Le brownie entrait dans la même catégorie que la voiture de poupée toute tordue mais pas complètement cassée, le petit moteur électrique auquel il manquait un balai, la girafe ayant un urgent besoin d'une paire d'oreilles neuves. Et c'est ainsi qu'il tissa sa trame incertaine dans la tapisserie des jours, en équilibre instable sur la limite qui séparait le monde des jouets de la boîte à ordures.
(Théodore Sturgeon - "Tandy et le brownie")
Le genre que l’on dit humain a besoin de tueurs, parce que c’est le moyen le plus simple de régler un problème, ou de refuser de le régler —les deux notions signifiant presque systématiquement la même chose. Partout, on entretient le chaos au bénéfice d’un pouvoir inutile et incompétent. L’ordre est une illusion qui rassure les honnêtes gens ; il n’existe pas. L’unique réalité qui vaille, ce sont les jalons posés pour dégager un chemin, de préférence le sien, au mépris de tous les autres. Pourquoi ? Parce que la vie reste la plus forte. La vie et son pendant ultime, admirable : la mort, la seule loi universelle qui arrive à soumettre toute cette absurdité.
Brumes fantômes de Thierry Di Rollo
Voilà d’où proviennent les miracles de Sturgeon : de sa capacité à considérer le monde ordinaire et à le voir d’un autre point de vue, de le renverser et le rendre fascinant sans en retirer sa réalité palpable. Ces miracles viennent de l’empathie qu’il ressent pour tous ces gens qui voient les choses différemment et de son talent à augmenter l’empathie du lecteur jusqu’à des degrés étonnant, jusqu’à ce que nous soyons forcé de tomber d’accord avec le dramaturge romain Terence : « Je suis humain et rien de ce qui est humain ne m’est étranger. »
Theodore Sturgeon, conteur, par Paul Williams