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Encore une aventure littéraire et humaine sublime et inoubliable.
Que ce livre inspiré d'une histoire vraie est beau et bien écrit. Emotion (beaucoup), suspens, rythme, action, féerie mais aussi cruauté. Ici Grande et petite Histoire se confondent avec l'imaginaire.
Phnom Penh, Cambodge. 1971. La guerre civile étend insidieusement ses tentacules destructrices. Saravouth, onze ans, sa soeur Dara et ses parents mènent une vie paisible et fantasque dans laquelle l'imagination et la créativité règnent en maître.
Nourri par les lectures de sa mère, professeur de littérature, Saravouth s'invente un « Royaume intérieur » un pays imaginaire en opposition à l'Empire extérieur.
Il embarque sa soeur Dara, rebelle, dans son monde fantasmagorique.
Les deux pays se nourrissent l'un de l'autre et les enfants voyagent avec agilité entre réel et imaginaire, entre Royaume et Empire. Car à cet espace libertaire qu'offre l'imagination s'oppose une situation politique de plus en plus liberticide.
Ostracisés en raison de rumeurs grandissantes concernant les origines vietnamiennes de sa mère, le roman bascule lorsque la persécution envers les Vietnamiens par l'offensive des troupes du général Lon Nol se renforce.
« L'homme bleu » embarque certains de leurs amis, d'autres fuient, les rafles commencent.
Contraint avec sa famille de le suivre à leur tour, Saravouth se réveille en pleine forêt baignant dans son sang. Ses parents ont disparu.
Recueilli et soigné par une sinistre vieille dame aux allures de sorcière dans une cabane insalubre, il attend de regagner des forces avec pour seule obsession de retrouver les siens.
À partir de là commence son « épopée ».
Des jours noirs se profilent éclairés par le souvenir de sa famille qui le guide dans cette nébuleuse et ce jeu de piste.
On assiste à des scènes de tentative de survie apocalyptiques entre onirisme et réalité.
Sa quête le mènera de forêts en hôpitaux en passant par des marécages, des sables mouvants, la traversée périlleuse d'un lac en sampan. Voyageant au milieu de la guerre, slalomant entre les cadavres, les tirs, les crocodiles et une flore hostile.
Il se déplacera aussi de villes en missions avec autant de péripéties, d'activités pour survivre et de rencontres.
Les descriptions alternent habilement entre barbarie et féerie.
De René Char à « Peter Pan » et « l'Iliade et l'odyssée », les recours de l'auteur à des personnages, lieux mythologiques et mythes populaires ainsi qu'à la poésie sont brillamment utilisés et donnent une forme si particulière au roman.
C'est surtout un magnifique livre sur le déracinement.
Et puis le royaume intérieur se désagrège, Saravouth ne peut plus s'y réfugier, sa perception binaire du monde se disloque.
Qu'est devenu Saravouth ? La résilience a-t-elle été possible?
La détresse et les appels à sa mère de cet enfant désorienté résonnent encore en moi...
Et cette fin...
Vibrant, émouvant, brillant et marquant.
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Je sors de ma lecture bouleversé, complètement traversé par cette vie que Guillaume Sire a si bien su écrire, ce drame cambodgien - un de plus sur notre chère planète Terre – un peu trop vite oublié parce que lointain alors que la France était présente dans ce pays où nous avions tenté d'imposer la religion catholique, notre langue et notre culture.

