AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,04

sur 27 notes
5
5 avis
4
3 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce roman choral questionne avec acuité une période douloureuse de l'histoire grecque : le massacre de Kalavryta. La Wehrmacht, en représailles de l'assassinat de prisonniers allemands par les résistants, rassembla tous les hommes du village de Kalavryta sur le champ de Kapis pour les fusiller puis brûla le village. Au centre de ce roman, Athos le forestier, survivant improbable du massacre, alors que son propre fils meurt à ses côtés, trouve refuge dans la forêt puis s'y établit définitivement pour y trouver la paix de l'esprit, renonçant à sa vie d'avant, laissant femme et enfant. Se considérant comme un mort en sursis, Athos se consacre désormais au soin des arbres et se tient à l'écart de toute lutte fratricide alors que la Grèce est déchirée par une guerre civile opposant anciens résistants, majoritairement communistes, et l'armée gouvernementale du régime royaliste. Autour de lui, des figures féminines fortes, sa femme Marianthi et sa fille Margarita qui lutteront toute leur vie contre un sentiment d'abandon, sa petite fille Lefki qui cherchera à comprendre l'attitude de son grand-père et vivra à l'ombre de sa mémoire. Il y a aussi Kurt le médecin allemand, rescapé lui aussi, ami d'Athos, revenu en Grèce après la guerre pour réparer les crimes commis par les troupes allemandes. Tous ces personnages se succèdent et racontent les évènements de leur point de vue offrant ainsi différentes lectures du passé et comment celui-ci a modelé la vie de chacun d'entre eux.
Mêlant références bibliques et mythologiques, l'auteure nous fait réfléchir sur la violence à laquelle personne n'échappe dès lors que l'on prend les armes pour défendre son pays ou ses convictions. Athos, figure de paix, est celui qui renonce à toute vengeance pour sauver son humanité. Il est également la mémoire vivante des victimes (Athos signifie cendre en grec), celles qui sont mortes ce jour-là sur le champ de Kapis. Pour chacune d'entre elles, Athos a planté un gland qui au cours des années sont devenus une belle chênaie afin que les morts ressuscités revivent dans chaque jeune tronc. Pour ne pas oublier.
Commenter  J’apprécie          162
Le titre et le sujet attirent : un homme vit dans la forêt du Péloponnèse, rescapé d'un massacre commis par les occupants allemands de la Grèce, un massacre historique à Kalavryta en 1943. La poésie de la forêt dans la montagne, une ambiance mystérieuse, enchevêtrées, sont au rendez-vous annoncé, et cela en fait un intérêt majeur du roman. le mystère va plus loin, dans le sens même des évènements entremêlés, résistance grecque suivie de guerre civile, où l'on s'interroge avec le tact nécessaire sur la situation des coupables et des victimes, et sur la réalité historique de l'enchaînement évènementiel, jusqu'à la trame narrative elle-même, polyphonique et intergénérationnelle, qui reprend l'interrogation sur la réalité et la justice. le charme, l'envoûtement même, vraiment ressentis de façon remarquable en première partie de l'oeuvre s'en estompent peut-être un peu par la suite, le rôle quasi prophétique attribué alors à Athos alourdissant parfois l'ensemble. Difficile cependant, de ne pas avoir envie de reprendre le roman un jour pour se replonger dans l'atmosphère mythique du mont Chelnos, lieu symbolique s'il en est de l'histoire de la Grece moderne.
Commenter  J’apprécie          130
Un roman grec se déroulant essentiellement de 1943 à nos jours, depuis le terrible massacre de Kalavryta.
Athos le forestier qui hante les forêts depuis ce jour, depuis la mort de son fils, depuis qu'il a survécu alors que toute la population masculine a péri, Athos est-il réel, est il un génie de la forêt, dernier refuge des partisans, alors que la Grèce est déchirée, par la guerre contre les Allemands, puis par les combats fratricides? Récit à plusieurs voix, Athos le forestier refuse la violence, toute la violence, que celle ci se sente justifiée ou pas, et sème des chênes....
Un beau récit, qu'on peut lire sans difficulté même si comme quoi on ne connait rien du tout à l'histoire grecque moderne.
Commenter  J’apprécie          91
Les moments de grâce littéraire de cette ampleur ne sont pas légion. le premier roman de l'autrice grecque Maria STEFANOPOULOU est à la fois d'un grand enseignement et un pur ravissement. Vers 1931, Athos, un forestier, épouse Marianthi. Elle a 18 ans, lui un peu plus de 20. le 13 décembre 1943, leur vie bascule, il fait partie des victimes du massacre nazi de Kalavryta en Grèce, laissé pour mort. Seulement, à l'instar de douze autres hommes, il en réchappe, contrairement à son fils Giannos, 12 ans, exécuté. Depuis ce jour, il a abandonné sa famille et vit à l'écart du monde, dans la forêt, solitaire et mutique. Plus tard, sa petite-fille Lefki veut en savoir plus sur le massacre de Kalavryta, sur le déroulement du drame, sur les raisons qui ont fait que son grand-père a été épargné, lui qui « était au-dessus de tout ça, mais il se rangeait clairement du côté de la Résistance sans craindre les collaborateurs ni les anticommunistes ».

