Thomas se faisait un sang d'encre. Sa petite amie, Claire était partie en vacances avec Léa, sa meilleure copine. Comme à chacun de leur voyage, il attendait patiemment qu'elles daignent appeler. Il savait très bien qu'elles profitaient de leurs escapades et que, parfois, elles ne parvenaient pas à téléphoner. Pas évident de garder son réseau à l'autre bout du monde ! Il avait donc l'habitude des longs silences, mais avec cette histoire de touristes démembrés, Thomas n'était pas du tout rassuré. Aux dernières nouvelles, elles avaient annoncé se trouver à Xochimilco, l'endroit même du massacre… Il y avait fort à parier qu'elles grimperaient forcément sur l'une de ses barques tôt ou tard, et il désirait simplement les entendre pour leur dire de faire attention…
Il fallait un certain caractère pour oser y passer ses journées sans trembler. Les bruits de la nature alliés à la vision des poupées empalées, mutilées et pourries, étaient capables de rendre fou n’importe quel homme.
Décidément, tous ces cachets la rendraient malade, ferait d’elle une accro. Même s’ils la calmaient, ils accentueraient ses vertiges ou ses angoisses. À l’heure de les stopper, elle affronterait une désintoxication douloureuse.
On ne remplace pas un enfant, même si l’on est proche, même si l’on se comporte comme un second fils, même si l’on est considéré comme tel ! C’est chimique, viscéral, c’est un lien invisible, niché dans le sang. On donne et reçoit de l’amour, c’est vrai, mais ce n’est jamais véritablement pareil, jamais aussi fort, jamais aussi indicible.
Elle avait menacé de le quitter, juste quelques heures avant de prendre l’avion. Elle en avait assez de son comportement d’adolescent. Elle avait besoin d’un homme à ses côtés. Elle désirait vivre avec quelqu’un qui l’aime. Il ne lui inspirait plus que la monotonie et l’ennui, leur couple ne ressemblait plus qu’à un tas d’événements quotidiens sans intérêt. Elle réfléchirait pendant son séjour. Elle tenait à lui, mais ça ne suffisait plus.
L’idée d’être esclave de son smartphone la rendait malade, mais celle de se justifier alors qu’elle était adulte et responsable la mettait en pétard !
Il se rassurait comme il pouvait, songeant que Claire n’était probablement pas au courant de ce qui se passait. Après tout, elle ne lisait jamais les journaux et la télévision était sûrement le cadet de ses soucis à l’heure de ses visites… le silence radio était logique.