Si Avant la longue flamme rouge n'avait pas obtenu le Prix Orange du livre 2020, je ne sais pas si j'aurais entendu parler de ce roman publié par Calmann-Lévy. C'est ce prix mis en avant par Lecteurs.com et grâce à Nicolas Zwirn que je je remercie, que j'ai découvert la terrible histoire de Savarouth.
Tout débute en pleine déconfiture du prince Sihanouk, choyé par la France, mais chassé par le général Lon Nol que les États-Unis soutiennent. Ce dernier instaure une république mais c'est le chaos dans tout le pays car les Khmers rouges, aidés par leur voisins communistes veulent mettre le grappin sur le pays.
À Phnom Penh, la capitale, vit la famille Inn qui a tout pour être heureuse. Vichéa, le père, dirige le service des litiges à la Chambre d'agriculture pendant que Phusati, la mère, enseigne la littérature française au lycée René-Descartes. Ils ont deux enfants : Savarouth (11 ans) et Dara (9 ans) et leur maman ne ménage pas ses efforts pour leur lire des histoires et leur faire découvrir la poésie. Ainsi, Savarouth se crée un monde fantastique de personnages imaginaires où Peter Pan côtoie les héros de l'Iliade et de l'Odyssée. Il réussit même à mettre mentalement au point un Royaume Intérieur qu'il maîtrise et un Empire Extérieur d'où vient le danger.
Guillaume Sire m'a offert une plongée extraordinaire dans un pays qui se déchire. La nature, la plantes, les traditions, les superstitions s'accumulent sans jamais lasser car tout se passe sur les traces de ce que vit Savarouth. Petit à petit, l'horreur, l'indicible, la cruauté humaine prennent le dessus. Savarouth que l'auteur a rencontré à Montréal, de 2004 à 2007, subit les pires épreuves, rencontre à chaque pas la méchanceté et la violence mais révèle une force incroyable malgré des souffrances intolérables.
En trois parties et un épilogue étonnant, se déroule la vie de ce garçon qui voit son pays ravagé. Tout se passe durant les années 1970 et si j'ai bien entendu parler des incroyables malheurs apportés par les Khmers rouges, grâce à Guillaume Sire, j'ai été plongé dans ces années terribles où tout bascule, où des êtres dits humains se croient tout permis et commettent les pires exactions.
C'est vécu presque au jour le jour comme dans cet hôpital Calmette de Phnom Penh où dans la mission Saint-Joseph qui recueille des orphelins que de riches Français viennent récupérer avant qu'ils sachent parler mais exigeant qu'ils soient propres. Détail important : avant ce rapt déguisé en adoption, aucun bébé n'a encore reçu de prénom.
Prostitution, viols, misère, famine, tout cela se vit sous les bombes et les roquettes mais Savarouth qui a appris à jouer aux échecs avec son père, est très fort grâce à ce monde imaginaire forgé à partir des légendes lues par sa mère.