Pour être plus près de possibles informations sur ce massacre, Lefki, qui jusque là vivait aux Etats-Unis, est nommée médecin à Kalavryta au milieu des années 80. Mais déjà les souvenirs familiaux ont été nombreux dans ce roman polyphonique d'une rare grâce malgré le sujet brûlant. Comment Athos, pacifiste convaincu, s'est retrouvé à Kalavryta en 1943 ? Pourquoi son propre fils s'y trouvait-il aussi ? Dans cette tragédie, tout semble être histoire de représailles : des maquisards grecs auraient fait prisonniers puis exécuté 81 soldats allemands. Les nazis se seraient vengés en détruisant un village entier et en y exterminant la population. Marianthi, la femme d'Athos, déteste d'ailleurs ces maquisards, elle qui ne souhaitait que vivre tranquillement, heureuse, en paix. Quant à Athos, il paraît frappé d'amnésie, avoir oublié tout le passé.

Il aurait dû mourir ce jour-là, d'autres sont morts à sa place, l'injustice a frappé, ce démon qui pourrait le poursuivre ne semble pas l'effleurer. Pour survivre, pour s'échapper de lui-même, Athos s'est réfugié dans la montagne, « La civilisation est pire que l'état sauvage ». Dans son pays, la guerre a continué. La « mondiale » a fait place à la « civile » (1944-1949), sans un moment de répit. le peuple grec était divisé entre soutiens aux nazis, aide aux alliés, en particulier britanniques, et partisans communistes, les clans se haïssent, la violence engendre la violence. le parti communiste sera d'ailleurs interdit et entrera en clandestinité sitôt après la victoire des monarchistes durant des élections boycottées par la gauche en 1946.

« Athos le forestier » est un roman intense car jouant sur les cordes sensibles sans aucun pathos. Il raconte de manière défanatisée des événements atroces, une escalade de la violence dans un pays meurtri. Il prend pour témoin la filiation, l'héritage de la mémoire familiale pour convoquer la mémoire collective, il ne règle pas de comptes inutiles avec l'ennemi, il décrit, tout simplement. Mais surtout il possède ces refuges notoires qui sont la forêt, la montagne, la nature, ce monde dans lequel va vivre Athos, loin des humains, loin des souvenirs abominables. Sa famille à lui, ce seront les arbres, dont il prendra soin. Certaines pages sur la nature sont époustouflantes de beauté, d'autres sont plus oniriques, comme jaillies d'un conte.

L'équilibre entre récit historique et Nature writing est parfait et pour tout dire impressionnant de maîtrise. Deux sujets a priori antagonistes, qui ici se complètent sans se parasiter, une recette qui tient du miracle. Dans une Grèce divisée et exsangue, « Deux pays en un seul, désormais mutilé », les souvenirs hantent et font mal. Des enfants dont l'histoire personnelle s'est écrite bien avant leur naissance, à cause du traumatisme à long terme subi par leurs aïeuls.

« Athos le forestier » est de ces romans rares. Entre tragédie mondiale, drame familial et recherche de la résilience, il met en scène une nature majestueuse qui entre en contradiction avec les champs de bataille. Il aborde de nombreux sujets, devient philosophique, reste pacifiste. de plus, et ce n'est pas le propos le moins important du roman, il remet en question une existence précise… Sur ce point, je ne peux en dévoiler davantage, car il s'agit d'un des noeuds principaux de l'intrigue. Un roman éloquent, bouleversant, poignant sur l'Histoire de la Grèce contemporaine qui n'a jamais fini de souffrir. Il est un petit chef d'oeuvre à garder près de soi. Rédigé en 2015, il fut traduit en France par René BOUCHET (qui a repris la traduction de l'intégralité de l'oeuvre fictionnelle de Nikos KAZANTZAKI pour Cambourakis) en 2019. Il est un récit précieux, original, qui secoue tous les sens, jusqu'à cette couverture éblouissante. Paru dans la déjà prestigieuse Collection Grecque de chez Cambourakis, son format poche le rend financièrement très abordable. N'y voyez là aucun appel du pied, pourtant…

https://deslivresrances.blogspot.com/
Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          60
Décembre 1943 en Grèce, c'est l'escalade. L'armée allemande décime en représailles les hommes de la ville de Kalavryta. Athos, le forestier est laissé pour mort et disparaît dans la forêt. Marianthi, sa femme et Margarita, sa fille, accusent le choc de la mort du fils Giannos. Elles souffrent aussi de l'effacement de la figure paternelle. C'est Lefki la petite fille qui racontera les méfaits de la guerre et l'empreinte du patriarche sur quatre générations de femmes grâce à la formule d'un roman à plusieurs voix. Vous avez fait le plus dur de ce livre : se familiariser avec les noms grecs.
Le sujet abordé est difficile. La part accordée à la nature et la forêt donnent de l'oxygène au récit et modère la violence des hommes. On parle de deuil, de mémoire collective et individuelle, de traumatisme de guerre et de reconstruction. Cependant les femmes sont fortes dans la résilience et ne souffrent pas de l'aura charismatique du forestier qui plantera un arbre pour chaque homme tombé. C'est de la forêt qu' Athos apporte un soutien différent pendant la seconde guerre mondiale et la guerre civile qui divisera durablement la nation.
Ce livre m'a permis de mieux connaître la Grèce contemporaine. Est-il nécessaire et légitime de porter une arme pour résister ? de nombreux sujets sont abordés ici dont la transmission, l'enfance meurtrie, l'héritage psychique, la guerre, la résistance, les réfugiés. Entre ombre et lumière, Maria Stefanopoulou donne un nouveau mythe ambitieux à la Grèce et l'Europe grâce au personnage d''Athos. On aimerait aussi trouver refuge dans son épaisse forêt.
Commenter  J’apprécie          32

Lecteurs (76) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3211 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}