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Le récit commence en 1970, juste avant la chute de Sihanouk qui avait tenté, par une politique dite de “neutralité”, de maintenir le royaume du Cambodge à l'écart de la guerre du Viêt Nam, à la fin des années 60.

Saravouth est alors âgé de onze ans.

On connaît l'imbroglio politique qui généra dans cette région du monde, de 1967 à 1999, des conflits et des offensives constantes avec en arrière-plan le soutien de la Chine pour les Khmères rouges, de l'URSS pour les vietnamiens, et par-dessus tout cela, l'arbitrage chaotique des USA.
Et le Cambodge, ancien protectorat français depuis 1863 jusqu'à la fin de la guerre d'Indochine en 1953, est pris en étau, ballotté par les jeux d'alliance et les conflits d'intérêt des puissances qui le convoitent, totalement indifférentes aux réalités du pays et au sort de ses habitants. Et le Cambodge est broyé. On connaît moins bien les massacres engendrés par ces conflits et l'horreur vécue par la population qu'elle soit d'ethnie Khmère ou d'ethnie vietnamienne. Ou plutôt, on les connaît bien mais on les oublie avec tant de facilité…

Saravouth, lui, n'oublie pas.

Au milieu de ce marasme, Saravouth est alors un petit garçon de onze ans à l'imagination féconde et bouillonnante, fasciné par sa soeur plus pragmatique que lui, amoureux de sa mère et des mots avec lesquels elle jongle en lisant des livres et en racontant des histoires, inconditionnel de son père avec qui il joue aux échecs. Un univers familial savoureux doublé du monde intérieur de l'enfant, le Royaume, un monde fabuleux, nourri et augmenté, jour après jour, de chaque nouvelle excursion dans les livres et dans les contes.
Dans son Royaume intérieur, Saravouth élève des palais, creuse le lit des fleuves, dresse des statues, plante des arbres, des fleurs et des herbes sauvages. Tous les héros des mythes s'y rencontrent et dialoguent avec les dieux, le dieu chrétien et les héros de l'Iliade et de l'Odyssée, Peter Pan et Bouddha, les figures de l'Hindouisme mêlées à celles de la poésie de René Char ; un syncrétisme audacieux mais qui, pour Saravouth, tombe sous le sens. Et les yeux de Saravouth sont une fenêtre béante qui garantit la circulation entre le Royaume intérieur et « l'Empire » extérieur, ce monde des hommes qui va bientôt se transformer en enfer. La guerre qui survient sournoisement détruit tout : la famille, l'enfance, les rêves, les contes, et le plaisir de vivre.

Alors commence pour Saravouth, au milieu du chaos d'un monde dévasté, une errance qui n'aura plus de fin. A travers la forêt calcinée et les marécages bourrés de cadavres engloutis tout autour de Phnom Penh, sur le fleuve Tonlé Sap truffé de crocodiles, au fond d'un sampan déchiqueté, sous les tirs des roquettes et des mitraillettes des milices qui tuent à l'aveugle et visent tout ce qui bouge, Saravouth cherche ses parents et sa soeur, cherche le monde qu'il a perdu. Dans Phnom Penh, soigné à l'hôpital Calmette, le crâne perclus, d'éclats d'obus, Saravouth cherche encore. Provisoirement à l'abri à la mission Saint Joseph, Saravouth cherche encore et parcours les rues de la ville saccagée et meurtrie. Enfin, aux Etats Unis, arraché au cauchemar cambodgien, Saravouth cherche toujours. Qui peut vivre paisiblement après de telles souffrances ? Saravouth ne peut pas renoncer à rechercher les siens, à retrouver le chaleureux bonheur familial de l'enfance. Pour lui, l'avenir n'est pas digérable. le seul lien qui le maintient en suspension au-dessus du temps, c'est le jeu d'échec, seule construction mentale qui lui permet d'assurer une continuité, une unité entre l'enfant qu'il était, l'adolescent martyr qu'il a été et l'homme qu'il est devenu.