J'ai regardé Odysseus' Gambit, ce court-métrage conseillé par Guillaume Sire et c'est avec une émotion intense que j'ai vu cet homme qui a traversé tant d'épreuves, subi tant d'horreurs, été grièvement blessé, Savarouth qui joue aux échecs à Union Square dans la ville de New York, aujourd'hui…
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Quel passionnant mais bouleversant et déchirant roman que Avant la longue flamme rouge de Guillaume Sire. Nullement étonnant qu'il ait séduit le jury du Prix Orange 2020 !
L'histoire se passe en 1971, la guerre civile fait rage, Norodom Sihanouk vient d'être destitué par le coup d'État du général Lon Nol, soutenu par les Américains. Ce dernier, aussitôt sur le trône a proclamé la République et n'hésite pas à héberger au palais royal astrologues, nécromanciens et sorcières dont le premier conseil est de traquer et d'exécuter les Cambodgiens d'origine vietnamienne. Si ses armées maîtrisent à peu près Phnom Penh, vers où les réfugiés affluent mais dont les habitants ne sont pas pour autant à l'abri, elles doivent, ailleurs, faire face et résister aux Khmers rouges et aux Vietcongs, le pays est à feu et à sang.
C'est dans ce Phnom Penh assiégé que nous allons découvrir la famille Inn. : la mère Phusati, le père Vichéa et leurs deux enfants Saravouth, 11 ans et Dara 9 ans. Au début du roman, ils semblent mener une vie paisible. Phusati enseigne la littérature française au lycée René Descartes et son plus grand plaisir est de lire des histoires à ses enfants et pour elle toute occasion est bonne pour réciter un vers, le plus souvent de René Char. Vichéa, lui, travaille à la chambre d'agriculture où il instruit les litiges entre paysans et les enfants savourent le moment où leur père rentrent du travail, Saravouth lui proposant aussitôt une partie d'échecs et Dara lui présentant ses dessins. Avec les lectures de Peter Pan et de L'Odyssée, Saravouth arrive à construire un pays imaginaire, un véritable Royaume Intérieur qu'il essaye de faire partager à sa soeur. Mais l'Empire Extérieur, la réalité avec ses dangers va tous les rattraper.
Ce roman, inspiré d'une histoire vraie, rappelle s'il en était besoin la monstruosité et les dégâts engendrés par les guerres. En prenant Saravouth, ce jeune enfant comme victime principale de ce carnage, l'auteur nous implique intimement dans ce récit.
Rester en vie, Saravouth n'y pense que pour retrouver sa famille et la douceur de son foyer, son Royaume est en piteux état. Seul, l'espoir de retrouver les siens le maintient en vie. Une ténacité à toute épreuve et une force mentale hors du commun le poussent à continuer sa quête, à retourner sur les lieux, à fouiller les ruines ...
L'auteur sait trouver les mots pour nous décrire l'indescriptible. Une écriture exceptionnelle fait côtoyer le pire et la beauté, avec parfois un entrelacs des deux comme cette nature luxuriante qui peut se transformer elle aussi en ennemie : les sables mouvants dans lesquels Saravouth manque y laisser sa peau, les marécages, où la vase arrive jusqu'aux genoux de ceux qui fuient, les moustiques s'acharnant sur eux, ou encore ce tigre décharné et blessé qui se dresse face à eux, ceci alors que des grenades éclatent à moins de cent mètres.
Guillaume Sire tout en nous plongeant dans ce conflit décrit également fort bien le pays, son climat avec la saison des pluies, sa nature dévorante et ses animaux, son lac Tonle Sap et ses sampans, ce pays encore ancré dans le passé avec la sorcellerie, les astres, mais aussi la magie bénéfique des plantes et aussi la vie de ces Cambodgiens qu'ils soient paysans ou autres. N'oublions pas enfin les cris, le bruit des armes, mitrailleuses ou grenades et les odeurs qui peuvent être d'une grande délicatesse ou au contraire nauséabondes, le plus souvent mêlées, le tout formant le cadre sonore et odorant du roman.
Ce livre est rempli de poésie. Il est une ode à la littérature, une ode au pouvoir de l'imaginaire, de l'esprit qui permet de se retrancher d'une réalité trop atroce pour être vécue, mais jusqu'où ?
Je savais qu'il s'agissait d'une histoire vraie dès le départ et pourtant l'épilogue m'a laissée sans voix.
Je pense que pour saisir toute la richesse de ce roman, il faut absolument le lire et je remercie infiniment Nicolas Zwirn de Lecteurs.com, grâce à qui j'ai pu le découvrir. Cela restera pour moi un moment de lecture inoubliable !

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C'est un récit dramatique et profondément émouvant.

L'histoire remonte à 1975, au Cambodge, lorsque les khmers rouges destituèrent Norodom Sihanouk de son trône, déclenchant une guerre civile avec tout ce qu'elle implique d'atrocités. Saravouth a onze ans. S'il ne peut mesurer tous les enjeux de ce qui vient bouleverser son quotidien, il perçoit clairement le danger qui rode, et se tient prêt à tout instant à se réfugier dans son Royaume intérieur, nourri des instants de bonheur qu'il cueille comme des coquelicots poussés sur une ruine pierreuse, et d'un univers littéraire qu'il découvre avec gourmandise, où décors et personnages se plient à ses volontés. de Peter Pan à l'Odyssée, ils sont là bien présents, ses compagnons de voyage, dont il a conscience que leur disparition signifierait la fin de tout. Jusqu'où ses capacités d'imagination pourront-elles le protéger contre l'Empire extérieur si cruel?

