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Critique de clesbibliofeel


Voici un classique du genre, réédité plusieurs fois depuis que ces célèbres auteurs suédois l'ont écrit en 1968. Il est le quatrième roman mettant en scène l'inspecteur Martin Beck et son équipe. La série, qu'ils nommeront Roman d'un crime, en compte dix, publiés entre 1965 et 1975. Les éditions Rivages/noir ont repris tous ces titres entre 2008 et 2020 dans une traduction corrigée. Lui, Per Wahlöö vient du journalisme, elle, Maj Sjöwall, de l'édition. Ils forment un couple à l'écriture et à la ville, l'un des couples les plus célèbres du roman policier mondial. Ils ont inspiré de nombreux auteurs de polar suédois et par extension scandinaves, qui sont légions maintenant, ce qui n'était pas du tout le cas avant eux, le genre étant auparavant dominé par le roman noir américain.

Un autobus rouge à impériale en travers du trottoir. Les policiers découvrent un véritable carnage. le chauffeur et les huit passagers ont été abattus à la mitraillette. Acte d'un déséquilibré ou d'un terroriste ? Un policier se trouve au nombre des victimes, Åke Stenström. Est-ce une simple coïncidence ? Chacune des victimes va être étudiée à la loupe par l'équipe de Martin Beck, un travail colossal très bien décrit ici, avant que n'émerge une piste. Côté enquêteurs tous sont plutôt communs, pas du tout des héros beaux et intrépides. Leur force principale résulte du collectif, là aussi une belle leçon !

Les auteurs ont l'art de créer une atmosphère et à la fois d'enraciner le récit dans l'histoire : le premier chapitre présente les deux enquêteurs Berg et Kollberg occupés à jouer aux échecs – Berg est un bon policier mais lamentable à ce jeu – alors que se déroule à Stockholm une manifestation contre la guerre du Vietnam, violemment réprimée par la police. le bus n'apparaît qu'ensuite... Pluie, obscurité participent au mystère, augmentent les émotions ressenties.

Le chapitre 21 est le chapitre qui m'a le plus marqué, un chapitre clé dans l'évolution de l'enquête. L'associé principal de Martin Beck, Lennart Kollberg se rend au domicile de Åsa Torell, la petite amie du policier assassiné dans le bus. Kollberg est un policier aguerri mais incapable au départ d'affronter la détresse de la jeune femme qui, nerfs à vif, tourne dans la pièce comme un animal en cage, enfermée dans la douleur de la perte de l'être aimé. C'est parfaitement écrit avec toute la psychologie et l'émotion possibles. Lui, calme au début, elle, nerveuse jusqu'à ce que tout bascule à un moment de l'échange. La confiance s'installe doucement et des confidences intimes précieuses pour trouver l'auteur des faits émergent enfin. Un chapitre que j'ai relu après coup car il est un récit en lui-même, à la construction complexe, parfaite !

Classique ne veut pas dire vieillot, loin de là. On est réellement au côté des enquêteurs qui progressent pas à pas dans un suspens bien présent. C'est du solide et les pièces du puzzle s'ajustent parfaitement dans les dernières pages. J'ai vraiment été surpris par la modernité de ce polar écrit il y a un demi-siècle !

L'engagement social des auteurs fait partie de l'oeuvre, lui donne une vérité. On est en 1968, le contexte historique est très riche. La Suède fait office de modèle dans un système social plutôt jalousé ailleurs. le pays n'a pas connu la guerre sur son territoire et est assez prospère. Mais tout commence à se fissurer. La contestation mondiale et des attentes nouvelles sont là, des foules importantes manifestent contre la guerre du Vietnam... La grande force des auteurs est de s'attacher à ce fond social sans que cela nuise à la grande richesse de l'intrigue. le titre le policier qui rit alors que l'ensemble est très sombre, traduit bien les contrastes de ton utilisés, le tout subtilement allégé d'humour et d'une douce ironie.

Maj Sjöwall & Per Wahlöö ont ouvert une nouvelle voie dans le genre. Par la suite Henning Mankell (mettant en scène l'inspecteur Kurt Wallander), Gunnar Staalesen (et son inspecteur Varg Veum) et bien d'autres, prolongeront l'oeuvre de ces précurseurs en développant une réflexion sociologique habilement mêlée au texte. La notoriété du polar scandinave va alors connaître un succès formidable dans le monde entier. Curieusement le policier qui rit est le dernier des dix tomes du Roman d'un crime à être réédité par Rivages/noir alors qu'il est considéré comme un des plus réussi de la série. En tout cas il m'a fortement impressionné et je compte bien reprendre un Sjöwall et Wahlöö très rapidement. Peut-être avec le premier tome dont le titre est Roseanna, voire avec la BD tirée du roman le policier qui rit, réalisée par Martin Viot et Roger Seiter.

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Vous pouvez retrouver cette chronique sur Bibliofeel avec ses illustrations : photo des auteurs dans une composition personnelle.

Lien : https://clesbibliofeel.blog
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