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Chroniques de Mertvecgorod tome 2 sur 2
EAN : 9791030704464
384 pages
Au Diable Vauvert (16/09/2021)
3.97/5   29 notes
Résumé :
Voici la première édition non-clandestine du manuscrit de Timur Maximovitch Domachev, journaliste trouvé mort d’une balle dans la tête le 20 février 2028, à Mertvecgorod, alors qu’il enquêtait sur des féminicides en série.

Entre l’audace narrative de Bolaño, la noirceur cyberpunk de Dantec ou le post-exotisme de Volodine, les chroniques de Mertvecgorod explorent les bas-fonds d’une socié... >Voir plus
Que lire après Chroniques de Mertvecgorod, tome 2 : FeminicidVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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En Mars 2020, Christophe Siébert créait la surprise avec le premier volume des Chroniques de Mertvecgorod. Nommé au Grand Prix de l'Imaginaire et acclamé par la critique, le français frappait fort et dur.
Un peu plus d'un an plus tard, il récidive avec Feminicid, deuxième ouvrage autour de Mertvecgorod et de ses atrocités.
Avec un titre aussi évocateur (et provocateur), Siébert offre aux lecteurs une habile expérimentation littéraire qui oublie le fix-up de nouvelles pour du journalisme d'investigation et de la théorie du complot à foison.
Sauf qu'à Mertvecgorod, lorsque les cadavres s'entassent, le complot et l'entreprise macabre ne font aucun doute…

Pour cette deuxième incursion dans la République Indépendante de Mertvecgorod (RIM), Christophe Siébert rassemble tout ce qu'il a déjà écrit sur ce pays imaginaire (et où tous les enfants sont perdus depuis toujours) pour développer l'un des textes contenus dans Images de la fin du monde.
Il porte son dévolu sur Feminicid, article d'un certain journaliste de Mertvecgorod du nom de Timur Domachev dans lequel celui-ci menait l'enquête sur des centaines de meurtres de jeunes femmes retrouvées (ou pas) dans l'un des secteurs de la mégalopole, rajon 14.
Souvent atrocement mutilées, les victimes avaient fini par attirer l'attention de la population mais aussi des autorités qui niaient purement et simplement le côté systémique de cette entreprise meurtrière pour accuser quelques dizaines de coupables trop évidents aux intentions plutôt floues…
C'était aussi l'occasion pour Christophe Siébert d'imaginer une sorte de virus empathique, le blagočestie, qui permettait à certains habitants de Mertvecgorod de communiquer avec les victimes de ce feminicid (entraînant la constitution d'une secte et la tenue de réunions quasi-mystiques après chaque découverte macabre au coeur du rajon 14).
En reprenant ces éléments, le français va imaginer une enquête entière de la part de Timur Domachev autour de ce feminicid et la faire coïncider avec toute la mythologie déjà connue par le lecteur à propos de la sinistre Mertvecgorod.
Nous revoici donc dans la capitale grisâtre où le trafic d'ordures, d'organes et de drogues se porte toujours aussi bien et où la pollution ambiante refile le cancer à une proportion ahurissante de miséreux et de laissés-pour-compte.
L'atmosphère post-soviétique à la Volodine reste la même, le goût pour le gore, la violence, la pauvreté, le sexe et les notes d'humour grinçant également.
Lecteurs d'Images de la fin du monde, vous ne risquez guère le dépaysement (et les autres, vous devriez déjà filer lire ce précédent coup de poing littéraire pour pouvoir profiter au plus vite de Feminicid…parce que Siébert n'a pas décidé de lever le pied).

