Plusieurs symboles lui permettront d'exprimer l'invisible, de rendre ce qui est au-dessus du domaine de l'art. Une main sortant des nuages en faisant le geste de bénédiction, les trois premiers doigts levés, les deux autres repliés, et entourée d'un nimbe crucifère, sera le signe de l'intervention divine, l'emblème de la Providence. De petites figures d'enfants nus, sans sexe, rangées côte à cote dans les plis du manteau d'Abraham, signifieront
la vie future, l'éternel repos.
Il y a aussi, pour figurer les objets du monde visible, des signes, que l'artiste apprendra. Plusieurs lignes concentriques, sinueuses et dentelées, représenteront le ciel; des lignes parallèles représenteront l'eau, les fleuves, la mer. Un arbre, c'est-à-dire une lige surmontée de deux ou trois feuilles, indiquera qu'une scène se passe sur la terre. Vue tour percée d'une porte sera une ville; si un ange veille entre les créneaux, ce sera la Jérusalem céleste.
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Les peintres italiens qui étaient venus à Paris au temps de Philippe le Bel reparurent à Avignon au temps de Benoit XII et de Clément VL Les papes étaient de bons connaisseurs : ils demandaient leurs architectes à la France, leurs peintres à l'Italie. Benoît XII eût voulu avoir le grand Giotto, mais Giotto mourut en 1337, au moment où il allait entreprendre le voyage. Le pape, fort bien renseigné sur le mérite des maîtres italiens, appela alors Simone di Martino de Sienne. Il reste bien peu de chose, à Avignon, de l'oeuvre de ce charmant peintre-poète, mais son art exquis dut séduire plus d’un artiste français. On imitait encore chez nous, à la fin du XIVe siècle, son fameux retable de la Passion, dont les musées du Louvre, d Anvers et de Berlin se partagent les débris.
Parmi les miniaturistes parisiens du commencement du XIVe siècle, il n'en est pas de plus célèbre aujourd’hui que Jean Pucelle. Pendant ces vingt dernières années, les érudits lui ont rendu son oeuvre. C’est une oeuvre charmante, un peu grêle, mais élégante et raffinée. A première vue, rien ne semble plus purement français que les fines miniatures de Pucelle; son iconographie paraît toute traditionnelle. Pourtant, en analysant ses compositions, on est obligé de reconnaître qu’il a eu parfois des modèles italiens sous les yeux.
Le livre de Beatus ne resta pas enfermé dans les monastères de l’Espagne du Nord, il fut connu de l’autre côté des Pyrénées. L’Apocalypse de l’abbaye de Saint-Sever a été enluminée en Gascogne, d’après un modèle espagnol, sous l’abbé Grégoire, c’est-à-dire entre 1028 et 1072. C'est un des plus magnifiques manuscrits de la série, et le miniaturiste, tout copiste qu’il fût, y a fait preuve du plus rare talent : ses beaux anges, serrés dans leurs tuniques, ressemblent presque aux dessins des vases grecs.
La sculpture monumentale, oubliée depuis des siècles, a reparu un peu avant 1100 dans le Midi de la France. Cette résurrection est un des phénomènes les plus curieux de l'histoire : l’humanité retrouve un secret perdu et reprend sa marche.
Comment se fait-il que cet art merveilleux de la sculpture ait pu disparaître pendant plus de cinq cents ans ? On s’est longtemps mépris sur la vraie cause de ce fait étrange, mais on l’aperçoit aujourd'hui.
Les sculptures de Moissac forment un des ensembles les plus anciens qu'il y ait en France. Suivant toutes les vraisemblances, elles furent terminées avant la lin du premier quart du XIIe siècle. C est là que nous pouvons étudier l'art plastique à ses débuts. Or, ces bas-reliefs offrent avec les miniatures de certains manuscrits méridionaux des ressemblances frappantes.
Les Jugements Derniers sculptés aux portails de nos cathédrales remuèrent donc plus profondément les âmes que nous ne pouvons nous le figurer. De telles scène ne furent pas regardées sans anxiété.
« Au Moyen âge ,toute forme est le vêtement d’une pensée »