La mort s’était éloignée, elle avait passé son chemin. Du moins chacun voulait-il le croire.
– Dès notre départ, nous avons accepté que la mort fasse partie du voyage, dit-il. Un compagnon de route, que nous avons pré- féré au chaos que nous laissions derrière nous. Pour espérer vivre mieux, un jour, nous avons accepté de la côtoyer. C’était notre seul espoir de changement. Maintenant qu’elle vient me chercher, je ne tenterai pas de la fuir. On ne chasse pas un compagnon de voyage.
Dès notre départ, nous avons accepté que la mort fasse partie du voyage, dit-il. Un compagnon de route, que nous avons préféré au chaos que nous laissions derrière nous. Pour espérer vivre mieux, un jour, nous avons accepté de la côtoyer. C’était notre seul espoir de changement. (page 97)
D'heure en heure, l'espoir désertait le bateau. Sam entendit un homme hurler une prière aussitôt reprise par d'autres. Ils imploraient le ciel, s'en remettaient aux ancêtres pour les tirer de cet enfer.
Aussi, malgré le désespoir qui lui mordait le cœur, il garda le cap. Telles des lames, les cris de cette femme lui lacéraient le ventre. Il serra les dents, sentit des larmes brûlantes couler sur ses joues. Depuis quand n’avait-il pas pleuré ?
Soudain, une vague plus puissante encore souleva le bateau. La proue se dressa vers le ciel déchaîné, sembla s’envoler. Dans un rugissement strident, l’hélice du moteur quitta l’eau. L’instant d’après, il n’y eut plus de haut, ni de bas. Durant de longues secondes la coque resta suspendue entre mer et ciel, avant de retrouver le contact de l’eau par l’arrière. Sous la violence du choc, elle se disloqua et chacun lâcha prise. Les corps furent projetés les uns sur les autres dans un ballet macabre. Sam s’enfonça profondément dans l’eau glacée, quittant le tumulte de la tempête pour un monde terrifiant de silence.
- Seyba ! Où étais-tu passé ? le pressa Meïssa quand elle l’aperçut.
Elle se tenait devant la cahute, les poings plantés sur les hanches.
Depuis quelque temps, son frère s’éloignait. La vie semblait l’appeler ailleurs et Meïssa se sentait impuissante. Comment aurait-elle pu le retenir ?
- Combien de fois faudra-t-il te dire que je m’appelle Sam désormais ! rétorqua-t-il en passant devant elle.
- Pour moi, tu es et tu resteras toujours Seyba. Toute la vie ! affirma-t-elle avec aplomb. Ce n’est pas parce qu’elle avait neuf ans qu’elle devait obéir à son grand frère.
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"La bizarrie qui avait accompagné leur naissance leur avait valu le surnom de Phaco-frère ." (Thibault)
La mort ne l'effrayait pas.Sam, savait, depuis le premier jour de son départ, qu’elle faisait partie du voyage .
Soudain, un vrombissement sourd couvrit les voix. Ils se turent. Le bruit se rapprochait.
Haut, très haut dans le ciel en partie dégagé, les feux de navigation d'un avion clignotaient.
Dans un réflexe désespéré, ils se mirent à hurler.
- La lampe ! Il faut la diriger vers lui ! hurla un homme.
La femme qui tenait la torche leva le bras, décrivant au-dessus de sa tête des cercles désordonnés.
Sans se rendre compte que jamais personne ne les entendrait, ils s'époumonèrent. Mais l'avion s'éloigna, le ronronnement du moteur mourut, rendant la mer au silence.
Depuis plusieurs heures déjà, Sam ne se battait plus pour suivre un cap, mais seulement pour maintenir le bateau à flot.