« Le bonheur est tellement composé de sensations relatives, que ce ne sont pas les choses en elles-mêmes, mais leur rapport avec la veille ou le lendemain, qui agit sur l’imagination. »
Et la vie ne semble souvent qu'un long naufrage, dont les débris sont l'amitié, la gloire et l'amour. Les rives du temps, qui s'est écoulé pendant que nous avons vécu, en sont couvertes.
Mais les causes du malheur et son intensité varient autant que les circonstances et les individus. Ce serait vouloir compter les flots de la mer qu'analyser les combinaisons du sort et du caractère.
Ce qu’il faut donc le plus soigner parmi nos moyens de bonheur, c’est la puissance de la contemplation.
Les motifs qui déterminent à se donner la mort changent tout-à-fait la nature de cette action ; car lorsqu’on abdique la vie pour faire du bien à ses semblables, on immole, pour ainsi dire, son corps à son âme ; tandis que quand on se tue par l’impatience de la douleur, on sacrifie presque toujours sa conscience à ses passions.
Les anciens élevaient leur âme par la contemplation de leurs propres forces, les chrétiens ont un témoin, et c’est devant lui qu’il faut vivre et mourir ; les anciens voulaient glorifier la nature humaine, les chrétiens ne se regardent que comme la manifestation de Dieu sur la terre ; les anciens mettaient au premier rang des vertus la mort qui soustrait au pouvoir des oppresseurs, les chrétiens estiment davantage le dévouement qui nous soumet aux volontés de la Providence.
Ce qu’on fait pour soi-même peut avoir une sorte de grandeur qui commande la surprise ; mais l’admiration n’est due qu’au sacrifice de la personnalité, sous quelque forme qu’elle se présente.
Le christianisme, au contraire, place le bonheur avant tout dans les impressions qui nous viennent par la conscience.
Les guerriers appellent ce sentiment la confiance dans son bonheur, les hommes religieux, l’espoir dans le secours de la Providence ; mais les uns et les autres trouvent dans cette disposition intérieure de l’âme un genre d’appui qui fait juger plus clairement les circonstances mêmes de cette vie, tout en donnant des ailes pour y échapper.