La perte de sa famille, sa survie miraculeuse lors d'une fuite digne des plus rocambolesques films d'aventures, tout cela est d'autant plus incroyable lorsqu'on apprend qu'il s'agit d'une histoire réelle et que le jeune garçon rêveur vit de nos jours aux Etats-unis, entre défis aux échecs et lutte contre les démons qui ont envahi son Royaume. La vidéo dont le lien apparait à la fin de l'ouvrage est terriblement émouvante.

La littérature ne manque pas de récit de guerres, y compris ceux contés par des enfants (on se souvient du sublime Petit Pays de Gaël Faye). Et celui ci ne se démarque pas, si ce n'est pas l'extraordinaire intelligence et la capacité de résilience hors du commun du héros, et du don d'écriture de l'auteur qui manie les mots pour composer un récit où se mêlent barbarie et onirisme, pour un grand moment de lecture.
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Alors que la guerre civile fait rage au Cambodge, Saravouth et Dara, onze et neuf ans, ont néanmoins pu, jusqu'en cette année 1971, mener une existence heureuse auprès de leurs parents, à Phnom Penh. Mais les combats finissent par atteindre leur ville. Séparé des siens dans la tourmente et réfugié dans la forêt, Saravouth va devoir survivre dans l'enfer d'un pays en plein chaos, avec pour seule obsession : retrouver sa famille.


Inspiré d'une histoire vraie, ce roman terrible et bouleversant commence doucement, au sein d'un cocon familial qui a jusqu'ici réussi à supporter les rigueurs de la réalité grâce au pouvoir des livres et de l'imagination. Saravouth s'est ainsi créé un monde imaginaire, alimenté par la littérature que lui fait découvrir sa mère. le contraste entre cette poésie et la barbarie qui va venir la saccager n'en est que plus frappant, alors que, consterné, le lecteur voit bientôt sombrer les personnages, auxquels il a eu le temps de s'attacher, dans un maelstrom aussi terrifiant qu'inextricable.


Lorsque s'achève cette lecture aux allures de tornade, images et mots continuent à hanter longtemps l'esprit : pas seulement en raison des atrocités commises pendant cette guerre, mais tellement le destin de Saravouth s'avère stupéfiant de bout en bout, sa personnalité magnétique et sa force de survie impressionnante. En nous signalant le court métrage Odysseus' Gambit, tourné sur Saravouth devenu adulte, l'épilogue nous permet de réaliser comment la vie de cet homme est demeurée bloquée dans une impasse tragique. L'on ne peut que s'émouvoir de la stupéfiante résilience de cet être fracassé depuis l'enfance, que la mort n'aura épargné que pour lui en laisser une terrible culpabilité.


Ce livre intense et vibrant se lit en un seul souffle de sidération et vous laisse groggy, accablé par le poids de certains destins que l'on dirait tragiques par essence, et impressionné, tant par son héros malgré lui, que par l'émouvant hommage qui lui est ainsi rendu. Coup de coeur.

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Nouvelle recette épicée à la sauce Apocalypse Now de « Sans Famille » l'inoubliable chef d'oeuvre d'Hector Malot, tel apparait au premier abord ce roman. Saravouth succède à Rémi, Vanak à Mattia, un tigre remplace Joli coeur, Capi, Zerbino et Dolce se réincarnent en crocodiles et les sables mouvants sont l'adaptation asiatique du coup de grisou dans la mine.

Mais nous ne sommes plus au XIX siècle en France ou en Angleterre, nous sommes au Cambodge, en 1971, Nixon préside les USA, le général Lon Nol renverse Norodom Sihanouk et les Khmers rouges entament leur campagne de purification qualifiée de « libération » par les journalistes du Monde pour qui deux millions de victimes sont un détail de l'histoire.

La vie de Saravouth (onze ans) et de sa famille bascule dans l'horreur et rejoint dans le martyrologe les juifs gazés par les nazis, les harkis ébouillantés par les islamistes du FLN, les afghans égorgés par les talibans, les ukrainiens victimes de « l'opération spéciale » russe… ce qui fait de ce drame une oeuvre universelle.

