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Critique de JAsensio


«Qui peut-il avoir été ?» s'interroge Rilke alors que, face à l'oeuvre de Georg Trakl, n'importe quel lecteur est en droit de se demander, plutôt, comment a-t-il pu écrire, comment a-t-il pu écrire cela, comment, après Baudelaire, Nerval et Lautréamont, un poète a-t-il pu s'enfoncer aussi profondément dans l'obscurité d'une langue irrémédiablement hantée par le Mal, et hantée puissamment, poétiquement, je veux dire réellement, sans les afféteries d'un Baudelaire et les jeux parodiques d'un Ducasse ? Comment, jour après jour, inlassablement, celui qui fait profession d'écriture peut-il à ce point tenter de donner corps et parole à ce qui n'a pas de visage ni de bouche, à ce qui n'a pas de nom, à l'horreur ? Je sais bien quelle réponse, bêtement trouvée, platement trouvée, les mauvais lecteurs, les lecteurs qui arrosent copieusement le lichen de la clarté intellectuelle me donneront : si Trakl a écrit une oeuvre pareillement fascinée par le Mal qu'il a tenté de dire par une multitude d'images de pourrissement, de déclin, d'obscurité et de meurtres anonymes, c'est tout simplement qu'il était bien obligé, à l'époque où triomphait l'expressionnisme allemand, lui aussi hanté par les villes noires, les cités de crasse et de souffrance de Georg Heym et les cadavres décomposés de Benn, d'employer un réseau d'images susceptibles de décrire la décadence du vieil empire austro-hongrois. Trakl ne sortirait donc pas de ce que nous pourrions appeler avec ironie un «cercle de Vienne» littéraire, un horizon intimement pénétré de références parfaitement lisibles par les universitaires moyennant quelques gesticulations intellectuelles.
Lien : http://stalker.hautetfort.co..
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