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EAN : 9782072930324
320 pages
Gallimard (13/01/2022)
3.81/5   358 notes
Résumé :
Traduit de l’islandais par Éric Boury

"Le monde déborde de rêves qui jamais n'adviennent, ils s'évaporent et vont se poser telles des gouttes de rosée sur la voûte céleste et la nuit les change en étoiles."

Dans un petit village des fjords de l'Ouest, les étés sont courts. Les habitants se croisent au bureau de poste, à la coopérative agricole, lors des bals. Chacun participe à cette ronde de rêves et de désirs qui forment la vie. Mais ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (100) Voir plus Ajouter une critique
3,81

sur 358 notes
Je termine Lumière d'été, puis vient la nuit, de Jón Kalman Stefánsson, cette chronique villageoise qui aurait pu durer encore longtemps mais que j'ai trouvée un peu longue, par moments.
C'est un habitant de ce village islandais de quatre cents âmes qui raconte. L'auteur lui-même ? Sûrement. Ici, loin de Reykjavik, la capitale, il n'y a rien pour distinguer le village, même pas d'église ni de cimetière. Par contre, on y vit très vieux et les abattoirs, la laiterie, la Coopérative et l'Atelier de tricot sont très actifs.
Au cours de ma lecture, j'ai croisé beaucoup de personnages, me suis perdu un peu avec tous ces noms islandais auxquels je ne suis pas habitué. Alors, je me suis laissé bercer par ces histoires racontées en huit chapitres divisés en plusieurs mouvements. S'il y a un petit port avec quelques cinq cents habitants répartis dans les fermes alentour.
Ces hommes et ces femmes partagent une vie rude et le moindre événement attire attention et commérages comme Águsta, la postière si indiscrète sait bien lancer.
Tout comme avec le Directeur de l'Atelier de tricot devenu soudain passionné pour le latin et l'astronomie. On l'appelle alors l'Astronome et il se met même à donner régulièrement des conférences. Hélas, L Atelier qui fabriquait chaussettes, chandails, bonnets, moufles, gants, ferme subitement. Sur l'ensemble du personnel, cinq femmes ne retrouvent pas de travail et vont tenter de se venger.
Les femmes, justement, tiennent un rôle important. L'auteur sait les décrire de manière très sensuelle tout en étant parfois cruel pour certains détails physiques. Elles attisent les sens des hommes et cela peut déclencher des catastrophes, même si, ici, on sait tout remettre dans l'ordre afin que la vie continue tout de même.
L'auteur que j'avais déjà apprécié dans Ásta, ne se contente pas de conter ces destinées à la fois ordinaires et extraordinaires, il saupoudre très judicieusement des réflexions sur notre monde, sur nos modes de consommations, sur nos façons de vivre et de passer le temps.
Ce sont ces réflexions que j'ai le plus appréciées au fil de ma lecture regrettant parfois d'abandonner certains personnages alors que leur histoire ne semble pas terminée.
Qu'elles s'appellent Helga, Elísabet, Báva, Harpa, Sigriður, Asdís, Kristin ou encore Þuriður, leur sort est émouvant, leur recherche d'amour pas toujours récompensée.
De leur côté, les hommes, jeunes ou vieux, heureux ou pas en amour, se mettent souvent à boire mais Jonas se révèle peintre de talent, Davið est un bon violoniste alors que je croise Hannes, Finnur, Þorgrímur, Kjartan, Matthías, Jakob et Benedikt. Tous m'ont fait partager un peu de leur vie dans ce climat islandais si rude où les nuits d'hiver sont interminables mais où l'été fait surgir fleurs et fruits en abondance.
Quand, dans les locaux abandonnés de l'Atelier de tricot, Elísabet crée le Tekla, le premier restaurant jamais inauguré au village, les habitudes changent, la vie devient plus gaie. Mais celles que l'auteur nomme « les dix mains », veillent, remuent le maire, portent plainte. C'est l'occasion de voir débarquer Áki, un enquêteur dont l'aventure finit de façon bien savoureuse.
Lumière d'été, puis vient la nuit, sélectionné par le Prix des Lecteurs des 2 Rives 2021 est donc un livre foisonnant d'histoires différentes, d'histoires gaies ou tragiques, une bonne lecture pour s'imprégner d'un mode de vie bien différent du nôtre et pourtant relativement proche.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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L'histoire se déroule dans un petit village des fjords de l'ouest, un village sans église et sans cimetière où la proportion d'octogénaires est plus élevée que nulle part ailleurs en Islande, autre particularité du village.