Saravouth blessé, mais non détruit, part à la quête des siens et emmène le lecteur dans un vertige d'autant plus tragique et véridique qu'il n'est pas un personnage de fiction, mais un être de chair et de sang, à la résilience stupéfiante.

Cette résilience, il la doit, en partie, à la culture héritée de ses parents en lisant « L'Iliade et l'Odyssée » ou « Peter Pan » ce qui différencie ce patrimoine de celui de la famille Testasecca dans « Les Contreforts » qui est un héritage multi-séculaire.

Oeuvre après oeuvre, Guillaume Sire pose au lecteur la même interrogation « Qu'est-ce qui n'est pas impossible ? » et offre un magnifique message d'espérance en rappelant que de Homère à René Char, ce sont les écrivains qui forgent l'armature morale exigeante de la résistance.

Ps : mon opinion sur « les contreforts » :
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Ce livre est un ciel immense. Je ne sais pas comment le dire autrement.

Un ciel immense. Si bleu, au départ, avant qu'il ne s'embrase irrémediablement.

Guillaume Sire, écrivain cerf-volant, tient au bout de ses doigts des mots bouleversants, des mots magnifiques et les fait tournoyer, au gré du vent, légère brise puis tempête dévastatrice …

Ce livre est indispensable, il me semble.

Il commence comme un conte. Ou la littérature fait grandir un enfant solaire et éblouissant.

Il s'appelle Saravouth. Et je ne l'oublierai jamais.

Il s'appelle Saravouth. Il grandit, auprès de parents aimants et d'une petite soeur adorée. Mais en 1971, au Cambodge, l'innocence s'apprête à être ensevelie sous la barbarie. La guerre, ce mot dégueulasse, va venir larder de sa réalité d'éclairs impossible à oublier le ciel de Saravouth.

Il s'appelle Saravouth et il va se battre, du haut de ses dix ans pour retrouver sa famille.

Il s'appelle Saravouth et il n'aura d'autre choix que de devenir adulte. Seul, au milieu du désastre.

Il dénonce et énonce une triste réalité. Celle que nous, chanceux d'ici et d'ailleurs, ne connaissons pas.

Au-delà, ce livre est Beau. Ce livre est écrit à l'encre d'une poésie du désastre, au coeur de l'humanité. On s'y broie le coeur. On s'y brûle les ailes.
Il commence comme un rêve d'enfant et s'achève sur la vision d'un homme hanté mais vivant.

Vous l'aurez compris, ce livre fait désormais partie de ces ouvrages qui trôneront dans ma bibliothèque. Pour ne pas oublier. Pour tendre la main vers l'autre. Et pas uniquement pour la beauté du geste.

Ce livre, incarné, où chaque mot paraît effleurer l'intérieur même de son lecteur, ne se lit pas à la légère. Ce livre ne s'oublie pas facilement. Il tape et cogne fort, encore longtemps après.

Elle est là, la folle littérature, celle qui fait « trembler pour grandir ». Elle est là, entre les lignes de ce roman immense comme un ciel déchiré à jamais. Elle est là.

Faites moi confiance, partez vite attraper la main de Saravouth. Et serrez-la, serrez-la jusqu'à ce que votre coeur explose …

Lien : https://labibliothequedejuju..
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Pardon M. Sire d'avoir par instant trouvé bien longue et tellement triste la quête de Saravouth, les souffrances insoutenables, les visions d'apocalypse où parfois je me suis senti seul, au beau milieu d'une des toiles les plus sombres de Jérôme Bosch quand la méchanceté des hommes, des bêtes et même des plantes n'ont plus de limites.
Merci M. Sire de m'avoir fait comprendre avec tant d'acuité pourquoi, lors d'un voyage au Cambodge, mon guide, dans le minibus entre les temples d'Angkor et le lac Tonlé, s'est mis à pleurer en chantant « La vie en rose » d'Edith Piaf. « Quand il me prend dans ses bras »…
Sa mère est morte dans les siens. Il ne lui parlera plus jamais tout bas.

