707 critiques. Deux en une semaine. Et on passe allègrement de 9900 lecteurs (et quelques miettes) à 10017...
Un bref coup d'oeil m'a montré que les misérables comptaient 120 critiques et que le Vieil Homme et la Mer, 149... pour respectivement 14022 et 5944 lecteurs...
Comme il fait bon être un succès de librairie, un livre "que tout le monde s'arrache", un peu comme le dentifrice dans une BD de Sprirou et Fantasio. Même si dans 3 ou 5 ans, ce livre retombe dans un oubli relatif (chose acquise, à mon avis), il restera cet engouement "de mode".
Et cet appétit, cette curiosité, j'y ai succombé également. Je voulais aussi percer les mystères de ce cercle littéraire qui s'enfile des tourtes aux épluchures de patates...
Et alors? Et alors? Hè, hè, Zorro n'est pas arrivé. Pas pour moi.
Le malheur a voulu d'une part que je connaisse bien la période d'occupation nazie des Îles anglo-normandes. Cette occupation n'est qu'effleurée par les auteures. En 400 pages, on n'a pas énormément de choses concrètes, profondes, détaillées. Superficiel, c'est le mot. Si une oeuvre littéraire avait des cheveux, celle-ci serait "blonde". Sans même parler des approximations dans certains détails de l'île.
D'autre part, le malheur se prolonge... j'ai lu un autre roman épistolaire simultanément... et pas des moindres:
Inconnu à cette adresse, de
Kressmann Taylor. C'est un peu comme si on comparait une tourte d'épluchures des patates à un châteaubriand, fondant et moëlleux. Dans le chef d'oeuvre de
Kressmann Taylor, avec une chute digne des meilleures nouvelles, le parler est vrai, le style, les expressions, les convenances... autant de détails qui ne m'ont pas convaincu dans les lettres de Juliet à Sidney, et consorts.
J'ai retrouvé dans
le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates ue forme d'esprit commun au film La Vie est Belle. Je ne peux pas vraiment l'expliquer, cette insouciance, cette superficialité... cela m'a gêné.
Je lis des critiques où il est question de secrets enfouis et patiemment découverts par l'héroïne... il n'y a rien de tel, même avec la meilleure volonté du monde.
Ce livre contient pourtant des dizaines de pistes. Celle avec
Oscar Wilde, par exemple. Rémy, les camps, l'occupation nazie, les petites compromissions, les tahisons, les histoires de famille... tout cela n'est qu'effleuré. Et (au risque de me répéter) le livre atteint quand même les 400 pages...
J'en viens à me dire que la forme 100% épistolaire n'est sans doute pas le meilleur choix. Un mélange des deux aurait été plus judicieux, de manière à dynamiser le tout, à le tonifier. Sans compter que toutes les lettres ne sont pas là, contrairement au roman de
Kressmann Taylor. Dès lors, les notes d'Isola qui concluent le Cercle littéraire tombent comme un cheveu dans la soupe (de navets...?).
Au final... je n'ai pas cru aux personnages, ou à peine. J'ai souri, un peu, je ne me suis pas pris d'amitié pour Kit, je n'ai pas pleuré sur Rémy... Je suis passé à côté.
Ce n'est que mon ressenti de lecture... Et pourtant ! Cette mise en abyme du livre où une auteure cherche un sujet, alors que le livre s'écrit sous ses yeux, au gré des lettres échangées, c'est une idée intéressante, même si elle n'est pas totalement originale. Mais, en ce qui me concerne, la clé du flop est fournie aux alentours de la page 308, quand Sydney dit à Juliet qu'elle n'écrit pas un roman mais additionne les anecdotes, les historiettes, et qu'il manque un fil conducteur, une trame, un récit, quelque chose qui emporte le lecteur... Il a raison, et sa critique s'applique tout à fait au Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates, à mon avis. Cela papillonne, mais cela ne développe rien de puissant.