Jonas peut-il nous procurer autre chose que du plaisir ? Du plaisir à cause de son humour - qui ne surabonde pas dans la Bible hébraïque -, de sa finesse psychologique, de la richesse de sa "fabuleuse" brièveté (une étude monographique des premières interprétations médiévales de Jonas couvre deux forts volumes). Il s'agit moins de prophétie à proprement parler, que de légende d'un prophète. Dans cette légende, on retrouve les éléments d'un Midrach, d'un commentaire de textes bibliques antérieurs tirés de l'Exode, des Nombres et d'Ezéchiel. Les questions abordées sont des plus graves : la miséricorde doit-elle triompher de la justice ? Dieu, en un sens, peut-il se repentir d'une décision antérieure, donc éternelle ? Son ordonnance de rétribution et de pardon peut-elle s'étendre, au-delà d'Israël, jusqu'à Ninive ? Mais, d'un ton railleur et sans détours, un maître de la narration et du dialogue pose ces énigmes théologiques, juridiques et éthiques dans un cadre où alternent terreur et ironie joyeuse.
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