Cambodge 1971.
Dans le royaume imaginaire de Saravouth, dans la baie-du-matin-clair, il y a des canards-à-flûtes, des trompettes-à-groseilles et des arbres-à-brumes.
Dans le monde réel, il y a Lon Nol qui a renversé Sihanouk et le royaume bascule en empire où les khmers tuent les pères et les mères.
Pourquoi faut-il que par des phénomènes extérieurs à l'univers intérieur de Saravouth le malheur vienne envahir et détruire le petit monde de cette famille heureuse ?

Ce roman m'a touché autant qu'il m'a tourmenté, j'ai cherché avec Saravouth, sa mère, son père, sa soeur. Avec espoir, sans illusion. Avec courage, sans sentiment.
La poésie du texte est engloutie par la désolation, la vermine, la mort et les viols.

Le contexte historique n'est que très peu évoqué, seule la guerre civile explose dans ces pages, les troupes de Lon Nol, les Viêt-Cong et les Khmers ruinent, ravagent, saccagent tout sur leur passage.

Bien sûr, Saravouth trouvera quelques îlots de réconfort dans l'écroulement de sa vie.
Iaï, la sorcière des bois le soignera de sa balle dans la tête. Episode épique et écrits crus.
Parvenu après mille embuches aux environs de Phnom-Penh, il sera recueilli quasiment mort par le Père Michel qui gère l'orphelinat dans les cris incessants des orphelins-nourrissons.
Il se fera un ami, presque un frère de Vanak qui lui apprendra à faire briller les chaussures avec les bas de soie des prostituées prostrées devant tant de cruauté.

Son monde parallèle peuplé de chimères, de Peter Pan, de Tiger Lily et de banane-girafe le soutiendra depuis Charybde jusqu'à Scylla mais il vacillera quand, il faudra avec les américains partir pour une autre vie qui ne sera jamais la sienne.

Son épouse canadienne lui donnera trois beaux enfants mais ne pourra résister à cette vie où Saravouth exhume tellement de châtiments, qu'il commence à sombrer dans la folie.

Dans l'épilogue, M. Sire nous démontre que Saravouth existe vraiment, et que maintenant, dans les rues il joue avec talent aux échecs, lui qui a en a tellement essuyé.

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En 1971, le Cambodge est en pleine guerre civile. le roi Norodom Sihanouk vient d'être destitué par le général Lon Nol. Celui-ci, désormais allié aux Etats-Unis, tente de résister à la montée en puissance des Khmers rouges. Dans ce contexte, Phnom Penh, la capitale, est encore relativement préservée, et la famille de Saravouth, onze ans, vit à peu près normalement. le père est un fonctionnaire intègre, la mère est enseignante au lycée français de la ville, Saravouth et sa petite soeur Dara sont des enfants intelligents et un peu solitaires, à qui leur maman lit de belles histoires le soir. Grâce à Peter Pan, à l'Iliade et à l'Odyssée, Saravouth et Dara ne cessent d'enrichir leur "Royaume Intérieur", un monde imaginaire où toutes les inventions et les aventures sont permises. Mais l'étau se resserre peu à peu autour de cette famille-modèle, catholique, tranquille. Un enlèvement, une fusillade, et Saravouth se retrouve seul dans la forêt, gravement blessé. Recueilli par une vieille guérisseuse, il ignore ce qui est arrivé à ses parents et à sa soeur, et veut partir à leur recherche. Convaincu qu'ils l'attendent tranquillement à la maison, son idée fixe est de rallier Phnom Penh. Mais le retour vers la capitale assiégée est semé d'embûches et de violences inouïes, tandis que les conditions de vie en ville deviennent dantesques : l'afflux massif de réfugiés, les combats qui se rapprochent, les tirs de roquette, les vols, les viols, les meurtres, les trahisons, la promiscuité, les rats, la faim et le manque de tout, jusqu'à la chute…

Inspiré d'une histoire vraie, ce récit est très dur. Les mots de René Char, l'auteur préféré de la mère de Saravouth, "Il faut trembler pour grandir", sont ici poussés à l'extrême. C'est le récit d'une enfance meurtrie à jamais, qui tente de se protéger des atrocités de "l'Empire extérieur" en se réfugiant dans l'imaginaire. C'est celui d'une volonté acharnée de retrouver les siens, mais aussi d'un effarant stress post-traumatique à retardement, une défaite intérieure et un pays perdu, et des blessures irréparables. Ce sont aussi des personnages attachants, des scènes à la limite du soutenable, d'autres poignantes, une narration à hauteur d'enfant. Une Odyssée terrible qui s'achève au-delà des pages, si l'on veut bien suivre la suggestion de l'auteur dans l'épilogue...