En huit chapitres, c'est l'histoire des habitants à travers quelques-unes des figures des villageois qui nous est contée. Ces vies à la part parfois irréelle seront reliées entre elles par le narrateur.

Le premier portrait est celui du directeur de l'Atelier de tricot, dont la femme est si belle, qui roule en Range Rover et qui se met à rêver dans une langue qu'il ne connaît pas, le latin, lui dira le médecin. Ce rêve va métamorphoser sa vie… Il plaque tout et n'aura de cesse de scruter les étoiles. le directeur devient l'Astronome !

Il y a Jonas, ce jeune garçon timide et fragile, hypersensible, passionné par le monde des oiseaux, fils de Hannes, colosse et policier du village.

Il y a également Kjartan et David, le fils de l'Astronome, tous deux employés à l'Entrepôt qui vont avoir à faire aux fantômes…

Il ne faut pas oublier Ágústa, la postière extrêmement fouineuse qui n'hésite pas à ouvrir les lettres des villageois, devenant ainsi « le principal organe de presse du village » et d'autres encore.

Il ne faut pas croire que Jón Kalman Stefánsson s'est contenté de dresser une série de portraits. Ses personnages, il les fait évoluer, se métamorphoser, partir, revenir, rêver, fantasmer, au gré des saisons et des rudesses du climat. Il plonge véritablement dans le coeur de leurs âmes.

La force du roman tient au fait que le narrateur, en l'occurrence, l'auteur nous amène à réfléchir, tout au long de notre lecture à la difficulté de connaître son semblable, à se connaître soi-même, à la place que nous occupons sur terre et plus largement dans le cosmos, et sur le sens de la vie. Ne nous pose-t-il pas, par exemple, et ceci dès les premières pages, cette question : « Avez-vous jamais réfléchi au nombre de choses qui tiennent au hasard, toute la vie peut-être ? »

En cela Lumière d'été, puis vient la nuit est un vrai roman philosophique.
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Dans ce petit village d'Islande où les saisons se succèdent en ne se différenciant que par la longueur de jour laissée par la nuit, le quotidien est si morne que les plus petits détails font figure d'évènements et ne passent inaperçus de personne. Un rien suffit parfois à susciter la tempête, dans un tourbillon irrationnel de désirs, de ressentiments ou de craintes…


Tel le coryphée d'une tragédie grecque observant et commentant les actions aveugles des personnages, l'auteur se poste en témoin extérieur d'une série de saynètes, mettant en scène les menus incidents qui font figure de cataclysmes dans la vie monotone de villageois ordinaires. Toutes ces petites histoires gravitent autour de pulsions et de désirs plus ou moins licites et assouvis, de rancunes et de frustrations, de peurs irraisonnées toujours prêtes à surgir. Si elles emplissent la vie de leurs protagonistes, elles prennent une coloration bien dérisoire sous l'oeil critique et les commentaires caustiques de leur scrutateur.


Elles deviennent alors l'occasion de quelques réflexions critiques sur l'ineptie de nos existences contemporaines qui, choyées comme jamais par le confort et la facilité, n'en rendent pas les humains plus heureux. Prisonniers d'une immédiateté égoïste qui les isole les uns des autres, efface ceux qui les ont précédés et ne laissera rien aux générations futures, les hommes n'ont tiré aucune sagesse de leurs nouveaux savoirs. La science a remplacé croyances et spiritualité sans répondre à leurs questionnements fondamentaux et sans éradiquer leur peur du noir et de la mort. Les comportements les plus irrationnels ne demandent qu'à resurgir chez des êtres qui, par ailleurs, n'ont jamais mis le progrès à profit pour réfléchir et donner la priorité aux valeurs essentielles de la vie.


