Si mille citoyens décidaient de ne pas payer leurs impôts cette année, ils ne commettraient pas là une action aussi violente et sanglante que celle dont ils se rendent coupables en versant leur contribution pour permettre à l’Etat de faire acte de violence et de répandre le sang innocent.
J’imagine avec délectation un Etat qui pourrait se permettre de faire preuve de justice envers tous et qui traiterait l’individu avec respect, comme son prochain ; qui ne jugerait pas incompatible avec sa tranquillité que quelques hommes vivent à l’écart, sans se mêler de ses affaires, sans se laisser étreindre par lui, du moment qu’ils rempliraient leurs obligations envers leur prochain et leurs semblables. Un Etat qui produirait ce type de fruit et qui accepterait qu’il tombe aussitôt qu’il est mûr, préparerait ainsi la voie pour un Etat encore plus parfait et glorieux, tel que je l’ai également imaginé mais encore jamais contemplé nulle part.
Je ne puis être tenu pour responsable du bon fonctionnement de la machine sociale : je ne suis pas le fils de l’ingénieur.
Si un homme jouit d’une totale liberté de pensée, de cœur et d’imagination, tout ce qui n’est pas, n’accédant jamais durablement pour lui à l’être, il ne peut voir sa quiétude sérieusement troublée par des dirigeants ou des réformateurs mal avisés.
Il importe peu que la multitude soit composée de gens de bien tels que vous, il suffit que le bien absolu existe quelque part, afin de constituer un levain pour l’ensemble.
Le citoyen doit-il jamais le moindrement, ne serait-ce que pour un instant, remettre sa conscience aux mains du législateur ? Pourquoi donc chaque homme serait-il doté d’une conscience ? Je pense que nous devrions avant tout être hommes et seulement ensuite sujets.
Faites en sorte que votre existence soit un contre-frottement qui arrête le mouvement de la machine. Il faut à tout prix que j’évite de prêter main-forte au mal que je condamne par ailleurs.
Quant à recourir aux mesures prévues par l’Etat pour remédier au mal, je n’en veux rien entendre. Elles demandent trop de temps et ne sont pas à l’échelle d’une vie humaine. J’ai d’autres affaires qui retiennent mon attention, et je ne suis pas venu dans ce monde uniquement pour rendre cet endroit plus agréable, mais pour y vivre, qu’il soit bon ou mauvais.
Oh ! qu’on me donne un homme, un véritable ou, pour parler comme mon voisin, quelqu’un qui ait une réelle épaisseur de façon à ce qu’on ne puisse passer le bras à travers ! Nos statisticiens se trompent, le chiffre de la population a été surestimé.
On ne trouve que bien peu de vertu dans l’action des masses. La majorité finira par voter l’abolition de l’esclavage, parce que les hommes seront devenus indifférents à la question ou bien parce qu’il ne restera plus grand-chose de l’esclavage à abolir par leur vote. Alors ce seront eux les seuls esclaves qui resteront.
En fait, le gouvernement n’est qu’un expédient grâce auquel chacun voudrait bien réussir à vivre à son gré et, comme on l’a dit, il est d’autant plus expédient qu’il laisse ceux qu’il gouverne mieux vivre à leur guise.