Feminicid retrouve donc toute l'histoire et les personnalités politiques corrompues d'Images de la fin du monde pour élargir son univers d'une façon tout bonnement stupéfiante. Christophe Siébert prend le prétexte de son enquête pour relier tous les fils (ou presque) de son monde en niveaux de gris afin d'accoucher d'une oeuvre encore une fois puissante, subversive, glauque et cruelle.
Mertvecgorod, ancien goulag, décharge de l'ex-URSS puis repaire des oligarques les plus décadents et sanguinaires de toute l'Europe de l'Est.
Mertvecgorod, encore et toujours à la lisière entre un capitalisme mortifère qui détruit toute notion de moralité et cette étrange résilience slave post-soviétique qui fleure bon l'autoritarisme et la milicia.
Découpé en plusieurs parties, Feminicid suit l'enquête minutieuse de Timur Domachev qui va creuser encore plus loin que dans le précédent ouvrage à propos de certains personnages que l'on connaît désormais très bien. le Clan des 4, le Svatoj, l'amiral Doubinski, les membres de la Danse de la mort…. Christophe Siébert opère une vaste opération de relecture pour relier les différents récits et construire de toute pièce une théorie du complot autour du feminicid…une théorie du complot qui n'en est d'ailleurs pas une.
Derrière le drame, des personnages puissants, des sadiques, des monstres, des fanatiques. L'horreur de Feminicid va crescendo, pioche dans toutes les formes, des plus graphiques aux plus psychologiques et délivre un message sur la considération du monde actuel envers les femmes qui meurent. C'est à dire quasiment aucune. Pas étonnant d'ailleurs de se rendre compte que l'auteur dédie son livre aux victimes d'un vrai féminicide, celui de Ciudad Juarez au Mexique. Si Mertvecgorod et son monde pourri jusqu'à l'os peut sembler fictif au premier abord, la réalité rode toujours derrière les inventions macabres de Christophe Siébert, comme un fauve prêt à bondir, comme une Chasse Sauvage prête à déferler.

Mais là où Feminicid impressionne, c'est par la constante réinvention qu'il nous offre. Christophe Siébert ne se contente pas d'une enquête policière lambda (et cela aurait été bien difficile quand on connaît un peu l'univers).
Ici, le récit du journaliste s'imbrique avec des morceaux de pages Wikipédia fictives, des patchworks de légendes païennes, des témoignages et des aveux, des articles de journaux, des chronologies et des notes, des analyses d'oeuvres d'arts et même un roman dans le roman.
L'expérimentation littéraire rappelle parfois certains passages de la Maison des Feuilles sauf que l'on frôle dangereusement le snuff-movie et l'indicible, englué dans l'horreur toujours plus profonde et pénétrante qui suinte de Mertvecgorod. Christophe Siébert n'a toujours aucune limite, et c'est tant mieux puisque l'expérience finale n'en est que plus radicale.
Pour parfaire le tout, l'auteur français plonge à plusieurs reprises dans un fantastique horrifique du plus bel effet qui convoque mythes cthulhiens, rituels sataniques et autres orgies sexuelles transgressant tous les tabous.
Feminicid constate le coeur noir des hommes et se lave dans le sang des coupables comme des innocents, faisant perdre pied à son lecteur au fur et à mesure de la descente, réinventant la figure de Dracula pour mieux lui rendre justice, invoquant des puissances obscures pour asseoir la sinistre histoire de la mégalopole. Tout semble même tourner à la folie à mesure que l'enquête avance, l'espoir n'en finissant pas de crever et l'horreur de submerger la page.
Le goût affirmé et revendiqué pour l'underground et les légendes urbaines donne une saveur très particulière à cette enquête, quelque chose de viscéral, de poisseux qui colle à la peau et à la langue jusqu'à la dernière page.
Si Feminicid veut rendre justice aux corps oubliés et martyrisés des femmes-objets, défigurés par la superstition, la misère et la connerie humaine, c'est aussi pour dénoncer le pouvoir de l'argent qui rend intouchable et permet les choses les plus terrifiantes à l'abri des regards et des lois. Derrière les murs de Mertvecgorod, l'horreur engendre l'horreur et l'injustice semble ne jamais finir, peu importe si les responsables meurent, d'autres prendront toujours leur place.