Aussi bien écrit et pétri d'humour qu'il soit, ce livre m'a profondément ennuyée. Les épisodes s'accumulent sans grand lien les uns entre les autres, et surtout sans vraiment illustrer un propos certes intéressant mais somme toute peu creusé. Leur succession m'a d'autant plus découragée, qu'en plus de ne s'y passer pas grand-chose, leur narration froide et distanciée m'a interdit toute émotion et tout attachement aux personnages. Surnage chez moi une impression persistante d'absurde non-sens, sans doute recherchée par l'auteur, mais qui m'a plus durablement assommée qu'intéressée.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Introduire le village sur lequel l'auteur s'apprête à parler au long de trois cents pages presque en s'excusant, le présenter comme étant plutôt banal, sans aucune extravagance si ce n'est l'absence de cimetière ou d'église, si ce n'est peut-être aussi les quelques centenaires rigolards ou la recrudescence d'octogénaires qui le composent, il fallait oser. On pourra toujours y déceler une marque de confiance en soi, une assurance tout risque dans son propre talent de conteur. Toujours est-il, introduction par défaut d'intérêt réel ou simple ruse narrative, l'accroche est bel et bien là, originale et culottée. Jon Kalman Stefansson nous la joue à l'envers et ça fonctionne déjà, on a envie de savoir, et surtout de faire connaissance avec la population du village. le faisceau narratif qu'il dirige alors sur huit habitants pour autant de chapitres se révèlera à la fois caustique et pittoresque, lyrique et poétique.
Il y a le directeur de l'Atelier de tricot qui subitement se met à rêver en latin, il ne lui en faudra pas plus pour poursuivre sa destinée vers la maîtrise de l'idiome et tout plaquer pour scruter les étoiles.
Il y a Jonas le frêle adolescent rougissant au moindre frémissement féminin, hypersensible connecté au monde des oiseaux.
Il y a David fils de l'Astronome, en proie à la vie des fantômes au sein de l'Entrepôt.
Il y a aussi Kjartan son collègue à l'Entrepôt, réfractaire aux idées sur l'au-delà, plus ancré dans la terre et l'appel de sa chair.
Et il y a tous les autres, que le focus soit porté sur eux ou pas. Car le lecteur ne tient pas entre les mains un chapelet de destinées égrenées sur le tempo régulier d'un recueil de nouvelles, ça serait sans compter sur la maîtrise constructive de l'auteur. Celui-ci déroule au contraire une prose inspirée et libre sans paraître digressive, encline à suivre le fil d'une anecdote, d'une rencontre ou d'un événement pour façonner peu à peu une galerie de personnages et tisser l'écheveau d'une communauté de quatre cents âmes.
L'être humain reste ainsi placé au centre, comme toujours avec cet auteur. Non seulement de son village mais aussi d'un univers incommensurable parsemé d'astres, de présences spectrales ou de trous noirs, où le cosmos et l'au-delà ne manquent pas de le remettre à sa juste place métaphysique, en quête d'un sens qui lui échappe, « […] c'est la quête qui nous enseigne les mots pour décrire le scintillement des étoiles, le silence des poissons, les sourires et les tristesses, les apocalypses et la lumière d'été. » L'humain paraît à la fois grand ou envahissant, on ne parle que de lui et de ses tracasseries quotidiennes, son caractère et sa vie, mais il est aussi infinitésimal, replacé dans le contexte abyssal de l'univers et du mystère de la vie. Une question de point de vue. Il ressort aussi de ce roman une teinte de dérision et d'ironie, le rire rivalisant parfois avec le lyrisme, « […] un rire sincère est un étrange mélange de volupté et d'oubli de soi, nous nous désagrégeons en lui, nous tourbillonnons en surplomb du personnage que nous incarnons au quotidien, il fait de nous des êtres humains. »
Écrit en 2005 et publié maintenant en France, il m'a semblé plus mordant que ses précédents traduits en français. En tout les cas reconnaissable, les aficionados ne manqueront pas de replonger avec délice dans le style singulier de cet auteur, envoutant et aérien, en relation étroite avec le travail remarquable de son passeur, Eric Boury.
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Merci à Babelio et aux éditions Gallimard pour l'envoi de ce livre dans le cadre de la masse critique.

Cette oeuvre nordique porte bien son titre, mais la lumière d'été m'a paru très brève en tant que lecteur, vite perdu dans la nuit. En effet, cette chronique villageoise irlandaise m'a semblé plutôt confuse, avec des personnages suscitant peu d'empathie. Les femmes s'occupent surtout de combler les désirs sexuels des hommes ce qui ne va pas sans conflits car cela ne se passe pas forcément dans les lits conjugaux.

Elles sont quand même les pièces maîtresses de ce roman, de cet ensemble de nouvelles plutôt qui se télescopent puisqu'on retrouve la plupart du temps les mêmes personnages qui tournent autour de deux obsessions : le sexe et la mort, souvent dans un monde onirique où j'ai eu du mal pénétrer.

On a quand même quelques réflexions métaphysiques intéressantes et de rares descriptions de l'univers naturel islandais où évoluent tous ces personnages bien prisonniers de leurs destinées. Même ceux qui ont fui le village de l'ennui finissent par y revenir, on ne sait trop pourquoi.