Douloureux de prendre conscience au fil de la lecture que tous ces massacres, toute cette cruauté, cette violence absurde et arbitraire, ont vraiment existé et relèvent de la folie délirante des hommes. Même le tigre blessé et affamé renonce à sa proie humaine. Mais l'homme, lui, tue, viole, vole, tabasse, dénonce et tue encore. Caché derrière des idéologies carnassières, manipulé par elles, dévoré de hargne, de haine, de désir de puissance, il se repaît du chaos, plus vermine que la vermine. Il jouit du martyr qu'il inflige. Il détruit jusqu'à s'autodétruire. L'homme serait-il, par nature, la pire bête sauvage de la création ? La guerre civile du Cambodge n'est qu'un exemple parmi tant d'autres guerres. L'enfant massacré qu'incarne Saravouth, n'est qu'un enfant martyr parmi tant d'autres enfants martyrs. La folie asiatique n'a rien a envié à la folie occidentale. La guerre où qu'elle soit, quelle qu'elle soit, charrie son lot d'arbitraire, d'injustice, d'humanité broyée, de souffrances insupportables. Et le pire, c'est qu'elle est souvent considérée comme nécessaire. Alors c'est que le mal est nécessaire et que l'humanité, elle, ne l'est pas...
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Je suis très embêtée, voire gênée... mais après 185 pages, j'ai décidé d'abandonner la lecture de ce livre.
Certes, il est très bien écrit : il y a de belles phrases, bien tournées, poétiques ; il y a de beaux mots, certains même que je ne connaissais pas.
Mais, malgré l'histoire issue de faits réels, malgré le tragique de la situation au Cambodge à cette époque, je n'arrive pas à rentrer dedans. J'y reviens sans plaisir, sans envie d'en savoir plus sur cet enfant, sur cette histoire.
Cela me fait culpabiliser un peu... N'ai-je pas de coeur ? Pourquoi nje n'arrive pas à m'attacher à cet enfant ? Pourquoi ne suis-je pas touchée, comme nombre de lecteurs ?
Je ne sais pas.
Mais, égoïstement, j'ai envie de prendre du plaisir à lire, et là, ça n'est pas le cas....
Alors, c'est décidé : avec regret, j'abandonne...

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Un jeune cambodgien est enlevé avec toutes sa famille au début du conflit en 1971 . Il survit dans la forêt dans des conditions épouvantables subit des blessures gravissimes .
Soigné dans un hôpital français et après une très longue convalescence , il essaie de s'en sortir sans être reconnu et sera finalement exfiltré de la capitale lors de l'arrivée des kmers rouges mais en gardant des séquelles indélébiles de ses blessures physiques et morales.
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AVANT LA LONGUE FLAMME ROUGE de Guillaume Sire

Le récit d'un enfant vietnamien dans un Cambodge en guerre.

À la fin de son roman, Guillaume Sire invite les lecteurs à visionner un court-métrage sur Saravouth alors joueur d'échecs à Union Square: Odysseus' Gambit.

Cette histoire et son dénouement nous amène à nous questionner sur ces orphelins supposés de guerre (on ne sait pas s'il y a des survivants dans la famille) : Vaut-il mieux les laisser dans leur pays, alors qu'ils y seront sans nul doute tués, ou les confier à des parents adoptifs aimants dans un autre pays ? Les 19 éclats d'obus qui se sont logés dans le cerveau de Saravouth, provoquant chez lui de très fortes migraines, n'ont certes pas contribué à favoriser son épanouissement malgré un mariage et trois enfants.

C'est bien écrit mais beaucoup de "du coup"...!
p. 64, 70, 113, 117, 155, 258, 260

Et quelques longueurs.



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Saravouth a onze ans et mène une existence heureuse et rêveuse.
Il joue aux échecs avec son père, sa petite soeur Dara est une sauvageonne qui s'épanouit en cueillant des plantes et les cuisinant au gré de son imagination.
Et puis surtout il y a sa mère Phusati. Férue de littérature, elle récite de la poésie à ses enfants et le soir leur fait la lecture de Peter Pan, du Petit Prince ou de l'Odyssée.
"Les mots, leur dit-elle, sont des hameçons envoyés par les poètes pour creuser des sillons sous le soleil, la mer, les cimes de l'Himalaya,les jardins multicolores, les horloges mécaniques. Les mots dansent partout. Ils travaillent. Ils organisent des batailles. La vie, les étoiles, la peau, le silence, ce sont des mots. Ce sont des hameçons. Il suffit d'éccouter."
La magie des mots opère, et Saravouth se construit un monde imaginaire qu'il appelle le 'Monde Intérieur" par opposition au réel qui est
pour lui "l'Empire extérieur".
Dans son monde intérieur on trouve, entre autres, des champignons colorés, des arbres-à-brumes, des tamtams-à-becs, une Baie-du-Matin-Clair avec son eau turquoise et sa mangrove labyrinthique.
Tout démarre comme dans un conte. Et effectivement, comme dans les contes, le danger rôde.
Nous sommes à Phnom Penh en 1971.
Le prince Sihanouk a été destitué et le général Lon Nol a mené le coup d'état aidé par les américains.
Les Khmers rouges se rapprochent inexorablement de la capitale qui va bientôt être assiégée tout comme Troie.
La famille est balayée par ce conflit d'une violence inouïe.
Saravouth se retrouve seul et va démarrer ce qui sera à la fois une quête et une odyssée.
Il va rechercher sans relâche sa famille, traquer la moindre trace montrant qu'ils sont là, quelque part, toujours vivants.
Et ceci au milieu d'une guerre épouvantable, sanglante. Saravouth l'enfant solaire voyage au milieu des ténèbres.

