Il s'agit du premier tome d'une histoire complète et indépendante, qui en compte 9 au total. La série "
Bone" a été écrite et dessinée par
Jeff Smith ; elle est initialement parue sous forme sérialisée, en noir & blanc, à partir de 1991. Ce tome comporte les épisodes 1 à 6 ; ils ont bénéficié d'une mise en couleurs nuancées réalisée par
Steve Hamaker.
L'histoire commence alors que 3 cousins sont perdus dans un désert. Il s'agit de Fone
Bone, Phoncible
Bone (surnommé Phoney) et Smiley
Bone. Ils ont dû partir précipitamment de
Boneville, suite aux exactions commises par Phoney quand il était maire de cette ville. Suite au passage d'un grand nuage de sauterelles, les 3 cousins se retrouvent séparés. Fone
Bone finit par échouer dans une vallée boisée, où il fait la connaissance de Ted (un insecte). Après avoir dû échapper à des créatures rats (et avoir croisé un grand dragon rouge), il finit par être recueilli par Thorn Harvestar, une charmante demoiselle qui vit dans une cabane dans les bois. Il attend que l'hiver prenne fin pour partir retrouver ses cousins et rentrer à
Boneville.
La couverture ne laisse pas de place au doute : il s'agit d'un récit tout public qui s'adresse avant tout aux plus jeunes, avec une touche humoristique qui peut parler à tout type de lecteurs.
Jeff Smith a concocté un récit de grande envergure qui sait prendre son temps pour que le lecteur puisse s'immerger confortablement dans ce monde très particulier.
Il y est donc question de Dragon Rouge, de créatures rats, et d'opossums, tous dotés d'intelligence et de la parole (par contre les vaches ne parlent pas). le récit semble se dérouler dans une sorte de haut moyen-âge, sans technologie, mais avec des constructions en pierre, la maîtrise du feu, et l'existence de charrettes. L'environnement est celui d'un conte
bon enfant et dédramatisé.
Jeff Smith a choisi une apparence très mignonne pour ses personnages. Les 3 cousins sont des êtres anthropoïdes tout rond, aux expressions exagérées (tant au niveau de la bouche que des yeux et des sourcils), éloignés du réalisme, à l'apparence adorable et dénuée de tout sérieux, de tout aspect dramatisant. Autour d'eux, les décors et les autres personnages sont représentés de manière un peu plus réaliste, tout en restant épurés, simples sans être simplistes.
Il s'agit d'un dispositif visuel très efficace qui consiste à dessiner le ou les personnages principaux avec moins de détails pour que le lecteur puisse plus facilement s'y projeter, quels que soient son âge, sa culture, sa personnalité. Ce dispositif fait également ressortir les 3
Bone avec force, du fait du contraste qui existe entre leur représentation et ce qui les entoure. Dans la série "
Bone", la limite de ce mode de représentation se trouve dans le fait que les 3
Bone apparaissent comme des enfants, se conduisant parfois en jeunes adultes. de ce fait le lecteur adulte éprouve une empathie atténuée pour ces 3 individus enfants dans leurs attitudes émotionnelles, dans leur apparence, mais jouant un rôle d'adulte.
Avec ce premier tome, le lecteur constate que
Jeff Smith lui propose de lire un chapitre qui s'inscrit dans le cadre d'un récit plus long (9 tomes). Il n'y a donc pas de sentiment d'urgence à la lecture, plutôt une possibilité accueillante de prendre le temps de faire connaissance avec les personnages (essentiellement Fpne
Bone, Thorn Harvestar et Grand-mère Ben, Rose de son prénom). Smith laisse le lecteur se faire une idée de leurs personnalités, juste en les regardant interagir et accomplir leurs tâches. Il n'y a pas d'exposition artificielle de leurs parcours, ou de leur profil psychologique.
La découverte des aventures de Fone
Bone est rendue très agréable par l'aspect visuel. Smith se montre un conteur très prévenant, oeuvrant dans un registre familial, sans scène choc, sans image gore ou immonde. Les 3
Bone sont vraiment mignons, et les autres personnages disposent d'une forte identité visuelle qui les rend immédiatement mémorables et qui leur insuffle une personnalité.
Jeff Smith se révèle un très bon metteur en scène. Sa mise en page impulse un rythme et une tension, aussi bien dans les scènes d'action que dans les scènes de dialogues (en autre grâce à l'expressivité du visage des
Bone). Il intègre un humour visuel irrésistible (la tombée de l'hiver, ou la tarte que Phoney enfourne de force dans la bouche
De Bone). La mise en couleurs fait plus que d'améliorer la distinction entre les différents éléments de chaque dessin, elle étoffe discrètement les cases, lorsqu'à l'origine elles étaient dépourvues d'arrière plan (dans la version noir & blanc).
Au fil des séquences, il apparaît quelques éléments dont il finit par émaner comme une dissonance. En fonction de leur sensibilité, certains lecteurs pourront éprouver des difficultés à se sentir concernés par cette histoire. La forme si séduisante des personnages peut rendre la projection du lecteur difficile parce qu'ils sont à la fois trop simples, et trop d'un seul tenant. Dans certaines séquences, les 3
Bone se réduisent à des acteurs comiques, exécutant leur sketch, sortant de leur personnage. En particulier, à des fins comiques, Smith introduit des anachronismes (en particulier quand Foney
Bone est accusé d'avoir fait construire un bâtiment sur des déchets radioactifs). Prise pour elle-même, la blague est drôle, mais dans le contexte de l'histoire elle apparaît déplacée (clairement cet environnement ne dispose pas d'une telle technologie, ni même des concepts qui lui sont liés).
Ce premier tome peut se lire comme le premier chapitre d'un long roman, une sorte de prologue donnant le temps aux lecteurs de se familiariser avec les personnages.
Jeff Smith a créé des personnages immédiatement attachants, dans un environnement de type médiéval. Il réussit à éviter l'écueil de la mièvrerie, mais certains partis pris narratifs introduisent quelques dissonances, provoquant un moment de recul chez le lecteur.