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Citations sur À la conquête du royaume (11)

Pendant que la lave se refroidissait, la bulle de carbone subissait une transformation plus extraordinaire encore. Elle se solidifiait en un cristal à huit faces, géométriquement symétrique, de la taille d’une figue verte, si complètement débarrassé de ses impuretés dans la fournaise du centre de la Terre qu’il était aussi transparent et pur qu’un rayon de soleil. Les pressions auxquelles il avait été soumis avaient été si terribles et constantes, son refroidissement si régulier, qu’il ne présentait pas la moindre fissure.
Ce parfait morceau de feu refroidi était d’une telle blancheur qu’il eût semblé bleu à la lumière, mais il n’avait jamais resplendi. Il était resté piégé dans une obscurité totale pendant une éternité et jamais la moindre lueur n’avait pénétré ses profondeurs lumineuses.
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Il possédait sa forme depuis deux cents millions d’années, n’avait jamais été exposé à la lumière du jour et ressemblait pourtant à une goutte de soleil distillé.

Il avait été engendré sous des températures proches de celles qui règnent à la surface du Soleil, dans les profondeurs infernales du magma en fusion qui sourd du noyau de la Terre.

Cette chaleur terrifiante en avait brûlé toutes les impuretés, n’avait laissé que les atomes de carbone à l’état pur. Soumis à des forces inimaginables, ces atomes avaient été comprimés jusqu’à atteindre une densité supérieure à celle de toute autre substance naturelle.

Portée à travers une des failles de la croûte terrestre par la lente progression de la lave, la minuscule bulle de carbone liquide avait presque atteint la surface quand le flot de lave s’était figé.

La lave s’était refroidie au cours du millénaire suivant et avait pris la forme d’une roche bleuâtre tachetée, composée de gravier aggloméré en une matrice solide. Cette formation était naturellement dissociée de la roche qui l’entourait et se limitait à un puits circulaire – l’ouverture de ce puits, en entonnoir, atteignait presque un kilomètre et demi de diamètre et son fond se perdait dans les abysses de la Terre.

Pendant que la lave se refroidissait, la bulle de carbone subissait une transformation plus extraordinaire encore. Elle se solidifiait en un cristal à huit faces, géométriquement symétrique, de la taille d’une figue verte, si complètement débarrassé de ses impuretés dans la fournaise du centre de la Terre qu’il était aussi transparent et pur qu’un rayon de soleil. Les pressions auxquelles il avait été soumis avaient été si terribles et constantes, son refroidissement si régulier, qu’il ne présentait pas la moindre fissure.

Ce parfait morceau de feu refroidi était d’une telle blancheur qu’il eût semblé bleu à la lumière, mais il n’avait jamais resplendi. Il était resté piégé dans une obscurité totale pendant une éternité et jamais la moindre lueur n’avait pénétré ses profondeurs lumineuses. Pendant ces millions d’années, la lumière du soleil n’avait été éloignée que de quelque soixante mètres seulement, une fine pellicule de sol en comparaison des abîmes où avait commencé son voyage vers la surface.

Depuis quelques années – un instant en temps géologique –, cette couche de sol était creusée petit à petit, véritable travail de fourmi accompli par une colonie de créatures vivantes.

Leurs ancêtres n’étaient pas encore apparus sur Terre lorsque ce pur joyau avait pris sa forme définitive, mais à présent leurs outils de métal déclenchaient de légères vibrations à l’intérieur de la roche demeurée si longtemps en repos, et chaque jour ces vibrations devenaient plus fortes à mesure que la couche de sol entre elle et la surface diminuait. Son épaisseur était passée de soixante à trente puis à quinze mètres, et ensuite de trois mètres à soixante centimètres. Vingt centimètres à peine séparaient maintenant le cristal de la lumière du soleil qui donnerait vie à ses feux encore éteints.
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Le major Morris Zouga Ballantyne se tenait à l’entrée du pont de cordes qui franchissait le gouffre circulaire, ouvert là où s’élevait naguère un tertre, au-dessus du plateau continental africain, plat et désolé.

Même par cette chaleur torride, il portait autour du cou un foulard de soie dont il avait fourré les extrémités dans sa chemise de flanelle, teintée d’ocre rouge indélébile.

C’était le pigment de la terre africaine, presque rouge sang, entaillée par les roues cerclées de fer des chariots, retournée par les pelles des prospecteurs – nuages de poussière pourpre quand les vents chauds et secs la balayaient ou boue glutineuse cramoisie lorsque les averses torrentielles l’emportaient.
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Zouga s’arrêta quelques instants, souleva son chapeau à large bord dont la calotte était tachée par la transpiration et la poussière. Il épongea les gouttes de sueur qui perlaient sur la peau plus pâle de son front, puis examina l’auréole rouge sur son foulard de soie et grimaça de dégoût.

Protégée du féroce soleil d’Afrique par son chapeau, son épaisse chevelure bouclée avait conservé sa couleur de miel foncé, mais sa barbe décolorée était devenue or pâle et les années l’avaient semée de fils d’argent.
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Il ne lui restait qu’un chariot et un attelage réduit de bœufs. Quarante-huit heures plus tard, ils avançaient d’un pas lourd sur la piste envahie par les sables qui, à travers les plaines du Cap, conduisait à ce kopje, à près de mille kilomètres au nord, sous la rivière Vaal.

