Je ne sais plus à la suite de quelle lecture, j'en suis venue à emprunter ce roman à la médiathèque. Je pense que cela restera un grand mystère. Et si au début, j'ai ressenti un certain malaise voire même une sorte de détestation, j'ai apprécié le tumulte de mes émotions. Alors, je me suis rendue compte que le roman, lorsque le personnage central a une épaisseur psychologique et que la forme, ici le monologue, s'exerce avec qualité, me plonge dans un univers où la réalité disparait. Bien sûr, il y a quelques longueurs et je me suis perdue souvent entre les différents temps des souvenirs et du présent. le lecteur évolue dans l'univers intimiste d'Eszter, une jeune femme dont l'enfance a été douloureuse. Elle a connu la souffrance affective, la faim. Ses parents et Eszter ont vécu dans la misère. Sa mère a épousé un homme simple qui malgré son titre d'avocat, n'a jamais plaidé. Il a préféré le jardinage et l'érudition. Pour gagner quelques sous, la mère proposait des cours de piano. La mère était issue d'une famille aisée. Mais cette mésalliance l'a condamnée à une vie de pauvreté, abandonnée par ses proches.
Eszter raconte Les lieux qu'elle a fréquenté, la déchéance de ses parents qui ont déménagé et à chaque fois pour un taudis plus pitoyable. le roman se déroule en 1954 avec des déplacements dans divers passés de l'héroïne. Beaucoup de passages du texte sont féroces et crus. Elle déteste et en même temps elle aime. "Je ne sais que mentir ou me taire."
"Mère aimait passionnément la musique." Eszter aurait voulu être proche de ses parents mais ils vivaient dans un monde à part. Pour grandir, elle se réfugie donc dans les études où elle excelle grâce à sa mémoire. D'ailleurs, pour gagner un peu d'argent, elle dispense des cours de mathématique, de philosophie.
C'est un roman sur la mémoire, les instincts humains. Eszter aime les animaux, elle méprise les humains. le titre du roman
le Faon fait référence à Angela, une compagne d'école. Dès le premier jour, Eszter l'a détestée. Elle était une enfant aimée, protégée. Tout ce qu'Eszter n'avait pas.
le faon avait été recueilli par la famille d'Angela après le massacre de sa mère.
le faon est le lien entre les deux jeunes filles jusqu'à ce qu'Eszter lui rende sa liberté pour un destin tragique. Eszter a une meilleure amie, Gizi dont elle perd la trace après le féminicide de sa mère. Puis, c'est Angela et sa famille qui disparaissent après la fuite du frère aîné de cette dernière dont les opinions politiques sont condamnés. Ce frère sera reconnu martyre après la défaite de l'Allemagne et l'occupation de la Hongrie par les soviétiques. Après la Seconde Guerre mondiale, la Hongrie sera sous influence soviétique.
En 1954, Eszter a réussi. Elle est une comédienne reconnue. Elle vit seule, dans une belle maison, avec une domestique très pieuse. Ce monologue est une sorte de réponse à l'homme qu'elle aime. Elle l'aime et le déteste à la fois car il est marié avec Angela qu'elle hait. "Angela n'était qu'un reflet, une chaîne à ton cou."
Eszter est une femme forte, vivante mais blessée. J'ai aimé ce personnage sans concession, entière.