« Pour tromper le monde, je m'habille avec élégance chaque fois que je sors. J'allume mon sourire. Je maquille un peu ma tristesse puis je mets mes lunettes de soleil pour que personne ne remarque ton absence au fond de mes yeux. »
Ásta,
Jón Kalman Stefánsson @editionsfolio
Retrouver la plume incroyable de cet auteur islandais, incroyable de beauté, de profondeur, d'envoûtement, de merveilleux…
Jón Kalman Stefánsson! Un monde à part, riche, intense…
Il existe un ailleurs littéraire où l'on s'évade quand on lit cet auteur… un ailleurs où l'on se retrouve au pays des mots et des étoiles, du temps inconnu et du verbe défendu… car le temps suspend son vol quand on pénètre les pages d'un de ses romans et cela est presque aussi conséquent que le péché originel, la pomme interdite…
« Ia commissure de tes lèvres comme calquée sur des larmes
que faire après t'avoir vue
quand la tasse de café, le linge qui sèche sur la corde,
les horaires des tramways et les révolutions de la terre,
me rappellent seulement que tu
n'es pas là
que faire
si tout ce que je touche
se change en manque de toi
et où aller
où se réfugier
quand aucun chemin ne mène hors du monde? »
Ásta…
Et toute l'Islande chante à notre oreille, à notre coeur… un amour perdu, un amour retrouvé, un amour dévergondé, un amour désapprouvé, un amour désavoué,un amour désespéré… tant d'amour dans ses pages, tant d'histoires, d'étreintes, de rires… et de larmes versées…
« Parce que plus rien n'a de sens depuis ton départ. Les livres, les nuages, les chaussures, la tasse à café, les lignes de bus, la nuit, le lendemain... le lendemain, lui, il en a encore moins que tout le reste. Parce que tu n'es pas là. Je me suis levée, la seule chose qui me faisait envie, c'était d'entendre la voix de ma chère Nina. Jai écouté Since I Fell for You, Puisque je t'ai
succombé (you took my love, and now you're gone / tu as pris mon amour / puis tu es parti) au moins cinq fois de suite. Ce n'était sans doute pas une bonne idée. »
Mais n'allez pas croire que ce livre est un roman d'amour! Oh non! Il est bien plus profond que cela! Non, ce livre, c'est un roman de la vie, tout simplement!
L'amour, la vie, la mort! Et après?
« Et sache aussi que si la mort n'est pas la fin de tout, même morte, je t'aimerai encore. C'est intact que mon amour traversera la vie et la mort puis il rejoindra ces immensités dont nous ignorons la nature. »
Après, il reste la poésie… les larmes, la pluie, la vie… la poésie! L'amour, la douleur, l'espoir… la poésie! La mort, la nuit, l'oubli… la poésie!
« […] il y a cet univers secret. Toutes ces choses que nous omettons de dire, que nous taisons, que nous cachons, que nous refusons de reconnaître.
C'est là que résident toutes nos peurs. C'est aussi là que demeurent nos espoirs déçus, ou ce que nous n'avons pas eu le courage de conquérir. Ce monde, tu l'appelles poésie, et tu le prends pour de la pure invention. Mais que tu le veuilles ou non, cette maudite poésie est parfois la seule chose qui soit capable de cerner l'existence telle qu'elle est vraiment. »
Pourquoi j'aime la plume de cet écrivain? Parce qu'elle parle à l'âme, parce qu'elle est authentique et profonde, vaste comme un monde, emplie de beauté et de nature…
« Celui qui n'est jamais sorti en août sous la clarté de l'astre de la nuit quand les montagnes n'ont plus rien de terrestre, que la mer s'est changée en miroir d'argent et les touffes d'herbe en chiens endormis
- celui-là n'a jamais vraiment vécu et il faut qu'il y remédie. »
Parce qu'elle est riche de sagesse, d'images merveilleuses, mais aussi grinçante de cynisme…
« Je me souviens qu'une partie de moi s'est réjouie quand
Donald Trump a été élu président des États-Unis. Comme tout mon entourage, j'étais évidemment choqué de découvrir que les forces obscures et le visage triomphant de la bêtise occuperaient bientôt le fauteuil le plus important du monde. Mais parallèlement, je savais qu'avec un tel homme à ce poste, il me serait plus facile d'éviter de parler de moi. »
Résumer une telle richesse, un tel foisonnement merveilleux? C'est impossible! Et quand on y a goûté, on ne peut qu'y revenir sans cesse, boire à la source, tenter d'étancher une soif jamais désaltérée, s'émerveiller d'être subjugué comme au premier jour, s'abreuver de mots, de beauté, de vie…
« La mort est la nuit, la vie la lumière. Mais comment connaître la lumière si on n'a jamais vu l'obscurité?
Ásta est cet univers entre lumière et obscurité, beauté littéraire et amour déraisonné… c'est la vie qui se déroule en quelques pages, sous nos yeux, un instant suspendu d'éternité…
Un de mes romans préférés de l'auteur, tout simplement ❤️