On apprend quand même à la dernière page que les chiens vieillissent plus vite que les hommes. "Et ensuite?"

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critiques presse (4)
Actualitte
21 octobre 2020
Ce roman envoûtant qui vous happe doucement et ne vous lâche plus fait partie de la première sélection du Médicis étranger.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LaCroix
12 octobre 2020
Enchevêtrer l’humour et une beauté déchirante est l’un des talents de Jón Kalman Stefánsson. Lumière d’été, puis vient la nuit, paru en 2005, est une merveille dont on ne comprend guère pourquoi elle a mis tant de temps à nous parvenir en français, dans la belle traduction d’Éric Boury.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LesInrocks
18 août 2020
Après Asta, l'Islandais creuse un peu plus le sillon de son indéfectible mélancolie avec Lumière d'été, puis vient la nuit.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Liberation
27 juillet 2020
Le roman de Jón Kalman Stefánsson semble d’abord une simple chronique villageoise, puis il entre dans les familles, débusque des comédies et des drames, nous surprend, nous fend le cœur.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (189) Voir plus Ajouter une citation
Jadis, les gens redoutaient plus que tout la faim, le froid et la pauvreté, ils rêvaient d'une vie plus aisée, moins laborieuse, une vie au sec et au chaud où ils auraient du temps pour eux alors qu'ils se tuaient au travail, vivaient dans les maisons sombres et souvent très humides. Il fallait aller loin pour consulter le médecin, et plus encore pour pouvoir étudier, on mourait prématurément après avoir connu quelques rares moments de plaisir, la vie n'était qu'une suite de privations. Vous savez comment ça se passe aujourd'hui, nous avons tout ce dont rêvaient nos ancêtres, nous vivons beaucoup plus longtemps, nous sommes en meilleure santé, nous ne connaissons pas la faim, nous ne la ressentons que lorsque nous faisons un régime ou quand nous restons bloqués un peu trop longtemps dans un interminable bouchon, nous nous soucions de notre ligne, nous subissons des interventions de chirurgie mammaire, nous combattons la calvitie, nous rêvons de dents parfaitement alignées et nous aimerions connaître un plus grand nombre de recettes de cuisine, beaucoup d'entre nous travaillent trop et chez les hommes, la taille du membre est proportionnelle au temps passé au boulot. Nous nageons dans l'opulence, pourtant, nous ne sommes pas heureux, à quoi allons-nous occuper toutes ces journées, cette vie, c'est un véritable casse-tête, pourquoi donc vivons-nous ? Cela dit, la plage de notre village est belle, elle forme un arc de cercle, mesure à peine un kilomètre, c'est apaisant de rester là à regarder une chose plus vaste que nous. La mer est éternelle, lit-on quelque part, c'est hélas n'importe quoi, tout change, le soleil mourra, les mers s'assécheront, les grands hommes sombreront dans l'oubli, mais comparée à la vie d'un être humain, la mer est en effet éternelle. D'ailleurs, il y a trente ans, nous étions persuadés que l'Union soviétique et l'Alliance, la mère de toutes les coopératives, étaient éternelles. (...) C'est incroyable comme tout finit par changer, le Rideau de fer, la télévision noir et blanc, les machines à écrire, quand cela s'arrêtera-t-il, vous n'avez pas besoin de répondre, nous ne faisons que penser à voix haute parce que, aujourd'hui, tout se transforme si vite qu'il suffit de cligner les yeux pour perdre le contact avec le monde. Ce n'est toutefois que lorsque l'Alliance s'est effondrée que nous avons mesuré l'ampleur de la puissance gigantesque de la Coopérative. L'Alliance était aussi vermoulue de l'intérieur que le sont aujourd'hui les États-Unis, le vent qui souffle avec insistance de l'ouest répand d'ailleurs sur l'océan une forte odeur de moisi. On ne perçoit le poids des chaînes que lorsqu'elles se brisent.

