AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,02

sur 21 notes
5
8 avis
4
3 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Mertvecgorod. Est-il encore besoin de présenter cette ville infernale à ceux qui me suivent sur ce blog ? Quelques détails : Mertvecgorod est née dans l'esprit de Christophe Siébert, un écrivain français qui aime se promener dans les bordures de notre société. Dans ce qui est caché, rejeté. Ce qui paraît sale, répugnant, interdit. Et il explore ces facettes sombres de notre humanité. Avec Mertvecgorod, il a trouvé un terrain idéal d'exploration !

Commençons par mon étonnement à la découverte de ce titre chez Mu (label des éditions Mnémos), alors que les précédents titres de cette série sont parus chez Au diable vauvert : Images de la fin du monde, Feminicid et Valentina. Sans oublier une nouvelle dans l'anthologie des Imaginales 2023 (passée cette année, justement, des éditions Mnémos à celles d'Au diable vauvert), le Futur de la cité. Mes interrogations ont rapidement trouvé leur réponse dans la préface très éclairante de Marion Mazauric, fondatrice et dirigeante des éditions Au diable vauvert. Pour résumer, le projet de Christophe Siébert est tellement gigantesque qu'une seule maison d'édition n'y suffit pas. Il faut en associer plusieurs pour apaiser la soif d'écrire de l'auteur. D'ailleurs, il a également fait paraître d'autres récits, hors cycles, ailleurs : Hram chez Gore des Alpes et Vive le feu chez Zone 52. Boulimique… Mais comme j'adore cet univers, je ne vais pas m'en plaindre.

Volna inaugure un nouveau cycle, Black-out, qui racontera les évènements survenus entre 2029 (année du black-out, logique) et 2050. Mertvecgorod vivotait, baignant dans sa pollution et sa corruption endémiques, quand les autorités ont décidé de fermer toutes les frontières du jour au lendemain. Façon mur de Berlin. L'économie de la ville s'en est trouvée bouleversée et les habitants ont dû prendre de nouvelles habitudes. Ici, on se rince la bouche, lors du lavage de dents, à la vodka, car elle coûte moins cher que l'eau. D'ailleurs, on se lave un jour sur deux. Les odeurs corporelles fleurissent, aigres, tenaces. L'ambiance générale est donc à la survie. Les quartiers sont tous verrouillés, les check-points fleurissant à chaque limite. Ici dominent les plus puissants, les plus forts. Chaque personne possédant un minimum de pouvoir l'utilise pour asservir l'autre, obtenir de lui ou d'elle quelque chose, l'humilier. Les pulsions les plus profondes, les tendances animales sont portées à leur paroxysme. Vous devez passer une « frontière » entre deux kvartali, vous savez qu'il vous faut avoir de la chance : si les soldats qui la gardent sont de mauvaise humeur ou tout simplement vicieux à l'excès, vous risquez de perdre du temps. Ou votre liberté. Voire votre vie.

Catherina est une de ces forçats. Elle effectue un travail abrutissant qui consiste à surveiller d'autres travailleurs. Elle-même est surveillée en permanence. La Stasi n'aurait pas fait mieux. Elle tient par habitude et grâce à l'oubli offert par les drogues. Elle va héberger Roman, un ami qui s'est fait virer de chez lui par sa femme parce qu'il avait fréquenté une boite gay. Ce dernier n'a qu'un but, à part se défoncer du matin au soir : voir encore sa fille. Épave qui se traîne du canapé à son travail où il garde son poste par miracle, il vit, lui aussi, par habitude. Leur existence est bouleversée par la découverte d'un capucin, un singe qui traînait sur un parking. Il s'agit d'un animal de compagnie asservi par une technologie nouvelle. On peut l'éteindre à volonté. Et le transformer en espion. Tout ce qu'il enregistre est stocké sur une carte SIM.

Il est facile d'imaginer que cette carte renferme des secrets inavouables. D'autant que la dépravation est monnaie courante à Mertvecgorod. Certains passages des autres récits de cette ville montrent des actes d'une cruauté inimaginable où ce qui compte pour certains, c'est le pouvoir qu'ils ont sur les autres (ici, ils sont juste effleurés, mais n'en restent pas moins marquants). Et tout est permis, de la torture la plus violente à la pédophilie la plus abominable. Les interdits habituels de nos sociétés modernes volent en éclats dans cette cité où la force, l'argent et la corruption règnent en maitre.