C'est un nouveau tour de force narratif que nous offre Christophe Siébert avec cette enquête expérimentale qui unifie un univers passionnant et terrifiant pour en faire un symbole de la corruption morale de notre monde moderne. Feminicid accumule les trouvailles narratives et les personnages marquants, voyage dans le temps et dans les bidonvilles de la Zona, terrorise et intrigue encore et encore. Définitivement l'une des oeuvres littéraires les plus marquantes de ces dernières années.
Lien : https://justaword.fr/feminic..
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Ce que j'ai ressenti:

« Comment en est-on arrivé là? »

Comment en est-on arrivé là, à cette indifférence du monde, devant tant de meurtres de femmes? Comment en est-on arrivé à cette vague de Feminicid? Comment expliquer un tel phénomène?

Un homme, Timur Maximovitch Domachev décide de mener une grande investigation, en vue certainement, d'un futur roman pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette série de meurtres atroces à l'encontre des femmes. Parce qu'à un moment, (on l'espère) certains devront répondre de leurs actes, devront rendre des comptes, pour qu'il y est réparation(s). En tout cas, c'est cette noble cause que ce journaliste défendra jusqu'à son dernier souffle. Reste donc, entre nos mains en plus de la question étrange de son « suicide », les pages de son manuscrit incomplet mais déjà fortement subversif, fait de multiples documents, annexes, témoignages, bilans chiffrés qui retrace la complexité d'un phénomène de tueries sans précédents…

Déjà, il faut comprendre que ces horreurs sont commises dans une ville rongée par le Mal. En parcourant Mertvecgorod, on est saisi par tout un engrenage de jeux politiques, de fièvre bestiale, de pauvreté chronique, d'hommes imbus de pouvoirs, de mélange de légendes urbaines et d'actes atroces commis en toute impunité, de corruptions et de misères. C'est aussi tout un réseau d'économies souterraines, de trafics en tout genre, de violences et d'horreurs. Mertvecgorod, c'est une ville pourrie de l'intérieur qui se nourrit, avec férocité, de folklore et d'obscurantisme, de sang et de chair fraîche. Autant vous dire que se promener dans ses rues, c'est se confronter à ce qu'il y a de pire en l'Homme…Et à chaque fois, presque inévitablement, c'est les femmes qui en pâtissent…

Malgré la noirceur et la décadence qui se dégage de ces pages, j'ai aimé l'audace et l'originalité de cette lecture. En effet, c'est une enquête journalistique truffée de textes de différentes natures, mais qui relève d'une véritable envie de justice pour ces femmes. Et puis, l'auteur laisse au lecteur, le choix de faire ses propres conclusions sur la portée de ce manuscrit inachevé. Je regrette de n'avoir pas lu le premier tome, Images de la fin du monde, pour saisir encore mieux de l'ambiance de cette ville soviétique imaginaire et corrompue, mais déjà cette chronique, particulière, accès sur les ravages du Feminicid à Mertvecgorod est fort intéressante. Parce qu'il joue entre passé et anticipation, l'auteur nous entraîne dans une dynamique de réflexions sur les dérives du pouvoir de l'État, sur les dangers du capitalisme, sur les théories du complotisme, sur les courants dévastateurs de la violence, tout en agrémentant des profondeurs de la terre, toutes les croyances surnaturelles qui font revenir la bête en chaque homme…

Et comme on le sait, la réalité dépasse toujours la fiction, j'ai été touchée de voir que ce livre est dédié aux victimes du féminicide de Ciudad Juarez. Comme un hommage et une dénonciation de ce phénomène de société inadmissible, l'auteur sensibilise, avec panache et une imagination débordante, sur un sujet d'actualité brûlant…

Et pour contrer cela, on espère que ce fameux virus imaginé de Christophe Siébert, ce « virus » de la bonté, de l'empathie, de la piété contamine le monde entier. Que la « blagocestie » soit contagieuse et partagée par le plus grand nombre!