(p. 48-50)
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Car il se trouve encore des gens qui s’attellent à écrire des lettres. Nous entendons par là à l’ancienne mode, ils couchent les mots sur le papier, ou les écrivent sur le clavier de leur ordinateur puis les impriment, glissent la feuille dans une enveloppe qu’ils portent au bureau de poste, et que le destinataire reçoit au mieux le lendemain, mais bien souvent beaucoup plus tard. N’est-ce pas là s’accrocher à un monde disparu, une forme de passéisme, une tentative de rallumer des braises depuis longtemps éteintes ? Nous sommes habitués à la vitesse, on écrit les mots sur le clavier, on presse une touche et leur destinataire les reçoit aussitôt. C’est ce que nous nommons réactivité. Dans ce cas, pourquoi prendre la peine d’expédier une lettre par voie postale, une telle lenteur met notre patience à rude épreuve – autrement dit : pourquoi aller quelque part en charrette à cheval alors qu’on dispose d’un bolide ? Les mots stockés dans les ordinateurs sont condamnés à sombrer dans le néant, claquemurés dans des logiciels obsolètes, définitivement perdus quand la machine plante, nos pensées et nos réactions disparaissent. D’ici à un siècle, et plus encore dans un millénaire, personne ne saura que nous avons existé. Naturellement, nous ne devrions pas nous en alarmer, nous vivons ici et maintenant, mais un jour, nous tombons sur d’anciennes lettres qui remuent au fond de nous un je-ne-sais-quoi, nous avons l’impression de retrouver un fil attaché à notre personne, et qui plonge dans le passé, alors, nous pensons, voilà le lien qui unit les siècles :
"Londres, le 28 mai 1759,
reviens vite de cette guerre imbécile, rentre tout de suite à la maison pour mordiller mes seins. Je ne suis rien, je suis perdue en ton absence".
Les messages que nous échangeons par ordinateur auront disparu d’ici à quelques années et la pensée, le sentiment que nous sommes en train de rompre le lien nous obsède, ce fil qui part de notre personne plonge désormais dans le néant, nous créons un vide qui jamais ne se comblera. Nous tenons avant tout à faire preuve de loyauté envers notre temps plutôt qu’envers un hypothétique futur, et malgré tout, nous sommes rongés par la mauvaise conscience autant que si nous commettions un crime, d’ailleurs, nous sommes très doués pour engranger toutes sortes de culpabilités. Nous nous sentons coupables de ne pas lire assez, de ne pas parler suffisamment avec nos amis, de consacrer trop peu de temps à nos enfants ou à nos anciens. Nous optons pour le mouvement perpétuel plutôt que de nous installer confortablement pour écouter la pluie, boire un café, caresser une poitrine. Et jamais nous n’écrivons de lettres.
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Kjartan était très apprécié, il ressemblait à sa mère, il était doux et doté d’un humour un peu rugueux. Personne n’était aussi doué pour installer une belle clôture et il élevait les plus beaux taureaux de la région, des paysans venaient de loin pour les lui emprunter, ou bien ils faisaient monter leur vache sur une remorque, se rendaient chez lui, la mettaient sous le reproducteur âgé de trois ans, hop hop hop, commentait-il de sa voix caverneuse et le taureau en avait fini en cinq secondes, son membre ressemblait à une carotte surdimensionnée. Mais ne nous attardons pas trop sur la vie sexuelle des bovins, plutôt monotone, le taureau fait un, deux, trois petits tours, puis ça mousse, on a l’impression que se yeux vont sortir de leurs orbites, puis tout est fini, il repart tranquillement brouter l’herbe, la vache retourne chez elle, tout ça est d’une simplicité désarmante, ce qui n’est pas vraiment le cas chez les humains, hélas, trois fois hélas, à moins qu’il ne faille dire Dieu soit loué, il n’empêche que la femme de Kjartan s'appelle Asdis et qu’ils ont trois enfants.
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Certains affirment cependant que toute existence est en premier lieu mentale, ce qui signifie que ce que vous avez dans la tête existe fatalement. Si nous creusons un peu cette idée, elle implique que toutes les créations qui sont engendrées ici font partie intégrante du réel, a-t-il expliqué en se frappant la tête de son index. Les revenants et fantômes sont peut-être seulement la manifestation d’une tournure d’esprit, et cet état mental fait lui-même partie de la réalité, et la réciproque est également vraie.
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C’est dans le silence que se conserve l’or ; celui qui se tait, plongé dans une parfaite solitude, découvre tant de choses, le silence s’infiltre dans les chairs, apaise le cœur, calme l’angoisse et emplit la pièce où vous êtes, il résonne dans votre maison tandis qu’au dehors, le présent se déchaîne, c’est un sprinter, une Formule 1, un chien qui court derrière sa queue sans jamais l’attraper. Hélas, le silence fuit les foules, il ne survit pas longtemps au sein des multitudes et ne tarde pas à s’éclipser.
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