En latin, cela s’appelle petroleum . Il m’a été rapporté d’Orient par un homme qui avait suivi la dernière croisade. Hélas ! je n’en possède qu’une amphore bien petite et il ne serait pas très sage de susciter une nouvelle croisade sous le seul motif d’aller nous approvisionner en petroleum !
-{...} En venant dans ta couche, je me suis dit que tu me croirais. Après le coït, les oreilles des hommes sont moins sourdes qu'à l'ordinaire.
-Je t'écoute et je saurai t'entendre. Mes oreilles ne sont point soumises aux caprices de ma verge...
Tous les livres que tu lis sont autant de jardins où tu te promènes.
Car s'enthousiasmer, c'est entrer en Dieu.
- il me semble que tout a été dit... Permettez-moi de me retirer, à présent. Mon esprit a besoin de se laver de ces choses.
Tant le Seigneur que le chevalier lui rendent son respectueux salut.
Déjà Jordi de Cabestan s'éloigne. Il serre dans sa main la petite fleur de marbre. Peire ne mourra point. Le sarcophage de Saint Sernin sera leur chef-d’œuvre.
Tout à l'heure, l'imagier posera la fleur au pied de sa couche. Il s'agenouillera et il priera.
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Mais l’homme, lui, croit toujours à l’impossible. Sa force est là, et sa faiblesse aussi.
- Las ! je ne me doutais pas que le titre de chevalier fut d'un poids si grand et il me semble, depuis que je le porte, que mes épaules ont rétréci.
Sur un vaste plateau de bois reproduisant les dimensions exactes de la face du bloc de marbre, le modelage d’argile commence à prendre forme. Hier, jusqu’à ce que le jour déclinant les obligeât à renoncer, Maître Jordi et son apprenti ont bien avancé dans l’ouvrage de la maquette. Sur le côté droit du haut-relief, le Maître a placé l’architecture qui représentera le temple capitolin où les païens honoraient les dieux anciens. Ensuite, il a disposé les masses grossières de terre qui figureront la scène de l’arrestation du saint évêque par les prêtres ou les soldats. Pendant ce temps, Peire s’est chargé d’affiner les contours du Capitole à la ressemblance la plus proche possible du dessin sur le parchemin. Les portes et les fenêtres, la triple arcature du portail, les créneaux du fronton, tout cela doit être réalisé avec précision pour créer ce « piège à lumière » cher à l’imagier. À cette étape du travail, la terre offre tout loisir de rectifier ou de modifier lignes et volumes. Plus tard, dans le marbre, tout sera définitif. Comme le dit le Maître : « Il n’y a plus qu’un sculpteur pour faire œuvre après le sculpteur : c’est le Temps. Mais son œuvre à lui n’est que de destruction. »
Et c'est ainsi que l'on doit se séparer. Avec la certitude que l'on ne se quitte pas.
Ce soir, pourtant, il ne se hâte point. Inutile de courir au bonheur, car il n'est de plus grand bonheur que d'y songer.