Catherina et Roman vont donc devenir des cibles qu'il faut traquer et éliminer. Afin de récupérer la carte. Et les forces intéressées par cet objet et ce qu'il contient sont nombreuses. Et armées. Et violentes. Et sans scrupule. Je pense au groupe composé d'Anton, Sasha et Adam. Chacun a sa spécialité. Chacun son vice. L'un n'aime rien tant que donner des claques, mécaniquement, sans émotion apparente. Un autre ne s'éclate que dans la destruction de tous les objets qui composent le quotidien de ses victimes : quand il entre dans leur appartement, il ne peut en sortir avant d'avoir tout brisé, tout réduit en miettes. Histoire de montrer qu'il ne leur reste plus rien, qu'ils n'ont rien pour se réfugier. Et ce trio n'est donc pas le seul groupe à la poursuite de la carte. Les collisions vont être violentes, brutales, meurtrières.

Ce nouveau cycle propose, pour débuter, une oeuvre plus linéaire que les précédentes, mais au découpage plus mordant, plus rythmé. On ne trouve pas la variété de textes du Cycle des chroniques de Mertvecgorod (extraits de journaux, analyses de collectes de données, chronologies) qui en faisait leur originalité. Mais l'action se déroule, rapide et froide, devant nos yeux. Et c'est bon : Volna se lit rapidement, comme un coup acide dans le visage. Je suis décidément toujours addict. Encore, encore, ENCORE !
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          200
C'est (étonnament?) toujours un bonheur de se plonger dans l'univers de Mertvecgorod.
Petite infidélité temporaire Au Diable Vauvert pour ce texte publié chez Mnémos (nouveau cycle?).
Nous sommes toujours à Mertvecgorod, cette ville si glauque, poisseuse, violente, repoussante. Mais cette ville où je reviens toujours pourtant : l'attraction/répulsion dans toute sa splendeur.
Alors il ne fait pas bon être un homme, une femme, un singe, un quelconque être vivant à Mertvecgorod. Lecteur, ne vous attachez à personne. de toute façon, l'auteur ne vous en laissera pas l'occasion. Sur un rythme quasi frénétique, d'action, d'écriture, de lecture, on lit les chapitres, on les enchaîne, en se demandant quel drame, quelle horreur nous attend.
Cependant ici, oh miracle, une petite touche de lumière. Ne vous emballez pas, rien qui risque de vous éblouir ou de vous faire sortir les lunettes de soleil. Mais une petite touche. Et une touche, même toute petite, dans ce noir, et bien ça se ressent.
Un tome qui peut se lire indépendamment des autres livres de l'univers de Mertvecgorod, même si j'aime l'expérience globale de la lecture de l'ensemble. Et en plus, je n'ai pas encore tout lu ! Encore des heures sombres de plaisir coupable en perspective !

Merci aux éditions Mnémos pour l'envoi.
Commenter  J’apprécie          100
Bienvenue.
Vous venez de poser les pieds en ce 11 Mars de l'An III dans les ténèbres de Mertvecgorod, capitale infernale sortie tout droit du rêve modeste et fou de Christophe Siébert. "Volna" sera notre guide et nous accompagnera à travers les rues sales et violentes de cette métropole corrompue aux frontières impénétrables.

Sous le regard des aurores atomiques, l'odeur des corps non lavés, conséquence d'une eau devenue aussi chère que rare, imprègne l'air des quartiers barricadés où les puissants, transformés en parodie effrayante, se préparent des traces et se nourrissent des faibles sans pitié, vague scélérate s'abattant au ralenti sur l'humanité entière.

Dans ce monde de violence et de brutalité, nous suivons entre autres l'histoire de Catherina et Roman, homme invisible hanté par des lianes noires, deux survivants luttant pour naviguer dans ces rues désertes où le soleil se lève chaque jour dans le seul espoir de percer l'épaisse couche de pollution. Leur vie est à jamais bouleversée lorsqu'ils tombent, entre deux épaves de voitures, sur un singe capucin, porteur de secrets inavouables dans une ville où les tabous n'existent pourtant pas. La course pour récupérer ce primate devient dès lors le point central de l'intrigue, avec de multiples factions violentes se lançant à la recherche d'un putain de singe en vadrouille quelque part dans la ville.

"Volna", pochoir de deuil synonyme d'espoir dans un monde sans horizon, plonge les lecteurs dans le monde sombre d'une cité avide de chairs où l'action est rapide, brutale, et le récit se déroule avec une efficacité remarquable. L'auteur confronte les aspects les plus sombres de l'âme humaine, filaments de sang pourri tombant du ciel comme des glaires, explorant un monde où la frontière entre l'humain et la bête est floue, et où l'avenir est une denrée que l'on ne peut se permettre.

