Ce tome fait suite à Not my
Captain America (épisodes 1 à 6 qu'il faut avoir lu avant). Il comprend les épisodes 7 & 8 de la série mensuelle
Captain America: Sam Wilson (en abrégé CA:SW), ainsi que les épisodes Alpha et Omega d'Avengers Standoff: Assault on Pleasant Hill, initialement parus en 2016, écrits par
Nick Spencer. Tous les épisodes composant l'événement Standoff ont été regroupés dans le recueil Avengers: Standoff. Les 32 pages de l'épisode Alpha sont dessinées, encrées et mises en couleurs par
Jesús Saiz. L'épisode 7 de CA:SW est dessiné et encré par
Angel Unzueta pour les 8 pages consacrées à Sam Wilson, par Daniel Acuña pour les 32 pages consacrées à Steve Rogers. L'épisode 8 est dessiné, encré et mis en couleurs par
Paul Renaud. L'épisode Beta est dessiné, encré et mis en couleurs par Daniel Acuña, remplacé par
Angel Unzueta pour quelques pages. L'épisode 7 comprend également 3 histoires courtes à la gloire de Steve Rogers.
Standoff - Une nouvelle base du SHIELD a été attaquée par un super-espion : le Soldat de l'Hiver (Bucky Barnes). Maria Hill (la directrice du SHIELD) n'a aucune idée de ce qu'il recherche. Par contre, il a laissé un indice lors de sa dernière effraction que Steve Rogers identifie tout de suite comme un rendez-vous à son attention. Pendant ce temps-là, Sam Wilson doit arrêter une nouvelle tentative de Green Skull de détruire une partie de la ville de New York, dans un acte d'éco-terrorisme. Une fois son intervention terminée, il se fait huer comme d'habitude par la populace qui estime soit qu'il n'est pas le vrai
Captain America, soit qu'il soutient la politique des pouvoirs en place, contre l'intérêt environnemental général.
Bucky Barnes a le temps d'informer Steve Rogers, que Maria Hill et le SHIELD ont utilisé des fragments d'un cube cosmique qui aurait dû être neutralisé et mis en sûreté. de son côté, Sam Wilson découvre l'identité du lanceur d'alerte Whisperer qui lui parle aussi de ces fragments de Cube Cosmique. Maria Hill accepte de montrer à Steve Rogers ce qu'il est advenu de ces fragments, en l'emmenant dans une riante petite ville des États-Unis, appelée Pleasant Ville. Chacun par leur moyen, Sam Wilson et Bucky Barnes (2 autres porteurs du costume de
Captain America) arrivent également à Pleasant Ville, en décalé. le comité d'accueil est du genre criminel et agressif.
C'est maintenant une politique éditoriale bien établie : chaque scénariste rencontrant un peu de succès avec sa série doit proposer un crossover si son histoire du moment peut s'y prêter. C'est au tour de
Nick Spencer de s'y coller. le lecteur fait un peu la tête en découvrant un recueil avec seulement 4 épisodes à $20. Mais en fait les numéros alpha & beta sont plus longs, ainsi que l'épisode 7, donc il s'agit en fait d'un recueil avec une pagination normale. Deuxième inquiétude : le lecteur qui apprécie
Nick Spencer n'a pas forcément envie de lire tous les épisodes connexes à Standoff. Bonne surprise : ce recueil ne contient que les épisodes écrits par
Nick Spencer, et en plus le scénariste à fait en sorte qu'ils se suffisent à eux-mêmes. C'est donc dans une meilleure disposition d'esprit que commencer la lecture.
Nick Spencer est en forme : les personnages n'ont rien perdu de leur capacité à être sarcastiques quand le besoin s'en fait sentir. Steve Rogers éprouve toutes les difficultés du monde à contenir son exaspération devant le manque de professionnalisme des agents du SHIELD qui se sont fait surprendre par Winter Soldier. Whisperer se moque de ses piètres capacités. Winter Soldier prend un malin plaisir à montrer à Steve Rogers qu'il en sait plus que lui. Sam Wilson n'arrive pas contenir son exaspération (lui aussi) devant la foule qui n'est jamais satisfaite, ou devant le manque de professionnalisme (ou au moins d'envergure) de Green Skull. Maria Hill a droit à une séquence d'anthologie en fin de récit quand elle doit commencer à rendre des comptes. Malgré le principe du crossover,
Nick Spencer a réussi à conserver sa verve et la ligne directrice de la série.
Le lecteur constate quand même que le scénariste est obligé d'inclure beaucoup de rappels dans ses épisodes, pour être sûr qu'ils soient intelligibles pour des lecteurs venus d'autres séries et assez curieux pour voir ce qui se passe dans les numéros alpha et beta. Il doit intégrer une autre contrainte : laisser une place importante à Steve Rogers puisque la parution de l'épisode 7 correspond à l'anniversaire des 75 ans de la première apparition du personnage dans un comics. Cette histoire ressemble donc plus à une histoire de Steve Rogers, qu'à une de Sam Wilson, ou plutôt à une histoire des
Captain America (Steve Rogers, Sam Wilson, Bucky Barnes). D'un autre côté, ça n'a rien de scandaleux car l'histoire des 3 personnages est très liée, et
Nick Spencer s'en sert pour faire ressortir les différences entre leurs personnalités, avec une conviction réelle.