« En vérité je vous le dis, contaminez-vous les uns les autres. »

Remerciements:

Je tiens à remercier Babelio ainsi que les éditions Au diable Vauvert pour leur confiance et l'envoi de ce livre.
Lien : https://fairystelphique.word..
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Le journaliste Timur Maximovitch Domachev a enquêté sur les féminicides qui sont fait des centaines de victimes à Mertvecgorod depuis le début du XXIe siècle. Pour cela, il a plongé dans les bas-fond de cette ville déjà elle-même bas-fond irrespirable et hautement dangereuse. Rencontré dans Images de la fin du monde, ce journaliste est mort, assassiné d'une balle dans la tête, avant de finaliser son enquête. Feminicid est la traduction du récit de ses recherches et de ses notes. Avec, à la clef, un nombre incroyable de révélations...

Timur Domachev, vous vous rappelez, c'est ce journaliste minable qui travaillait dans « un hebdomadaire spécialisé dans les faits divers crapoteux et sordides » découvert dans « La danse de mort », une des histoires du formidable et déstabilisant Images de la fin du monde. Toujours sous le choc de ce qu'il a vécu avec ces jeunes gens, spectateur semi-consentant de l'horreur, il a changé de vie et veut comprendre pourquoi tant de cadavres de femmes ont été répartis à travers la ville, plus ou moins mutilés, depuis le 8 septembre 2001. Et ce, au moins jusqu'en 2028, année du meurtre de Timur Domachev. Et le décompte macabre est affolant : 2388 disparitions. Au minimum ! le journaliste enquête donc, malgré le danger. Car, il s'en aperçoit vite, les témoins ne font pas de vieux os. Et les personnes impliquées semblent très, très haut placées.

Ce livre est présenté du début à la fin comme l'oeuvre originale de Timur Domachev, traduite du russe par Ernest Thomas. le nom de Christophe Siébert n'apparaît que sur la couverture, la tranche et la page de garde. On est à nouveau dans une immersion totale. Mertvecgorod vit, dans l'esprit et dans les notes de son auteur (on peut en voir des éléments sur le site internet qu'il lui a dédié : https://mertvecgorod.home.blog/). Et c'est donc avec un parfait naturel qu'il se met dans la peau du journaliste au parcours minable pour nous proposer un récit aussi envoûtant qu'Images de la fin du monde, bien que différent, car plus suivi, moins « décousu ». Dans la première chronique de Mertvecgorod, on faisait connaissance avec la ville, son climat, son ambiance, ses principaux protagonistes et son histoire. Il fallait bien toutes ces pages pour s'imprégner de cet univers. Il fallait bien toutes ces histoires, racontées comme des perles, enfin des perles enduites de produits chimiques hautement toxiques et qu'on vous enfourne dans le bide après vous l'avoir ouvert à grands coups de dents.
Feminicid, donc, est plus suivi dans sa narration : on est dans la tête de Domachev au fur et à mesure que son enquête progresse, qu'il recueille des faits (Christophe Siébert, comme dans son premier opus, aligne des chiffres, des dates, en forme de listes, ce qui est totalement justifié, puisque l'on est dans un carnet de notes). Les déductions et les réflexions s'enchaînent progressivement, avec quelques retours en arrière et beaucoup de questions. D'ailleurs, à la fin, nous n'aurons pas toutes les réponses. Mais à quoi bon ? le tableau dressé est suffisamment démoralisant et, en même temps, fascinant.

