Ce livre appartient à une collection qui imite « admirativement » celle de la Pléiade : papier bible, riche appareil critique, etc. Il est édité par l'Académie roumaine dans une collection dite « oeuvres fondamentales » et comprend trois grandes parties : des poèmes d'amour de l'ensemble de l'oeuvre du poète roumain, un faux journal intime constitué de textes de Nichita Stănescu qui sont des confessions ou de succinctes opinions sur la vie et la création littéraire et en fin un album photos (p. 313-633).
Le maniérisme du poète est mis en évidence en premier lieu par l'esprit ludique de son art, par la capacité immense de combiner les mots avec des attributs opposés, ainsi que par la mutation rapide des registres du langage dans des poésies qui se constituent comme des additions de séquences lyriques hétéroclites. L'écrivain cultive une poésie d'amour galante. Ses mots chargés de tendresse semblent baigner dans la poudre d'or du rococo.
Les réflexions sur la vie et la littérature prennent parfois la forme d'aphorismes mémorables.
Un livre qui est à la fois et bel objet et une très belle lecture !
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Vârsta de aur a dragostei/L’âge d’or de l’amour
Mes mains sont amoureuses,
hélas, ma bouche aime,
et voilà que, soudain,
les choses sont tellement proches de moi,
que je peux à peine marcher parmi elles
sans me blesser.
Ce sentiment est doux,
c'est celui d'un éveil, une rêverie,
et voilà que je vois les dieux d'ivoire,
de mes propres yeux, grands ouverts,
je les prends dans la main et,
en riant, je les visse à la lune,
telles des poignées sculptées,
comme devaient être autrefois,
parées, les barres des navires.
Jupiter est jaune, et Héra
la merveilleuse est argentée.
Je frappe la barre de la main gauche et elle se met à tourner.
C'est une danse, ma bien-aimée, des sentiments,
déesses de l’air, entre nous deux.
Et moi, les voiles de l’âme
gonflées du mal d’amour,
je te cherche partout, et les choses viennent
de plus en plus près,
et elles m'écrasent la poitrine et me font mal.
[Mâinile mele sunt îndrăgostite,
vai, gura mea iubeşte,
şi iată, m-am trezit
că lucrurile sunt atât de aproape de mine,
încât abia pot merge printre ele
fără să mă rănesc.
E un sentiment dulce acesta,
de trezire, de visare,
şi iată-mă fără să dorm,
aievia văd zeii de fildeş,
îi iau în mână şi
îi înşurubez râzând, în lună,
ca pe nişte mânere sculptate,
cum trebuie că erau pe vremuri,
împodobite, roţile de cârmă ale corăbiilor.
Jupiter e galben, şi Hera
cea minunată e argintie.
Izbesc cu stânca-n roată şi ea se urneşte.
E un dans iubito, al sentimentelor,
zeiţe-ale aerului, dintre noi doi.
Şi eu, cu pânzele sufletului
umflate de dor,
te caut pretutindeni, şi lucrurile vin
tot mai aproape,
şi pieptul mi-l strâng şi mă dor.]
(p. 52, traduction de Roxana Ologeanu)
La poésie a probablement une autre destinée : elle est comme une douche du soir après le retour du travail ; elle nettoie, elle enlève la crasse sur la couleur grise du cerveau.
[Poezia are probabil o altă menire: este ca un duș de seară după ce ne întoarcem de la lucru, curăță, înlătură jegul de pe culoarea cenușie a creierului.]
(p. 402)
Tu ferrais mieux de me saler avec toi,
Rends-moi goûteux
Ne vois-tu pas qu’arrive à nouveau
Le Dieu affamé de nous.
[Mai bine sărează-mă tu cu tine,
și fă-mă gustos.
Nu vezi cum vine din nou
Zeul flămând de noi.]
(SOMNUL, p. 198)
Nichita Stănescu, Art poétique