Dans la crasse écarlate, il donne une voix à ses personnages : les marginaux, les négligés, les inadaptés.
Dans ces ténèbres qui accueillent les profondeurs de la condition humaine, il offre une lueur d'espoir au milieu de l'abysse.
Dans le ciel, l'enfer, la dégradation et l'oeuvre continuent de se déchaîner.

Impact.
Commenter  J’apprécie          40
Soyons clairs c'est trash. de l'univers de Mertvecgorod, je n'avais jusqu'à présent lu que Valentina, que j'avais adoré, et je m'étais ravi du fait que c'était « pas si trash », justement (je l'avais chroniqué ici même). Bon, ben là, c'est sûr qu'à côté de Volna, le précédent c'était Blanche Neige va boire du thé chez Barbie. Parce que cette fois, c'est vraiment trash. Certains passage m'ont fait plisser les yeux, sentir des lames de rasoirs sous mes ongles et autres trucs pas sympas qui font que parfois, on lâche un bouquin*. Mais là, non. Siébert a cela de très fort, que même dans la dégueulasserie, il nous donne envie de ne pas lâcher ses personnages, de voir au bout s'ils vont enfin réussir à le surmonter ce monde de merde dans lequel ils surnagent avec peine.

S'ils y arrivent ? Je vous le dirais pas.

Je vous dirais simplement que voilà un bouquin qui sort de l'ordinaire, résolument punk, du côté des moins que rien, des tox, des prolo qui en chient, et qu'en littérature, c'est pas si souvent, en fait, qu'on est à ce point de ce côté de ceux qui sont dans la merde. Ça vaut le coup de plisser parfois les yeux.
la suite de la critique par ici :
Lien : https://pieddebichemarquepag..
Commenter  J’apprécie          30


Mertvecgorod, ou l'anatomie atrophiée d'un corps malade, aux muscles irrigués d'un acide sociétal, ou grouille les vies humaines, noircies de totalitarisme, dans une dystopie monstrueuse, ou existe bon gré mal gré les anti-héros de cette histoire…

Volna fais partie d'un récit tentaculaire, initié depuis quelque temps par son auteur des plus singulier. Un terrain de jeu explosif. Volna est une nouvelle histoire dérivée de son axe, plus nerveuse, fonçant avec une franchise exaltante vers sa résolution exorcisante !

Au pays des contes suintant la pollution, un singe capucin câblé sous sa fourrure, disparait, porteur d'une source numérique, une sorte de compteur des infamies ayant tourné sans relâche… C'est kidnappeurs, dans l'improvisation totale de leur acte, ne devinerons jamais dans quel engrenage, ils auront coincé leurs humanités crasse…

Mertvecgorod ou le croque-mitaine, avalant — broyant ses âmes, avec sa dose de kosmo, pour mieux supporter l'absence d'apesanteur dans ce microcosme maudit ou vive les damnés, ou l'auteur se plait aussi à défendre ses héroïnes sans nom ou presque, fortes, rebelles et si tristes.

Vous l'aurez deviné, sous vos yeux pourra se dérouler bien plus que ce que vous ne pourriez l'imaginer, car ce livre, n'en sera qu'une petite porte d'entrée, dont les tenants et les aboutissants vous serons expliqués dans une judicieuse préface. L'auteur, avec sa plume sans concession et son talent d'écriture sans conteste, nous dévoilera avec le temps une grandiloquente cosmologie des ténèbres …

Commenter  J’apprécie          20
À mon sens le meilleur de la série. Toujours la même rage, contre le pouvoir, les hommes de pouvoir, le système politique qui corrompt tout, le désir, le plaisir, le sens de l'existence. Au milieu de la drogue, du sexe et de la violence , trois femmes émergent du chaos, jusqu'au majeur levé final, magnifique, dérisoire, libérateur. L'intrigue est prenante, du début à la fin, le style franchement addictif.
Beaucoup d'humour, des passages d'une profondeur rare sur l'origine de la violence (en particulier faites aux femmes), et me semble-t-il, un style plus dense, plus épuré, une plus grande retenue dans la description de la violence, qui la met davantage encore en exergue. Et comme chez Despentes, malgré ce monde nauséeux, une grande humanité, dans la manière d'analyser, de comprendre ce qui nous ronge, nous exalte, et en dépit de ce qui tente d'amoindrir notre humanité, résiste aux fossoyeurs d'espoir.
Sous des dehors trashs, punks et en effet, franchement jouissifs, un grand roman social et politique, authentiquement féministe.
Commenter  J’apprécie          20
Il m'aura fallu moins de 24h pour dévorer cette oeuvre, que j'ai adorée !