Car Christophe Siébert, plus encore que dans Images de la fin du monde, sait surprendre son lecteur. le récit commence donc comme un récit d'enquête, un témoignage de première main sur quelqu'un qui a essayé d'élucider le mystère de la mort de milliers de femmes, sur leurs derniers instants sans doute douloureux et violents, vu l'état des cadavres : corps mutilés de diverses façons, traces de coups et de viols. Et tout le monde qui semble s'en moquer. Mais quoi d'étonnant à Mertvecgorod !
Cette enquête amène l'auteur à se pencher sur des personnages importants de cette ex-république soviétique. Eux aussi, nous les avons croisés dans Images de la fin du monde. Déjà, ils m'avaient impressionné. En mal, tant ils semblaient uniquement guidés par leurs propres désirs, sans aucune pensée pour ceux qui leur permettaient de les assouvir, considérant les autres habitants comme du bétail, de la chair à canon, de la chair à désir, des objets façonnables à merci, jetables ensuite, après usage. Et ce n'est pas la lecture de Feminicid qui a amélioré leur image. Des saloperies sans nom, voilà ce qu'ils sont. Mais avec une épaisseur que leur donne Christophe Siébert. Malgré leurs crimes abjects, ils ne sont pas des caricatures d'ordures rencontrées ici ou là. Ils prennent corps et esprit, avec leurs fantasmes et leurs craintes, leurs pulsions et leurs rêves.
Et ils sont le lien avec la dernière partie du livre. En particulier l'artiste Yvan Bura, dont on ignore s'il est toujours en vie après avoir simulé sa mort ou si cette dernière est réelle. Yvan Bura et son parcours chaotique mais impressionnant. Yvan Bura, artiste total, qui ne se contente pas d'un seul support : films, livres, objets créés avec les mêmes centres d'intérêts, mystérieux, mystiques, compréhensibles de ses seuls affidés. Et encore. Yvan Bura, qui est peut-être en lien avec quelque chose de plus grand.
Car, comme je le disais au-dessus, l'auteur mélange les genres. On passe peu à peu du roman noir bien crade au mystique assumé. Entrevu dans la première chronique de Mertvecgorod, entre autres avec la cérémonie présidée par le fantasque Nikolaï le Svatoj. La faille créée par l'attentat réussi (l'explosion a bien eu lieu), mais raté (les répercussions ont été bien plus grandes que prévu et toute une partie de la ville a disparu sous la surface, mettant à jour d'étranges lieux et provoquant d'étranges phénomènes) a-t-elle permis une connexion avec d'autres créatures ? D'ailleurs, un certain monstre à tentacules pointe son museau immonde. Et ce glissement d'un genre à l'autre passe comme une lettre à la poste. Je me suis laissé embarquer du début à la fin.