Phusati citait souvent René Char à ses enfants : "il faut trembler pour grandir"

Saravouth ne fait pas que trembler, il est totalement ébranlé par la violence des épreuves qu'il subit.
Même son Monde Intérieur en est profondément altéré. Mais Saravouth réussit à le réparer, tant que l'espoir de revoir les siens subsiste.
Ils vivent en symbiose.
C'est un livre juste et bouleversant.

Ce roman est tiré d'une histoire vraie. Guillaume Sire a rencontré Saravouth au Canada. Il était SDF, jouait de la guitare et proposait des parties d'échecs
aux passants pour gagner un peu d'argent. Saravouth lui a raconté son histoire durant plusieurs mois et Guillaume Sire lui avait promis d'écrire son histoire.
Le roman s'arrête au départ de Saravouth, contre son gré, aux Etats-Unis. Si vous voulez connaître la suite de son histoire, tout aussi émouvante, il existe un court-
métrage "Oddyseus gambit" .
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Tiré d'une histoire vraie, cette histoire est un crève coeur. On passe de la poésie du monde de Saravouth à l'horreur pure et dure. La réalité va rattraper cet enfant et l'entraîner dans un monde sans aucune pitié. Peu importe l'âge, tout n'est plus que destruction. A 11 ans, Saravouth va subir et voir les pires horreurs. Il faut être accroché, mais il faut le lire, pour ne pas oublier... A la fin du livre, on retrouve Saravouth, adulte. Il a survécu oui, mais les ravages de la guerre ne sont pas derrière lui pour autant...
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Tout d'abord merci aux éditions "Calmann Levy" et version Femina pour leur confiance.
Un roman que l'on referme le ventre tordue, en prenant conscience de la chance que nous avons de ne pas avoir grandit dans un tel chaos. L'auteur a été au bout de ses recherches en nous livrant les derniers instants de la vie de chacun des protagonistes, même infime.
Un roman riche en émotion, parfois très dure.






Lien : https://lalibrairiedewookiko..
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Livre plutôt bouleversant. L'histoire débute en 1971 au début de la guerre civile au Cambodge; et ce avant l'arrivée des khmers rouges au pouvoir. C'est une période plutôt méconnue. Nous faisons connaissance d'une famille cambodgienne Catholique, les Inn dans un contexte très tendu à Phnom Penh: les parents ont des responsabilités, les 2 enfants vont à l'école. La situation va soudain basculer et le fils Savarouth se trouve séparé du reste de sa famille et va devoir survivre à la guerre civile, aux maladies, à la misère, à la violence quotidienne, à la folie. Cette histoire est vraie et je ne peux pas trop raconter la fin sans spolier l'histoire. J'ai été bouleversée par cet enfant qui traverse comme il peut cette horrible période de l'histoire et de sa vie, en s'accrochant à l'idée de retrouver sa famille. Quelques beaux personnages secondaires tels que les prêtres, la vieille dame dans la forêt, le pilote, les autres enfants; quelques ignobles personnages aussi. Quelques longueurs parfois notamment dans la description de la vie intérieure du héros.
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Lu en 2022. Je découvrais l'auteur, poète reconnu, avec cet ouvrage.
Un épisode d'une barbarie sans nom que cette guerre civile cambodgienne (précédant l'avènement de Pol Pot), que je ne connaissais évidemment pas. C'est à travers la tragique destinée d'un enfant (dont on se demande comment il a pu survivre à tant de violence, physique et psychologique) ! Une écriture trop métaphorique à mon goût, bien qu'elle apaise certaines images intolérables, cette peur palpable, et illustre cet espoir qui maintient en VIE...
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Quel magnifique et émouvant roman basé sur une histoire vraie.
On plonge dans la vie de Saravouth avec un regard enfantin et une vision onirique du monde et on en ressort avec une part de soi en moins, restée avec celle de Saravouth dans les méandres de la guerre ...

Un drame dans lequel nous pouvons percevoir le courage d'un enfant et sa résilience malgré le néant qui l'entoure.

On y découvre également le pouvoir des livres avec pour fil conducteur une ficelle au bout de laquelle se trouve chaque mots et chaque idée (ou presque).

La lecture est bouleversante et les images vous hantent surtout lorsque vous regardez à la suite de ce livre le court métrage "odysseu's gambit" dans lequel on retrouve le vrai Saravouth. On met un visage sur un nom et ça nous laisse une cicatrice de plus dans la mémoire...

Bravo !
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