Le chariot transportait tous ses biens, la plupart sans grande valeur. Pendant les douze années qui avaient suivi son rêve grandiose, il avait quasiment tout perdu. Les importants droits d’auteur que lui avait rapportés le récit de ses voyages à travers les régions inexplorées au sud du Zambèze, l’or et l’ivoire qu’il avait ramenés de ces terres lointaines, l’ivoire recueilli au cours de quatre autres expéditions de chasse dans ce paradis obsédant et pourtant bien imparfait – tout cela avait été dépensé. Des milliers de livres et douze ans de souffrance et de déboires, jusqu’à ce que son rêve splendide se voile et s’aigrisse ; il ne lui restait plus qu’un vieux bout de parchemin à l’encre jaunie, dont les pliures se déchiraient au point qu’il lui avait fallu le coller sur une feuille de papier pour l’empêcher de partir en lambeaux.
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Quand le chariot de Zouga Ballantyne parcourut en grinçant les derniers kilomètres de la piste de terre rouge défoncée qui le séparaient du kopje, celui-ci était déjà à moitié démoli, rongé comme un fromage par des asticots, mais des hommes grouillaient encore sur ce qu’il en restait. En contrebas, dix mille âmes – des Noirs, des Blancs, des gens à la peau brune – campaient dans la plaine poussiéreuse. La fumée gris sale de leurs feux domestiques troublait le ciel bleu de Chine. Les chercheurs de diamants avaient presque dénudé la plaine à des kilomètres à la ronde pour alimenter ces feux avec les beaux alhagis.

Le camp se composait de tentes sales et usées par le mauvais temps, bien que déjà des baraques en tôle ondulée laborieusement acheminée de la côte aient été construites à la hâte. Certaines, approximativement alignées, formaient les premières ébauches de rues.

Elles appartenaient aux acheteurs de diamants, qui, récemment encore, vagabondaient d’une mine à l’autre, mais avaient jugé profitable d’ouvrir boutique de façon permanente sous les restes du kopje Colesberg. Selon les toutes nouvelles lois sur les diamants de l’État libre des Boers, chaque acheteur patenté était obligé d’afficher son nom de manière visible. Ils le faisaient en accrochant une enseigne peinte de lettres grossières sur le petit bureau en tôle, mais la plupart ne s’en contentaient pas et hissaient au sommet d’un mât une banderole disproportionnée, au motif extravagant et voyant, pour avertir les chercheurs de leur présence. Ces drapeaux donnaient au camp une allure de fête foraine.
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Zouga était le premier client, lorsque l’employé ouvrit la porte de la Standart Bank. Après avoir déposé le contenu de la cassette d’Aletta, que l’employé enferma dans le grand coffre vert, Zouga avait un solde créditeur de presque deux mille cinq cents livres.

Sa détermination s’en trouva renforcée et c’est avec assurance qu’il remonta l’allée centrale.

Les voies avaient trois mètres de large. Ayant retiré les enseignements des exploitations de Bultfontein et de Dutoitspan, le commissaire aux mines avait insisté pour que les voies d’accès aux concessions restent dégagées. Les chantiers formaient une mosaïque de parcelles carrées, chacune mesurant exactement neuf cents mètres de côté. Certains chercheurs, mieux équipés et organisés, avaient creusé plus vite que les autres, de sorte que les plus lents se retrouvaient perchés sur des îles de terre jaune d’or qui surplombaient les profonds puits carrés des concessions voisines où peinaient les manœuvres indigènes nus.
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Debout sur le chemin qui s’éboulait, les excavations ouvertes à ses pieds, Zouga se demandait ce qu’il adviendrait si le gisement se continuait à une grande profondeur. Il fallait déjà avoir le cœur bien accroché pour se risquer à descendre dans le puits, et une fois de plus il s’étonna de l’acharnement des hommes à courir après la richesse en dépit de tous les dangers.

Il regarda un seau de cuir débordant de gravier jaune aggloméré en blocs concassés osciller au bout d’une longue corde, hissé par deux Noirs en nage, leurs muscles luisant au soleil tandis qu’ils se penchaient et se balançaient au-dessus du treuil.

Quand le seau arriva au bord de l’excavation, ils le prirent, le portèrent jusqu’à la charrette à moitié pleine – à laquelle étaient attelées deux mules patientes – et y versèrent son contenu. Puis l’un renvoya le seau vide aux hommes qui attendaient au fond du trou, quinze cents mètres plus bas.
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Aussitôt Zouga se remit debout, léger comme un danseur, mais le bras gauche engourdi jusqu’au bout des doigts. Emporté par une colère froide, en deux enjambées il était sur Danby et lui lançait un crochet à la tempe. Le choc sur son poing le fit grincer des dents mais sous le coup son adversaire tournoya contre le mur et s’écroula dans la poussière.

Jock Danby était assommé, les yeux blancs ; Zouga le releva brutalement et le cala contre la charrette pour lui décocher le coup suivant. Sa colère et son indignation le poussaient à se venger de cette attaque délibérée et stupide ; il maintenait Danby avec sa main gauche et s’apprêtait à le frapper de son poing droit.

Il s’immobilisa brusquement et retint son coup, dévisageant avec incrédulité Jock Danby qui pleurait comme un enfant, ses puissantes épaules secouées d’un tremblement incontrôlable ; des larmes coulaient sur ses joues marquées par le soleil et se perdaient dans sa barbe poussiéreuse.
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Le commissaire aux mines était un petit magistrat buté, nommé par Brand, le président du jeune État boer libre, qui revendiquait les exploitations minières.

Brand n’était pas le premier. Le vieux Waterboer, chef des Bastards Griquas, avait lui aussi revendiqué les plaines arides où son peuple avait vécu pendant plus de cinquante ans. À Londres, lord Kimberley, secrétaire d’État aux Colonies, venait seulement de prendre conscience des richesses potentielles représentées par les mines de diamants et, pour la première fois, il prêtait une oreille attentive aux appels des impérialistes en vue de soutenir la revendication de Nicholaas Waterboer et d’intégrer le pays des Griquas dans la sphère d’influence britannique.
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