Au Japon, on dit que les écrivains sont des perce-neige, ils fleurissent et viennent embellir le monde lorsque tout est glacé.
Vivre seul, c'est s'en remettre à l'opacité des choses.
Alors, pour paraître plus légers, on se délesté de vaines espérances, on se quitte, laissant sur les arêtes de trottoirs qui on était, avec ses chagrins et son sens aigu de la justice. Nos mues sont abandonnées dans des couloirs de métro, sur des quais de gare, à des stations de taxis, pantelantes, elles gisent au bord des caniveaux quelques instants puis sont piétinées inconsidérément par les passants. On ne sait jamais en marchant dans une ville le nombre de rêves que l'on foule.
C'est en ville que j'exerce de préférence, à cause des foules qui n'ont jamais rien à me dire.
Le destin, c'est un rendez-vous avec la vie ou avec la mort. C'est en s'y rendant qu'il nous faut avoir décidé ce que l'on a choisi de rencontrer.
L'art est un duel entre le réel et l'impossible.
— J'ai l'impression que tu uses à tort et à travers du mot poésie.
— A tort, jamais. A travers, sans doute, mais à dessein... La poésie, c'est bifurquer et se perdre, tituber vers le fracas, effacer les forêts d'eucalyptus, les cordillères des Andes, araser les cratères, les cheminées d'usines, les lignes à vingt mille volts, abattre les clochers, les minarets. Et pour quoi? Leur substituer un seul mot, un seul signe qui les annulera tous. Il y a des millions de mondes à détruire, il y a des millions de poèmes à écrire.
— Seul Dieu est capable d'une aussi magnifique apocalypse!
— Les poètes sont des dieux que personne ne remarque.