Voilà venu pour moi le temps de m'attaquer à ce beau pavé qu'est
le Prieuré de l'Oranger, qui avait fait grand bruit à sa sortie. La couverture est splendide, et
De Saxus promet, selon la citation présente, un ouvrage qui mérite autant de succès que le Trône de Fer. Est-ce réellement le cas ? A mon sens, pas vraiment. Se comparer aux maîtres du genre, c'est parfois prendre le risque de se brûler les ailes...
Mais ne mentons pas non plus.
le Prieuré de l'Oranger se lit très bien, et les pages se parcourent sans mal. C'est déjà un bon point de ne pas avoir du mal à progresser, et de le faire avec plaisir. Au départ, j'ai eu du mal à me plonger dans cet univers, me sentant un peu perdue. Comme si ce qu'on me décrivait avait du mal à se montrer à mon imagination, malgré la carte au début du roman. Et pourtant, de l'imagination, j'en ai à revendre, et j'ai pas mal de bouteille question littératures de l'imaginaire ! Heureusement, cette première impression a fini par passer, et je ne me suis pas noyée. Au contraire, j'ai même appris à nager, et j'ai ainsi pu apprécier le world building de l'auteure.
A mon sens, l'univers est loin de révolutionner le genre, mais cela ne l'empêche pas d'être propre et bien ficelé, et d'avoir des petites touches originales de ci de là. le fameux Prieuré de l'Oranger, bien que présenté assez tard, fait partie de ces originalités bienvenues à mon sens. J'ai aussi particulièrement aimé l'ambiance asiatique de la Seiiki, et suivre des dragons orientaux était un vrai plaisir (j'aimerais souvent lire des romans imaginaires se passant davantage dans ce genre d'univers). Quant à l'Inys, c'était également assez plaisant à parcourir.
Les personnages étaient dans l'ensemble assez bien traités, même si Ead et Tané se distinguent plus particulièrement. Niclays, Sabran et Loth ont aussi un bon traitement, même si j'ai eu plus d'attachement pour les deux premières, qui sont, ne nous le cachons pas, sous les feux de la rampe. Les seconds couteaux étaient également plutôt bien ficelés, ce qui donnait un ensemble agréable, avec des personnages que j'ai pris plaisir à suivre.
Oui... mais. Au bout du compte, tout en ayant apprécié ma lecture, j'en ressors avec des sentiments partagés. Déjà, j'ai trouvé que l'ensemble était un peu trop manichéen, clairement à l'image des classiques du genre (que j'apprécie pourtant de lire ou de découvrir). D'un côté, les méchants dragons et leurs alliés (dont la menace quoique sérieuse semble presque enfantine au sens "trop facile", un peu comme dans un jeu vidéo...) et de l'autre... l'humanité entière qui au bout du compte fait office de gentils. Heureusement, il y a des complots et des retournements de situations qui viennent nuancer cela, ainsi que quelques personnages gris et difficiles à cerner. Mais dans l'ensemble, on voit rapidement où l'on doit aller, et le cheminement semble relativement cousu de fil blanc.
J'ai aussi ressenti un peu de frustration à voir certains personnages très intéressants être sous-exploités à mon sens. Par exemple, la mauvaise exploitation de Tané, qui ne révèle vraiment son intérêt qu'à la fin du livre. le début avec elle est prometteur, et pendant toute la moitié du roman... elle stagne au point que ça en devienne inintéressant (l'auto-apitoiement, ça finit par redevenir redondant... et Niclays est dans le même cas). Au vu de son potentiel, cela m'a profondément frustrée, mais c'est peut-être une question de goût (et puis, donnez-nous plus de scènes avec sa dragonne !). D'autres personnages étaient également intéressants, mais malheureusement trop survolés. Nairuj ou la princesse de Yscalin auraient fait des protagonistes vraiment intéressants à développer. A l'inverse, d'autres n'apportaient à mon sens qu'un intérêt limité à l'intrigue, comme la sorcière Kalyba qui manquait cruellement de profondeur (allez, tous avec moi quand elle apparaît "TIN TIN TIIIIIN ! La méchaaaaante ! La méchaaaaaante !").
Pour finir, je reproche également au livre un véritable souci de rythme. Comme si l'auteure avait voulu prendre beaucoup (trop) son temps pour développer le contexte et l'atmosphère de la cour inyssienne, notamment pour pouvoir développer l'intrigue amoureuse entre deux protagonistes, pour ensuite se rappeler qu'il ne restait plus mille pages pour clore l'histoire. Résultat des courses : on passe 9/10e du roman à se préparer à l'émergence de la menace, et maximum 50 pages à résoudre l'intrigue avec une grande bataille épique. Alors oui, peut-être que ce n'est pas forcément dans l'intérêt de l'auteure de faire dans la fantasy épique, mais ça reste bien fait, et ça aurait clairement gagné à être traité davantage et de manière moins expéditive !
Au bout du compte,
le Prieuré de l'Oranger aura été une bonne lecture, sans plus. J'ai passé un bon moment, sans adorer ni détester, mais de là à le comparer à Martin ou
Tolkien... je n'irai clairement pas jusque là !