Citations sur Les couleurs de l'aube (16)
C’est aussi le précieux liquide noir qui s’élève des puits de votre père et qui vous permet de vous habiller haute couture et de rouler dans de jolies petites voitures de sport décapotables. La côte, pour vous, représente une enfilade de plages où vous peaufinez votre bronzage et de restaurants élégants où déguster des fruits de mer. Quand vous
pensez à cet Etat, vous ne songez ni à ses hérons, ni à ses grues, ni à ses aigrettes. Vous vous moquez comme de votre première barboteuse des chênes à feuilles persistantes, des fucus sur les rochers et de la végétation des bayous.
Vous n’avez aucune idée de ce que nous faisons et vous savez à peine pour quoi nous nous battons. Alors pourquoi ne pas retourner gentiment à vos cocktails et à vos premières à l’opéra au lieu de nous faire perdre un temps précieux pour
un simple caprice ?
Ma mère est adorable, vraiment, mais elle n’a pas toujours le sens des réalités. Elle ne pense pas à mal mais parfois elle dépasse un peu les bornes.
Et laprochaine fois qu’elle verrait Trixy, elle tordrait son beau cou gracieux sans l’ombre d’un scrupule
Comme elle avait été naïve de ne rien soupçonner ! Elle aurait dû le deviner et se renseigner discrètement plutôt que de s’exposer à cette humiliation. Elle serra les poings, mortifiée par le regard arrogant de cet homme, par le dédain évident qu’il exprimait.
Le regard que l’adolescente porta sur elle témoignait d’une maturité presque inquiétante.
Sans aucun doute possible, Chloé avait deviné au premier coup d’œil la valeur de l’ensemble qu’elle portait, de même qu’elle avait reconnu que sa montre
était une Piaget en or et diamants et que ses chaussures étaient signées Gucci.
Elle en eut le souffle coupé.
C’était un homme de haute taille, à l’allure solide, bâti comme un bûcheron. Sa présence à elle seule semblait modifier les proportions de la pièce, comme s’il la remplissait tout entière. Dieu sait pourtant que Bentley n’était pas petite.
Mais elle se sentait presque menue à son côté.
Pour poursuivre sa lutte, il avait ravalé sa fierté et accepté «
d’embaucher » une fille à papa qui n’avait jamais rien fait de ses dix doigts.
Même les poupées gâtées, apparemment, avaient parfois besoin de se donner l’illusion de servir à quelque chose.
L’essentiel, c’était le résultat : gagner sa vie et accéder à une indépendance financière. Et le fait de travailler pour cette association lui procurerait au moins une première expérience. De quoi enrichir un peu son CV inexistant.
Sa licence en histoire de l’art n’intéressait visiblement personne. Et il ne semblait exister
aucun emploi vraiment accessible au tout-venant. Chaque fois qu’elle postulait quelque part, on exigeait un diplôme ou une expérience qu’elle n’avait pas. Même pour les jobs les plus simples et les moins bien payés, on lui avait préféré d’autres candidates.
Elle connut l’excitation, le découragement, la peur, la joie. Puis, à mesure que les journées s’écoulaient, son humeur se stabilisa peu à peu pour finir par virer à un franc pessimisme.
Cultiver sa beauté représentait pour Trixy Cunningham un art à
part entière. Briller comme une étoile à la place qui lui revenait au sein de la haute société texane était son seul but, sa seule ambition. Comment parviendrait-elle à comprendre que sa fille puisse avoir des visées à ce point
différentes des siennes ?
Des larmes montèrent aux yeux de Bentley. Envers et contre tout, elle avait espéré emporter l’adhésion de ses parents. Mais c’était une utopie, un rêve
impossible.