Je voudrais, un instant, oublier que nous sommes voués à la perte pour croire que la vie peut encore se déployer devant nous comme un paysage ouvert sur l'infini.
Je n'ai pas assez la foi pour faire vivre ce qui n'existe plus.
Comment peut-on être vaniteux au point de penser savoir ce qui est bon pour l'autre et ce qui ne l'est pas ? Au nom de quel désir de possession ?
Comment attendre sans espérer ?
Je pense soudain à une parole de Geneviève, une nuit de bonheur. Clara n'était pas née. Nous étions au bord de la mer. Naples, peut-être, ou Portofino. Certainement un de ses lieux italiens qui faisaient notre ravissement. Nous avions passé une journée merveilleuse. Le soir, en s'endormant, dans un souffle Geneviève avait murmuré:
-Crois-tu qu'il existe des gens qui ne connaissent pas la joie? Qui passent une vie entière sans la rencontrer?
Je n'avais rien répondu. Elle s'était depuis longtemps endormie que je veillais encore, les yeux grands ouverts, bêtement stupéfait de comprendre, grâce à Geneviève, que les instants que nous vivions étaient des instants de bonheur, de joie, oui, il fallait oser prononcer le mot et elle l'avait fait, et grâce à elle j'en prenais conscience et cette découverte m'y faisait pleinement accéder, me la rendant réelle. Nous étions dans la joie et nous le savions. Qu'aurions-nous pu désirer de plus?
A son souvenir en moi, blanc et douloureux et étincelant comme la neige.
la valeur d'une vie tient aux choix que l'on fait
Quand bien même on s'est efforcé du contraire: le passé vit en nous. Masse informe tapie au plus profond de soi, qu'on pourrait croire endormie mais qui veille..
Voilà peut-être ce qu’il faudrait accepter : on ne fait que passer. Et quand bien même l’amour, le combat, la souffrance à en devenir fou… De tout ça un jour il ne reste rien.
On est aussi vulnérable, aussi éphémère que les autres. Notre vie n'a pas davantage de valeur.