Des fois, un gamin qu’on poulotte dans sa jeunesse vous le revaut dans votre vieillesse. Ça arrive
Je l’aimais parce que c’était une âme simple
« Seigneur Dieu, elle vit encore ! Attendez, ma bonne, attendez avant de la laver !
— C’est fini ! C’est fini, à présent. »Elle empoigne ma fille et s’apprête à l’emporter au sous-sol. Je la supplie de me laisser joindre ses menottes et fermer ses yeux jolis. Je commence à peine les lamentations qu’elle me crie dessus :« Ici, c’est pas permis. »
...ainsi Anissia reprend-elle les travaux des champs à peine relevée de ses premières couches, alors qu'au temps du servage "on ne renvoyait les femmes au travail que six semaines après". Les maîtres avaient à coeur de ne pas abîmer leurs biens, hommes et bêtes.
" Mon bon ami, mon ami chéri, tu m'as entraînée en terre étrang_re et tu m'as abandonnée. Je reste seule avec mes petits enfants. Si j'avais su, si j'avais pu prévoir, jamais je n'aurais quitté mon village !"
Les petiots gémissent. Les gens, autour, versent des larmes. Et je reprends :
" J'ai défait mon nid brin à brin. Pourquoi retournerais-je à présent au pays ? Où reposerais-je ma tête ? où appuierais-je mon bras ? Je n'ai plus rien. "
Les soldats de l’escorte les [des enfants] attrapaient d’en haut et les jetaient sur le pont, pis que des chiots.« Enfin, le Seigneur les a portés jusque-là, je me suis dit ! Grâces Lui soient rendues ! »
De la gare, on nous a fait marcher d'un bon pas jusqu'à la prison de transit - une bâtisse énorme dans une cour qu'était pleine de prisonniers. Il y avait bien plus de mille âmes, rien que les nôtres étaient nombreux. On s'est entassés, comme un troupeau qu'on aurait rassemblé.
ça crie, ça fait un vacarme ! Chacun guigne le meilleur coin. Ca se bouscule, ça se chamaille. On est dans la cour - les femmes avec les enfants, on est plantés là, on attend qu'on nous donne nos places. Des soldats s'approchent, ils m'emmènent, avec les petits, dans une cellule. Où que je regarde, pas un coin libre : des gens couchés sur les châlits, des gens couchés par terre !
Je pensais : « Grâces soient rendues au Bon Dieu ! » Mais à un moment, je la regarde et je vois bien qu’elle se meurt, elle hoquette. Seigneur, ce qu’elle me fait pitié
Anissia reprend-elle les travaux des champs à peine relevée de ses premières couches, alors qu’au temps du servage « on ne renvoyait les femmes au travail que six semaines après ». Les maîtres avaient à cœur de ne pas abîmer leurs biens, hommes et bêtes.
J'ai été mariée malgré moi. Je n'avais pas encore dix-sept ans qu'on me cherchait des fiancés. Cela se passait deux ans avant la libération. Je vivais chez mes parents. Je ne manquais de rien. Ce n'était ni la richesse, ni la pauvreté, un ménage de paysans modestes. Les plus âgés allaient à la corvée. Quant à moi, je gardais la volaille à la ferme. La vie était libre, bonne. Grande fille, j'étais fort gaie. On cherchait pour moi, des épouseurs. Je ne voulais pas d'eux. J'avais quelqu'un dans la tête. Mais celui-là, on n'en voulait pas pour moi.