L'art initiatique roman

Nous ne pouvons plus lire spontanément l'enseignement illustré par les chapiteaux et sculptures de l'art roman parce que plusieurs générations de mauvais clercs nous ont persuadés que la candeur et l'ingénuité médiévales étaient de l'ignorance.
Ces siècles lointains que quelques-uns n'hésitèrent pas à qualifier de "nuit médiévale" tandis que notre civilisation s'enfonçait dans un matérialisme furieux, furent en réalité une des époques des plus riches et des plus fécondes qu'ait connue notre histoire.
Miraculeusement, subsistent en Bourgogne de nombreux témoignages de ce temps où l'art s'associait étroitement à la foi, où l'on ne distinguait pas le geste du sculpteur des mains se joignant pour la prière.

... le texte de Jacques de Voragine se termine en rappelant que tout en étant, individuellement un temple, chaque chrétien est un élément, une pierre (polie ou pierre carrée) appartenant à l'édifice de Dieu.
Inversement, chaque chapiteau ou élément de l'édifice est donc naturellement une partie de l'homme, ou un moment (expérience) particulier de son existence. C'est ainsi que l'autel est le coeur, la partie Est la tête, la partie Ouest les pieds, la crypte, les origines où l'on pourra se reconnaître à une époque ou une autre. Ce sera là un lieu ou un temps de méditation.
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Temple de Dieu, l'église est nécessairement le Temple de l'Homme puisque dans sa démarche verticale, l'homme manifeste l'activité cosmique et divine. Il en est sa représentation (son image) sur la Terre.

Des courants d'énergie, soit naturels tels que ceux des rivières souterraines, soit aménagés par l'orientation et l'architecture (cryptes, ogives, fondations), concourent à l'harmonisation physique, psychique et spirituelle des visiteurs, afin qu'ils acquièrent un état de quiétude suffisant pour recevoir l'enseignement sacré. Il s'agit d'un ensemble de techniques alliant la connaissance spirituelle aux forces naturelles (telluriques) maîtrisées représentées dans le bestiaire symbolique par les dragons, les vouivres et autres salamandres ailées ou couronnées. C'est cet enseignement que nous transmet, de siècle en siècle, la Tradition.

C'est là le miracle que génèrent les images symboliques : mettre l'individu en harmonie sur les trois plans qui organisent le monde, dont il est lui-même une image. C'est à dire lui faire vivre les trois niveaux de compréhension que comporte tout symbole. Quelle que soit l'image considérée, il s'agit toujours du plan physique, du plan mental et du plan divin.
On peut traduire ces notions par des termes plus profanes tels que "l'émotion esthétique, la recherche intellectuelle et la quête spirituelle", bien que le sens profond et la démarche restent parfaitement similaires.

La consécration rituelle de l'autel est faite pour qu'il devienne le lieu collectif commémorant le sacrifice divin. Au plan individuel, il appartient à chacun de comprendre qu'il s'agit d'un passage exigeant une attitude correspondant aux actes que nous venons rapidement de décrire. Le fidèle, ou celui qui a entrepris le parcours, doit devenir lui-même l'officiant et l'autel, le sacrificateur et la victime. Il doit apprendre à mourir pour renaître, comme l'avait préfiguré le baptême rituel au début de son chemin.