Peut-être un jour viendra où les femmes seront plus nombreuses à gouverner les pays, et alors seulement les choses changeront. Car il faut avoir porté un enfant pour connaître le vrai prix de la vie, son mystère et sa force.
Aujourd'hui, les vieux ne meurent plus dans leur familles, mais seuls, dans les hospices où ils se consument à petit feu, sans la moindre joie, pressés de disparaître pour ne plus être à charge.
Si les hommes avaient moins d'orgueil et plus de sagesse, ils regarderaient davantage vivre les animaux et les plantes.
Je ne me souviens que de la meilleur part de ma vie et j'ai oublié l'autre. Ou du moins j'ai essayé.
J'ai toujours su que le bonheur, c'était de se contenter de ce qu'on a, de s'accepter tel que l'on est.
On m'a trouvée endormie au milieu des brebis, là-haut, un jour de grand soleil, au pied d'un genévrier. c'était à l'automne de l'année 1901. Je me suis demandé souvent qui m'avait couchée là, sur un lit de mousse blanche, entre les baies sauvages, et je n'ai jamais su le jour exact de ma naissance. Il y avait une feuille de papier glissée entre la couverture de laine et ma peau, où quelqu'un avait écrit : "Elle s'appelle Marie. " C'est pourquoi on m'a longtemps appelée "Marie des brebis".
Chapitre I
Dans ces moments où je revis le passé, il me semble que le temps s'est brusquement effacé. Les mêmes sensations, les mêmes parfums, les mêmes pensées se réveillent en moi et me transportent en arrière avec l'impression d'un bonheur un peu fou. Pourquoi ? J'en ai cherché longemps la raison, et je sais aujourd'hui que nous sommes vraiment heureux que lorsque le temps s'arrête.
Je n'ai jamais eu aucun goût pour le malheur. Quand il a frappé à ma porte, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour le chasser. c'est pour ça que dans ma vie il a fait beau. L'âge venu, malgré les misères que m'inflige mon corps, je garde le sourire pour que mes petits-enfants ne m'oublient pas quand j'aurai quitté cette terre que j'aime de la même manière, avec la même force qu'à vingt ans.
Chapitre II
Aujourd'hui, la majorité des gens ne se bat pas pour l'essentiel, le droit de vivre ou de manger, mais pour le superflu.
La chanson des sonnailles nous accompagnait, le soleil chauffait les grèzes criblées de sauterelles et de grillons, les martinets se poursuivaient dans le ciel bleu où je lisais, en levant la tête, une promesse d'éternité.
Chapitre 3