AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Meps


Je sens que je vais encore m'attirer certains commentaires horrifiés mais je me rends compte maintenant d'une construction presque inconsciente que je m'étais faite par rapport à la lecture des auteures. Peu incité à en lire, je n'avais naturellement dans mon panthéon d'auteurs favoris que des hommes (Faulkner, Balzac, Pratchett, Asimov...). Et j'en avais presque déduit que j'étais plus "fait" pour les écrivains... et que c'était sans doute aussi parce que j'étais un homme... et que les auteures parlaient donc sans doute logiquement plus aux femmes.
Mais en constatant mon nombre famélique de lectures de femmes (à l'exception notable sans doute de Christie dont j'avais dévoré les polars plus jeune, ce qui aurait dû quand même aisément balayer mes a priori), je me suis dit qu'il convenait que je lutte contre mes inclinations premières bien aidé aussi par certains challenges. Et plus je le fais, plus évidemment cette théorie (inconsciente je le rappelle) s'est révélée absolument stupide. Je suis heureux d'avoir découvert Beata Umubyeyi Mairesse grâce à Babelio et sa Masse critique ou Delphine de Vigan qui me fait apprécier même l'auto-fiction que je pourfends souvent, ou Anne McCaffrey conseillée par mon bibliothécaire comme classique SF.

Longue introduction pour dire qu'Olga Tokarczuk a tout pour entrer dans mon Panthéon d'auteurs favoris et définitivement ainsi balayer ces hypothèses fumeuses. Lauréate du Nobel 2018, elle est engagée politiquement dans son pays comme le sont parfois les lauréats. La chaine publique d'info a été jusqu'à annoncer simplement qu'"une Polonaise" avait gagné le Prix Nobel, omettant son nom tellement ses positions féministes et de défense des minorités vont à l'encontre du gouvernement en place.

Au delà de ses combats qui me la rendent éminemment sympathique, Tokarczuk sait créer un univers à la fois réaliste, rempli de poésie, de merveilleux, de légendes. Prenant pour objet du récit le village d'Antan, sorte de microcosme symbole de la Pologne, elle nous narre à la fois l'évolution d'une famille en s'intéressant à tous ces membres. Les chapitres sont courts et ressemblent parfois à un enchainement de nouvelles qui nous envoient des cartes postales à la fois historiques et humaines. L'atmosphère est très particulière, faisant penser parfois à Garcia Marquez et ses Cent ans de solitude (faut que j'arrête de le prendre tout le temps en référence quand même) avec ce mélange de légendes, de peinture d'un village et d'une famille. Les personnages secondaires ne le sont finalement pas, tels la Glaneuse ou le châtelain. Les objets et les animaux accèdent également parfois au statut de personnage, avec une réflexion sur le Temps et la façon différente de l'appréhender selon qu'on est homme, objet, arbre... ou même Dieu.

Dans les éléments du titre c'est finalement les anges qui sont les plus discrets, alors que leur évocation au tout début pouvaient faire penser qu'ils seraient essentiels dans l'intrigue. Mais ils semblent finalement impuissants... ou désintéressés, comme Dieu parfois également (beaucoup plus évoqué par l'intermédiaire du Jeu qui opère en fil rouge). C'est cette impuissance qui semble la seule à pouvoir justifier les malheurs des Hommes, qui deviendraient vraiment intolérables si on était sûr qu'une puissance supérieure pouvait y mettre fin. le destin des héroïnes est particulièrement touchant dont Ruth qui ne trouvera le salut que dans la fuite et disparaitra ainsi de nos écrans.

Car Tokarczuk reste fidèle à ses principes de départ, elle circonscrit son récit dans ce village d'Antan, et un peu comme pour la poésie, c'est bien dans les contraintes qu'elle s'impose à elle-même qu'elle trouve toute la force, tout l'élan de son récit qui nous charme de bout en bout, laissant en nous les traces indélébiles de ces destins humains.
Commenter  J’apprécie          5035



Ont apprécié cette critique (50)voir plus




{* *}