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Critique de enjie77


C'est avec beaucoup de recul, lié à mon appréhension, que j'ai démarré ce témoignage exceptionnel de Wladyslaw Szpilman. J'avais vu deux fois le film, apprécié l'inoubliable prestation d'Adrien Brody et pleuré en écoutant Janusz Olejniczak (doublure d'Adrien Brody) interprété Chopin au piano. Il m'apparaissait essentiel de revenir à la source : le récit incroyable de Wladyslaw Szpilman.

Ce récit bouleversant, aux accents tellement intenses du vécu, nous plonge directement dans Varsovie en 1939. le récit est écrit simplement, avec sobriété, c'est ce qui en fait toute sa force. Il nous immerge totalement dans la ville de Varsovie, on s'identifie d'emblée à ce jeune pianiste et aucune leçon d'histoire ne peut se substituer à ses mémoires.

Wladyslaw, jeune pianiste juif polonais à Radio Pologne, vit tranquillement avec ses parents, son frère et ses deux soeurs. L'arrivée des Allemands va précipiter cette famille en enfer. Les portes du ghetto vont bientôt se refermer sur eux. Comme tous les 400 000 juifs de Varsovie et d'autres venus des villes et des campagnes voisines. Ils vont devoir porter le brassard blanc avec une étoile de David bleue, leurs biens sont confisqués, les hommes sont affectés au travail forcé. Petit à petit, la population du ghetto subit les privations, les humiliations, la faim, le froid, les maladies infectieuses, les violences, les exécutions sommaires jusqu'au jour de la déportation où ils sont rassemblés sur la Umschlagplatz à destination de Treblinka.

Et c'est de ce quotidien que témoigne Wladyslaw Szpilman. C'est une lecture éprouvante qu'il faut tenter de mettre à distance tant l'innommable dans le ghetto est omniprésent.

J'avais déjà lu « Les dépossédés » de Steve Sem-Sandberg sur le ghetto de Lodz. Ce livre avait obtenu en Suède le prix August-Strindberg. Pour écrire ce roman, l'auteur s'était inspiré des archives de Lodz. Je l'avais lu en tension permanente devant l'horreur qui défilait sous mes yeux. Mais ce « Pianiste » est précieux ! L'écriture, bien que distanciée pour éloigner la douleur, possède cette grande qualité d'authenticité qui porte en elle l'espoir « du plus jamais cela » ! Mais l'être humain est très inventif quant au renouvellement de l'Histoire, il est même interchangeable !

Wladyslaw possède une capacité de résilience hors du commun tant psychologiquement que physiquement. Il sera surnommé le Robinson Crusoé de Varsovie. Face à toutes ces atrocités, les tortures morales, la déportation de ses parents, le sentiment de culpabilité de ne pas les accompagner, la faim, la soif, le froid, la chaleur caniculaire, la peur, l'insécurité que l'on ressent tout au long de la lecture, la révolte du ghetto, il lutte pour sa survie ! Et tout cela pendant cinq ans, sa résistance sera mise à rude épreuve ! Paradoxalement, dans cet environnement hostile, il craint pour ses mains. Affecté à un travail manuel épuisant dans le froid, affamé, harcelé, violenté, le pianiste pense à ses mains. Ce qui sous tend qu'au fond de lui, il y a cette petite flamme intérieure qui le porte, une lueur d'espoir de rejouer un jour du piano, une force vitale qui surmonte tout ! A moins qu'il ne pressente la protection de l'Univers qui lui assigne de vivre pour témoigner comme le révèle cette chaîne de solidarité qui se crée autour de lui et parfois venant de personnes inattendues.

« Au début de son épopée, Wladyslaw Szpilman est sauvé par un des membres de la police juive du ghetto, tant haïe par ses habitants ; à la fin, c'est un officier allemand qui découvre le pianiste moribond dans les ruines désertées de Varsovie, et qui non seulement l'épargne mais lui apporte de la nourriture, un édredon et un manteau dans sa cachette. » page 256.

En 1946, Spilzman publie son récit qui est censuré par le régime communiste. C'est cinquante ans après que cette autobiographie sortira de l'oubli grâce à son fils, Andrej Spilzman ainsi qu'à Roman Polanski : poignant mais indispensable témoignage que je recommande.

J'ai aussi une pensée pour cet officier Allemand, Wilm Hosenfeld, qui malgré les recherches et toute la bonne volonté de Spilzman, décèdera en 1952 dans les prisons de l'Union Soviétique, à Stalingrad, à force de torture. Il est reconnu « Juste parmi les Nations » en 2009 pour avoir sauvé plusieurs personnes.

Dans le livre de François Cheng, « le dit de Tianyi » une petite phrase a retenu mon attention « le mal se cacherait-il dans la beauté » et ici je dirais « La beauté se cacherait-elle dans le mal ».


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