Une petite merveille, tellement intense et explosive que j'avais l'impression de devoir reprendre mon souffle à la fin de certains chapitres.

Bien que parfois très crus, les mots sont maniés avec une justesse incroyable et la plume de l'auteur nous plonge la tête la première dans cette course contre-la-montre effrénée.

À lire de toute urgence 🤩
Commenter  J’apprécie          00
Christophe Siébert poursuit son exaltante bien que sombre saga polymorphe avec Volna, 6e roman du cycle dédié depuis 2020 à la mégalopole fictive Mertvecgorod, toutes maisons d'édition confondues – le premier chez Mu puisque situé entièrement dans un futur proche « après le black-out », trois Au diable vauvert, un chez Gore des Alpes, un chez Zone 52, tous lisibles indépendamment.
Volna, roman assez court et violent, se déroule donc toujours dans ce Pandémonium post-soviétique dont le ciel plombé déteint sur une population pour partie condamnée à l'ennui, qui survit dans sa routine à coups de drogues diverses au quotidien (l'équivalent de « nos » antidépresseurs tolérés en somme), mais cette fois en 2033. Ces vies en sursis convergeront néanmoins dans un sursaut vers une quête soudaine. Et c'est à flux tendu que le lecteur suivra cette course-poursuite éperdue, à travers un récit ultra rythmé aussi cru que poétique, porté par une écriture fluide et percutante.

En 2033, sous cette chape de suie, les lendemains sont tellement peu désirables et similaires qu'ils existent à peine. Chacun n'écoute donc que ses pulsions. N'obéit qu'au rythme de ses obligations contractuelles. S'abrutit dans ses perversions, ses addictions, sa rage, son travail répétitif. Dans l'attente d'un micro-évènement qui, au pire, viendrait rendre moins pire la douleur physique, morale. Au mieux, donnerait un sens à son existence minuscule. Beaucoup sont poursuivis par des fantômes (Alina, croisée dans un des plus beaux chapitres d'Images de la fin du monde, ici figure radicale d'un romantisme noir absolu, face à son deuil ; Roman et sa vision striée de lianes noires – trouvaille formidable pour métaphoriser un quotidien lacéré par des excès, par la vacuité, par une sortie de route). Estiment avoir des choses à réparer, à venger (Alina qui se voit en « vague scélérate s'abattant au ralenti sur l'humanité entière »).

Tous sont embourbés ou presque. Ensevelis vivants en apparence, à l'image de certains saints qui partageaient avec eux la solitude et le statut de « bêtes sauvages ». À l'image du capucin (le singe, pas le religieux cette fois) inerte sans sa carte SIM (toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coïncidence – les résonances sont souvent assourdissantes). Comme si toute limite ou tout repère avait disparu dans cette ville-forteresse noire maudite…
Niveau sauvagerie, égoïsme ou lâcheté, les personnages masculins s'illustrent d'ailleurs en particulier (sauf un, loyal envers un ami décédé). Puisqu'il s'agit soit d'hommes sans scrupule, obsédés par la violence physique (Anton et ses sbires), sexuelle (Méliadus, vampire drogué au pouvoir, à la chair et au sang), pervers (amateurs ventripotents de jeunes filles), soit de « chiffes molles » (Roman). Habités par de petites vengeances égotiques virilistes minables (ou, exception, par la honte) ou des velléités de soumission et d'oppression.

Là où au contraire les femmes sont portées par des braises intérieures qui ne demandent qu'à être ravivées par des desseins de plus grande envergure : Catherina qui d'une vie sans relief devient héroïne, meneuse ; Alina, même si obsédée par la vengeance, qui considère l'éventualité de recommencer à vivre, puis de faire exploser la vérité ; Lily la hackeuse…
Qu'elles cherchent à sauver leur peau ou celles des autres, passer un message, ces femmes combattent à leur façon. Qu'elles soient socialement invisibles ou peu déterminées au départ, Siébert fait surgir leur majesté, même si d'autres restent prisonnières de leur condition systémique d'objet (Feminicid paru en 2021, moins romanesque dans sa forme, plus ardu dans sa structure, néanmoins très fort et d'une noirceur qui vous colle aux doigts des mois durant, se pose là comme enquête ouverte sur l'abomination qui lui donne son titre).
Mais Siébert ne pontifie pas : il dissémine, suggère, interroge et nuance toujours avec sa langue aussi précise que subtile, et parvient à parsemer de rares éclats lumineux cette fange nihiliste où les soubresauts d'humanité et d'espoir pointent avec d'autant plus de puissance voire de beauté.
Commenter  J’apprécie          00



Lecteurs (64) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4906 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *}