L'aventure commence avec l'objet-livre même, gros pavé surtout noir et un peu blanc. Ambiance sombre, gothique, maison de nuit, couverture légèrement en relief qui se laisse effleurer, ressentir. Et puis vient ce moment où l'on feuillette l'ouvrage, pour se donner une idée du contenu. Des dessins en noir et blanc, des pages noires, quelques passages narratifs … Qu'est-ce donc que cet ovni ? Ma collègue me demande si je peux m'en charger de celui-là, parce que ça ne la tente pas du tout. Je ne m'y connais pas beaucoup en dessin, mais quand faut y'aller, faut y'aller… et je plonge dans
Thornhill. Et je dois dire que je ne regrette rien, car c'est un ouvrage d'une grande force. de par sa construction pour commencer. Deux narrations, se mêlent pour construire conjointement le sens de l'histoire. Un narrateur iconique pour commencer, qui s'attache à suivre les pas d'Ella, jeune fille qui vient de s'installer dans la maison qui jouxte l'ancien orphelinat de
Thornhill, fermé au public pour cause de réhabilitation, et qui va tout faire pour pénétrer dans cette propriété, persuadée d'avoir vue de la lumière et une jeune fille d'approximativement son âge. Au fil de l'histoire, on en découvre un peu plus sur Ella et sa grande solitude. D'un autre côté, un narrateur verbal puisque nous suivons les pas de Mary, jeune orpheline solitaire ayant vécu dans l'orphelinat en 1982 et dont nous lisons le journal intime. Les pages noires servent à séparer les deux instances narratives. J'ai adoré ce traitement, qui crée un effet d'attente. Lorsqu'on quitte Ella, on a hâte de la retrouver, lorsque l'on quitte Mary également.
Il y a finalement une dimension très cinématographique dans
Thornhill : beaucoup des dessins empruntent au cinéma l'effet de zoom, on part d'un plan large et en suivant le regard d'Ella on se rapproche petit à petit d'éléments de détail. On a ainsi l'impression de se rapprocher au fur et à mesure de la clé de l'énigme, tout comme l'on se rapproche du dénouement au fur et à mesure de la progression dans le journal de Mary, orpheline seule et harcelée.
Alors oui, l'histoire d'orphelinat hanté sent le déjà-vu, mais le traitement original et les références (notamment au Jardin secret, de
Frances Hodgson Burnett, plus connue en France pour être l'autrice du roman dont s'est inspiré Princesse Sara), la passion des héroïnes pour la fabrications manuelle de petites poupées qui peuplent leur solitude font de
Thornhill un ouvrage original à découvrir.