D'une manière inattendue, le lecteur peut donc avoir le beurre (la suite de sa série) et l'argent du beurre (le coeur du crossover), sans devoir acheter l'intégralité des épisodes de toutes les séries ayant participé à cet événement. L'épisode alpha introduit un concept qui tient bien la route dans le cadre de l'univers partagé Marvel, avec une moralité douteuse, mais une efficacité réelle. Il ne s'agit pas simplement de mettre des superhéros et des supercriminels dans la même pièce et de les regarder se taper dessus. En plus
Nick Spencer effectue un travail de fond pour rappeler l'actualité plus ou moins récente des différents personnages : facile pour Sam Wilson puisque c'est sa série, plus délicat pour Bucky Barnes puisqu'il faut évoquer son retour et sa fonction de Man on the Wall (voir
Bucky Barnes: The Winter Soldier Volume 1: The Man on the Wall d'
Ales Kot &
Marco Rudy), plus long pour Steve Rogers du fait de ses 75 ans de publication. Il compose encore avec la nécessité de changer le statu quo de certains personnages, et il s'en sort encore honorablement.
Le lecteur plonge donc un récit hétérogène dans lequel le scénariste accomplit des prouesses pour installer une logique, un fil directeur et établir ainsi une unité narrati
ve. Il faut qu'il soit convaincant car la partie graphique est assurée par 4 artistes différents, ajoutant encore à l'a priori de patchwork.
Jesús Saiz dessine dans une veine réaliste et détaillée. Il utilise les conventions des récits de superhéros concernant les morphologies très musclées des hommes, et un peu arrondies des femmes. Il ne rate pas un seul costume, malgré le nombre élevé de personnages. Les expressions des personnages sont très parlantes (à commencer par l'exaspération). La mise en couleurs rend compte des variations de lumière avec une grande justesse.
Angel Unzueta dessine des personnages dans des postures plus figées, avec des expressions de visage moins nuancées. Il réalise un travail narratif professionnel, mais un cran en dessous de celui de
Jesús Saiz.
Les pages de
Paul Renaud se rapprochent plus de l'esthétique de
Jesús Saiz, avec une méticulosité un peu inférieure, mais un travail sur les couleurs tout aussi agréable. Les formes sont un peu plus simples, mais la narration visuelle reste de grande qualité, très agréable à suivre. le lecteur retrouve avec plaisir les pages de Daniel Acuña : plus brute en apparence, avec une mise en couleurs plus intégrée aux formes détourées. Cet artiste doit porter le gros des pages consacrées à
Captain America, avec une mise en scène montrant bien les scènes emblématiques du passé, et les détails des différents endroits. C'est aussi lui qui doit raconter le gros affrontement final. Il arrive à faire tenir tous les personnages venus prêter main forte aux
Captain America. Par contre, il renonce à dessiner les arrière-plans dans des séquences déjà surchargées de personnages, préférant s'en tenir à des effets de lumière, ou de la poussière qui vole en guise de décor.
L'histoire principale contente le lecteur au-delà de ses espoirs. Il bénéficie du coeur du récit sans ressentir un sentiment de frustration du fait de l'absence des épisodes des séries annexes, tout en ne lisant que les épisodes écrits par
Nick Spencer. La source de conflit initiale est bien pensée, et différente d'un énième supercriminel qui souhaiterait devenir maître du monde. Les personnages ont la place d'exister. L'action est spectaculaire, les dessins sont de qualité. 5 étoiles pour un récit prenant.
Nick Spencer réussit même à rendre un hommage sincère au personnage de
Captain America à l'occasion de ses 75 ans d'anniversaire de publication.
- Histoires supplémentaires - Presentation (
Joss Whedon &
John Cassaday, 9 pages) Pendant la seconde guerre mondiale,
Captain America intervient pour sauver un groupe de civil ; il se souvient que lors du briefing, un général se demandait pourquoi il avait insisté pour porter un bouclier. L'histoire est rapide, classique, avec de très beaux dessins de
Cassaday qui a pris le temps de peaufiner ses planches.
Whedon évoque une particularité du personnage (son bouclier) avec un regard pénétrant et respectueux.
Catch me if you can (
Tim Sale & Dave Stewart, 8 pages) -
Captain America va récupérer un objet dans une forteresse allemande.
Tim Sale raconte une histoire muette dépourvue de tout texte, vite lue, pas si vite oubliée que ça grâce à des images iconiques de
Captain America, et un plan de prises de vue extraordinaire. - Pas de deux (
Greg Rucka &
Mike Perkins, 8 pages) Steve Rogers et Natalia Romanova assistent à un ballet pour empêcher un assassinat. Les auteurs réussissent un petit bijou faisant ressortir les spécificités de la relation entre les 2 héros et la beauté d'un ballet, le tout dans un thriller rapide et efficace.
Ces 3 histoires courtes méritent 5 étoiles, chacune à leur manière, révélant chacune une saveur différente de Steve Rogers, dans des récits sophistiqués et divertissants.