Comparé à un tableau anonyme dépourvu de tout état civil, un manuscrit même sans colophon, armoiries ou devises fournit à l'historien des renseignements beaucoup plus nombreux. Non seulement, comme dans le cas du tableau, on peut examiner au laboratoire son support, la structure de sa matière picturale, les hésitations ou les corrections du peintre; situer la composition et les motifs du sujet représenté dans une tradition ou une famille iconographique (tant religieuse que profane); rapprocher l'écriture du texte et le style de la scène historiée et des bordures de ceux d'autres enluminures. Mais un manuscrit offre une mine de renseignements supplémentaires par son texte.
Ce volume traite de la période de 1444 à 1500 environ et la vie de la capitale peut alors paraître tranquille comme un lac où se serait écoulée la turbulente cascade des malheurs de la guerre de Cent Ans, de la grande peste, de sanglantes émeutes, de la secrète tension sous l'occupation anglaise. C'est seulement pendant deux ans, en 1465-1466, que l'inquiétude allait troubler les bourgeois parisiens qui gardaient pour Louis XI l'enceinte de la ville et observaient les troupes de la Ligue du Bien Public. Il y aura, bien sûr, à la fin du siècle, des épidémies (1482-87, 1495-96,1499-1500) mais c'était, dans ces temps, un avatar endémique et accepté comme tel. La vie a changé et les conditions de la production artistique qui en dépendent viscéralement ne pouvaient demeurer inchangées.