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Critique de Bookycooky


Colb Toibin nous dépeint avec délicatesse et introspection une des figures les plus éminentes et complexes de la littérature européenne de la première moitié du XXieme siècle, Thomas Mann , prix Nobel de littérature 1929.
Cadet d'un riche négociant en grains de Lübeck , son père le considère comme son successeur à la tête de la compagnie, mais la mort prématuré de ce dernier chamboule tous les projets et les destins tout tracés. Alors que lui déjà de son vivant , incité par ses premières prouesses de poète inspiré de son éveil à son homosexualité, ne pensait que Littérature. Il profitera de l'exemple de son frère aîné Heinrich , écrivain soutenu matériellement par leur mère pour avoir à son tour le consentement maternel et le soutien matériel pour s'y consacrer très jeune. Toibin le suit de l'enfance au marriage, de son succès précoce avec le Nobel en 29 à son exil suisse et américain de l'Allemagne nazie. Une vie complexe vu que malgré son choix sexuel bien défini , il se mariera avec une femme avant gardiste dont il aura six enfants dont « trois homosexuels – ou deux homosexuels et une bisexuelle. Plus deux filles qui aiment les vieux. Plus Monika …Et Michael …Le seul qui soit normal », une famille dysfonctionnelle , aux membres célèbres, vaniteux, narcissiques, incestueux….

Toibin à travers la vie des Mann nous brosse un tableau magistral des grands changements et tumultes de l'histoire de l'Europe de la première moitié du XXieme siècle. de la montée du nazisme suite à la défaite de l'Allemagne de la première guerre mondiale ( le parti d'Hitler aux élections de décembre 1924 remportera que 3% du vote national), à leur arrivée au pouvoir que Mann était loin d'imaginer, et finalement la guerre, des moments de grandes turbulences où nous suivrons la famille en fuite n'arrivant pas à accepter les grandeurs d'un temps passé à jamais révolues.
Côté vie privée, Toibin nous rend avec brio la complexité du personnage de Thomas Mann. D'une part fortement attiré par les hommes dont il fera d'ailleurs très tôt l'expérience et le reflètera souvent dans son oeuvre, qu'ironiquement le public l'interprètera d'une manière plus inoffensive pour l'époque, de l'autre une femme exceptionnelle, très intelligente ( sa réaction à la lecture de la Montagne magique est étonnante ), sa muse , à laquelle il sera fortement lié, et six enfants qui lui assureront l'honorable statut de père de famille. Ses journaux intimes enfermés dans un coffre fort à Munich dans son bureau , alors qu'il est déjà exilé en Suisse, deviendront un de ses plus gros soucis, vu que s'ils arrivaient à être publié révéleraient clairement qui il était et quel était l'objet de ses pensées secrètes…..surtout que ces pensées secrètes se portaient sur des garçons assez jeunes….Mann avait choisit le grand compromis. Avec son respect de l'ordre qu'il observait dans ses réflexions et sa façon d'accueillir la vie en général, «  il aurait pu être un homme d'affaire », or il rêvait de trouver « une voix, où un contexte , qui soit au-delà de lui, enraciné dans ce qui brillait, scintillait, pouvait être vu, mais qui planait au-dessus du monde des faits, en un lieu où esprit et matière se confondaient, se séparaient, se confondaient encore. » Mais sa prudence et son souci de contrôle ne lui permettront que dans de rares occasions d'ouvrir la porte à l'obscurité qui était là , hors de sa propre sphère de compréhension. Or sa production littéraire et ses sources d'inspiration sont étroitement liée à cette vie privée qu'il agrémente de son imagination féconde et de sa production d'illusion, l'essentiel du travail de l'écrivain. Et c'est là qu'entre en scène la magie , cette magie que Mann ressentira dès l'écriture de son premier roman à grand succès, Les Buddenbrook « L'oeuvre avait beau être basée sur la vie des Mann à Lübeck, Thomas savait bien qu'elle avait aussi une source extérieure à lui, sur laquelle il n'exerçait aucun contrôle. Cela relevait un peu du tour de magie, et il savait que cela ne se reproduirait pas si facilement. »
Le Magicien c'est aussi le surnom que lui donnaient ses deux aînés Klaus et Erika, et par la suite tout ses enfants, parce que tout simplement il leur faisait des petites tours de magie quand ils étaient petits !

Un livre fascinant qui sort d'une biographie classique, que Toibin termine avec une histoire magnifique et où l'on croise de nombreuses célébrités de la littérature et la musique du XXieme siècle dont Gustav Mahler, Alma Mahler, W.H. Auden, Arnold Schönberg, Bertholt Brecht….Intéressant aussi dans le sens qu'on se rend compte une fois encore que l'Allemagne qui a connu la dictature la plus impitoyable de l'Histoire mondiale est aujourd'hui un des rares pays au monde où la démocratie fonctionne au mieux qu'elle peut fonctionner, et les États Unis soit disant une grande démocratie est un des pays au fascisme le plus redoutable qu'il exerce prioritairement à travers le CIA et le FBI , deux organisations qui contrôlent le pays et tout les pays qui les intéressent.
Je pense que relire Mann après ce livre sera une nouvelle expérience , ce que j'essaierais de faire avec les Buddenbrook et pourquoi pas entamer le docteur Faustus qui m'a toujours fait peur avec ses 600 pages.

« L'esprit de l'écrivain était protéiforme, son imagination ouverte au changement . L'humour et l'ironie étaient pour lui des outils essentiels. »

«  Sa vie illustra son oeuvre. »
François Mairiac

Un grand grand merci aux éditions Grasset et NetGalleyFrance pour l'envoi de ce très très beau livre !
#LeMagicien #NetGalleyFrance

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