Malgré ma légère appréhension après le choc ressenti à la lecture d'Images de la fin du monde (la seconde chronique serait-elle à la hauteur ?), Feminicid ne m'a pas déçu, au contraire. Ce récit, au titre bien actuel hélas, prolonge le plaisir et le malaise ressentis à la lecture du premier ouvrage. Il m'a même semblé plus abouti par certains côtés. Et cela laisse présager encore du bon avec les suites annoncées (Écrits de prison, rédigés par le jeune Camille, qui a gravité autour de Nikolaï le Svatoj sont annoncés dans une note du livre, comme sur le site de Mertvecgorod) qui arriveront vite, j'espère, car Mertvecgorod est comme une drogue dont il est difficile de se passer très longtemps.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Timur Maximovitch, journaliste, est retrouvé assassiné en 2028 et nous laisse tout son travail d'enquête sur le Feminicid qui sévit à Mertvecgorod depuis 20 ans.
Le lecteur vit ici une expérience immersive. Moi qui pensais lire un roman de Christophe Siébert, je me retrouve avec l'oeuvre totale de Timur : articles, témoignages, notes de bas de page, chronologies, fiction dans la fiction, et même liens Internet. On plonge au coeur de cette ville violente, sale, cruelle, misérable patinée de gore, de glauque et de sexe. Une ville où le capitalisme est le plus exacerbé, poussé à sa limite, avec les ultras riches toujours plus riches, les ultras pauvres toujours plus pauvres, et la chute soudaine et brutale. Une ville où il n'y a aucune considération pour les femmes (je m'en doutais), mais pas vraiment non plus pour la vie en général.
Un texte fort, qui fleurte avec les extrêmes, la nausée au bord des lèvres, mais l'envie de continuer, toujours, tant on sait qu'on va être surpris, que ça ira plus loin, que la réinvention est constante.
Alors, c'est un tome 2, mais cela ne m'a absolument pas gênée dans ma lecture, et je lirai bien évidemment le premier volet. Mais pas tout de suite, je vais digérer un peu. Je ne me fais aucun soucis sur le fait que je risque de laisser trop de temps et d'oublier cette lecture : impossible, oubli impossible.
Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas enthousiasmée autant pour un roman, sans rien trouver à redire, vraiment rien. le rythme du texte, la longueur et la durée de lecture : tout est parfait. Les thèmes sont forts, les mots sont justes, l'univers est percutant et jamais gratuit.
Une lecture qui prend aux tripes, angoisse et scotche.
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Attirée par le titre du livre et sa couverture , j'ai découvert un auteur fascinant de dark SF qui a créé un monde fictif des plus glauques avec une histoire extrêmement précise et documentée.
J'ignorais en commençant ma lecture qu'il y avait eu un premier volume des Chroniques de Mertvecgorod, mais cela n'a pas gêné la compréhension.
Mertvecgorod est un ancien goulag, décharge de l'ex-URSS, une capitale sordide et corrompue qui vit du trafic d'ordures, d'organes et de drogues. La pollution ambiante atteint des sommets et la population est principalement composée de miséreux, de malades et de dégénéres. Dans cette atmosphère post-soviétique, l'auteur multiplie les scènes de gore, de sexe et de violence commanditées par les oligarques les plus sanguinaires et déments de toute l'Europe de l'Est.

" Humains et animaux se distribuent les rôles, tantôt proie, tantôt chasseur. Mutilés, infirmes, cancéreux, gosses de douze ans à l'allure de vieillards, putes, camés si maigres et absents qu'ils semblent transparents. Toutes les couleurs de peau, toutes les langues, tous les âges. Brouhaha de milliers de vois humaines qui s'interpellent, supplient, hurlent, râlent. "

Au milieu de cette frénésie, un journaliste Timur Domachev mène une enquête minutieuse sur des féminicides de masse.
Un groupe de quatre anciens apparatchiks devenus l'aristocratie du pays, réunis avec une femme mystérieuse et des adeptes de Dracula dans un culte démoniaque, seraient responsables des meurtres de centaines de femmes. Celles-ci sont victimes de viols et de mutilations et on ne connaît pas le nombre exact de victimes car des cadavres sont régulièrement retrouvés.
On sait dès le début du livre que Timur Domachev sera retrouvé mort sans avoir résolu ces disparitions de masse ce qui confirme les hypothèses qu'il formule dans ses investigations.

" Dans cette ville de sept millions d'habitants, tous savent. Ceux qui ont perdu une fille, une soeur, une amie, une kollega, savent, devinent ou espèrent se tromper. Tous savent et se taisent parce que ça marche comme ça, parce que les prédateurs depuis toujours dévorent leur proie et que connaître cette loi n'y change rien. "