En partenariat avec les Editions Calmann-Lévy via Netgalley.
#Avantlalongueflammerouge #NetGalleyFrance
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Du Pays des Khmers au Royaume intérieur

Changement de registre pour Guillaume Sire qui, après avoir exploré la télé-réalité avec Réelle nous entraine au Cambodge. Sur les pas d'un enfant tentant d'échapper à la guerre, il nous offre un drame émouvant et une ode à la littérature.

Nous avions laissé Guillaume Sire retracer la folie qui s'était emparée de la France avec l'arrivée de la téléréalité dans Réelle. Il nous revient avec un roman aussi fort, mais à la fois géographiquement et thématiquement fort différent puisqu'il a cette fois choisi un garçon pour raconter les années qui ont vu le Cambodge basculer dans l'horreur.
À onze ans, Saravouth ne semble toutefois pas trop se soucier des bruits de bottes. Il a trouvé son bonheur dans les livres, dans les histoires qui façonnent son imaginaire. Sa mère, qui enseigne la littérature au lycée français de Phnom  Penh, lui fait notamment découvrir l'Iliade et l'Odyssée. Dans l'esprit du garçon, les personnages d'Homère viennent rejoindre ceux de Peter Pan, ou le petit garçon qui ne voulait pas grandir de James Matthew Barrie qu'elle lui lisait le soir.
C'est ainsi qu'il construit son «Royaume intérieur», creuset des aventures les plus folles que sa soeur Dara aimerait beaucoup pouvoir visiter. D'autant que sa fantaisie ne semble pas avoir de limites et que tous les récits, comme par exemple les légendes que sa voisine Thàn lui confie, viennent le nourrir de nouveaux détails. Saravouth va tenter coûte que coûte de préserver cet espace de liberté face à la violence qui se déchaîne autour de lui. Les khmers rouges, les Américains, les Français vont essayer de pousser leurs pions, de résister, d'avancer, de s'imposer dans un pays totalement déstabilisé. Devant la menace, il faut fuir, tenter de trouver un refuge plus sûr. Mais les explosions, les balles qui sifflent et les mortiers qui s'abattent vont provoquer l'éclatement de la famille et séparer le garçon des siens. C'est seul qu'il va tenter de regagner Phnom Penh, trouver refuge dans un pensionnat et essayer de retrouver les siens. Toute l'horreur de la situation est racontée à travers des scènes saisissantes, comme celle où le bateau dans lequel les réfugiés ont pris place est canardé de tous côtés et où Saravouth voit ses compagnons d'infortune mourir les uns après les autres avant d'être à son tour blessé et devenir inconscient.
La seconde partie du roman, toute aussi passionnante, nous montre le garçon tenter de se construire un avenir tout en espérant pouvoir un jour retrouver cette famille dont il a perdu toute trace. Mais quand on a Peter Pan et Ulysse pour allié, tout devient possible…
Basé sur une histoire vraie, ce roman de bruit et de fureur, nous offre une nouvelle – et fort émouvante – variation sur la guerre et ses ravages, sur la folie qui peut s'emparer des hommes et sur la barbarie qui en découle. Mais il se double, et c'est ce qui le rapproche de Réelle, d'un roman initiatique. le destin de Saravouth se joue tout autant autour de l'institut Saint-Joseph que dans son esprit. Les livres lui auront appris que même la mort peut être déjouée, que le pire n'est jamais sûr. Qu'un vers de René Char peut suffire à vous éloigner de l'enfer.


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