Christophe Siébert a choisi l'expérimentation littéraire et il imbrique dans le roman des pages Wikipedia complètes et fictives, des compte-rendus juridiques, des articles de presse, des interviews, des témoignages, des fragments de notes, de longues chronologies et des récits légendaires. Tout cela s'emboîte parfaitement dans un roman d'un nihilisme absolu qui mêle science-fiction, thriller politique et hardgore.
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critiques presse (2)
SciFiUniverse
07 septembre 2021
Feminicid est le nouvel opus de Christophe Siebert dans l'univers soviet cyberpunk des Chroniques de Mertvecgorod. Autonome, il présente le dossier d'enquête d'un journaliste retrouvé assassiné sur des dizaines de disparitions et meurtres de femmes dans la mégalopole glauque et sauvage de Mertvecgorod. Une nouvelle galerie de portraits décoiffants, de scènes anthologiques pour une ambiance unique !
Lire la critique sur le site : SciFiUniverse
Syfantasy
10 août 2021
En retrouvant certains personnages et en détaillant des événements qui avaient marqué à la lecture des Chroniques de Mertvecgorod, Feminicid de Christophe Siébert signe un univers de plus en plus cohérent, où chaque nouvelle et chaque terrible histoire se répondent. L’auteur signe avec Feminicid un récit haletant, insoutenable et fascinant. Bravo à lui !
Lire la critique sur le site : Syfantasy
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
« En vérité je vous le dis, contaminez-vous les uns les autres. Ils veulent nous empêcher de répandre le virus de la bonté. Ils veulent nous empêcher de libérer l’amour et l’empathie sur le monde. Pour étouffer notre compassion, ils envoient la Milicia. Pour faire taire les sanglots des victimes du feminicid qui s’adressent à nous, ils dispersent nos rekviemi à coups de matraque. Afin de nous empêcher de prier pour les âmes en peine des femmes mortes, ils utilisent des drones de combat. Lors de notre dernière réunion, ils ont ouvert le feu.
Pour nous punir de pleurer les mortes dont ils sont responsables, que font-ils ? Ils nous tuent. Pour empêcher les mortes de nous parler et de dénoncer leurs bourreaux, que font-ils ? Ils nous tuent. Pour nous empêcher de délivrer dans le monde des vivants le cadeau que les mortes nous ont fait, le cadeau de la bonté, que font-ils ? Ils nous tuent. Pour nous empêcher de répandre l’empathie comme un virus, comme une divine maladie qui se transmettrait par la douceur d’un baiser, la chaleur d’une caresse, le souffle d’une parole, le feu d’un regard, que font-ils ? Ils nous tuent.
Vendredi dernier à cinq heures trente du matin, lors du rekviem honorant sur les lieux même de son calvaire la mémoire de Léonilla Cyrillovna Golovine, retrouvée morte, violée et mutilée vingt-quatre heures plus tôt dans le terrain vague s’étendant entre le prospekt 1551 et le ring, qu’ont-ils fait ? Ils nous ont tués. Vendredi dernier, alors que nous nous retrouvions pour pleurer la mort de Léonilla Cyrillovna Golovine, habités par ses dernières pensées, qu’elle avait envoyées, depuis le monde des morts, à deux d’entre nous, qu’ont-ils fait ? Ils ont téléguidé un drone de sécurité de la société Berkut qui a ouvert le feu et massacré vingt-sept des nôtres. Vingt-sept innocents réunis pour pleurer, prier et chanter en l’honneur d’une innocente morte avec plus d’un millier d’autres, juste parce qu’elle est une femme. Vingt-sept innocents venus en toute humilité offrir leur compassion à une âme en peine, tués par un État à ce point inhumain qu’il emploie des robots pilotés à distance pour assassiner ceux qui en contestent légitimement la tyrannie.
Mes chers amis, bien peu d’entre nous portent en eux le virus de l’empathie. Nous ignorons pour quelle raison les victimes du feminicid le transmettent à certains et non à d’autres. Et nous ne savons même pas s’il est réellement contagieux. Qu’avons-nous à perdre en essayant ? Que ce virus de l’empathie se diffuse par la sueur, les larmes, la salive, le sang, le sperme ou l’âme, je vous en conjure : si cette grâce vous a touché, partagez-là. Par tous les moyens, transmettez le virus blagocestie, transmettez la piété comme une maladie contagieuse. En vérité je vous le dis, contaminez-vous les uns les autres. »

(Discours prononcé par Nikolaï le Svatoj en direct sur sa chaîne Rutube le lundi 23 mars 2020 et suivi par 350 000 personnes.)
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Comment, dans cette société de surveillance totale, sous un ciel embouteillé de drones fabriqués par la Chine, la Russie, l’Inde ou même la RIM, peints en rouge, noir, blanc, or, bronze, ornés de blasons représentant des lions, des tigres, des loups, des faucons, des aigles, des vautours, des serpents, des dragons, des glaives, des casques romains, déguisés en oiseaux de proie ou en monstres, décorés de figures de proue, exhibant le logo des géants qui les sponsorisent, Kaspersky, Kalachnikov, VKontakte, Rutube, Spandex, comment, alors que trente-cinq compagnies se partagent l’immense gâteau sécuritaire de Mertvecgorod et que l’œil dans le ciel nous épie sans ciller, comment imaginer que depuis tout ce temps aucun opérateur n’ait rien remarqué, rien entendu, rien noté ?
Par quel miracle aucun enlèvement n’a-t-il jamais été constaté ni enregistré ? Par quel miracle est-ce toujours un promeneur, un passant, un riverain, un joggeur, un vigile, un vagabond, une grand-mère se rendant au Dixy, un enfant séchant l’école qui découvre la victime par hasard et jamais un drone ?
S’ils ont vu, pourquoi dissimulent-ils ce qu’ils ont vu ? Pour protéger qui ?
Lily et moi commençons par compiler les coordonnées GLONASS exactes d’un grand nombre de scènes de crime, ainsi que l’heure précise à laquelle le ou les corps sont découverts. L’étape suivante consiste à établir la liste des drones patrouillant à cet endroit et à ce moment. Il suffira alors de pirater les bases de données correspondantes pour récupérer des images montrant les assassins ou leurs complices en train de se débarrasser des pokonijki.
Très simple… en théorie.
Si la première étape s’avère aisée (ces informations sont publiques), c’est ensuite que ça se corse. Déterminer les emplacements et les parcours des drones est en principe impossible. Même leur nombre exact relève du secret industriel. Mais on connaît les trente-cinq compagnies qui se partagent la ville, et grâce à une enquête de sécurité menée en 2025 sur l’ensemble du parc par la société Innokentij – ainsi nommée, pour l’anecdote, d’après le pape qui a créé l’Inquisition en 1199 -, et dont certains éléments ont fuité, on peut déduire que plus de 50 % des appareils couvrent des surfaces de 5 à 50 kilomètres carrés et que dans 10 000 hectares de ciel patrouillent 2 à 30 drones appartenant à 2 ou 10 sociétés différentes. Une extrapolation de ces données nous permet d’estimer qu’un millier de coucous nous scrutent.
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Dans la vie faut prendre des risques, sinon à quoi bon?
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A "Moscou" [quartier pauvre de la ville] le taux d'homicide est quatre fois supérieur au reste de la ville et la mortalité générale six fois plus importante, avec une espérance de vie réduite de moitié. Mais ce n'est pas le plus étonnant. Le plus étonnant reste que malgré tout on y commerce, on y tombe amoureux, on y fonde des familles, on y mène des existences humaines autant que possible et pas seulement des vies de cloportes.
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Suite à l’attentat du 27 avril 2025 et au coup d’Etat raté qui s’en est suivi, la République indépendante de Mertvecgorod est coupée du monde : depuis l’état d’urgence instauré par le président Vadim Romanovitch Glazkov, impossible de quitter le pays ou d’y pénétrer. Surveillance étroite des frontières et de l’espace aérien, aéroports fermés, avions cloués au sol. Pendant un an nous n’avons pu utiliser ni réseau téléphonique ni internet pour communiquer avec l’étranger, liberté rétablie le 10 mai 2026 sous la pression de l’ONU.
Ce livre représente une bouteille lancée à la mer afin d’alerter le monde sur la situation de la RIM.
Pour le courage dont elles font preuve en le publiant en France, nous tenons à remercier les éditions Au diable vauvert.

Assili Axionov et Lydia Tchoukovskaïa, directeur et directrice de la maison d’édition Glavlit
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VLEEL 226 Rencontre littéraire avec Christophe Siébert, Valentina, Au diable vauvert
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