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Une enquête très étonnante: étudier la marche du monde au travers un champignon aromatique!
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Capter la senteur des communs latents et cet arôme d'automne insaisissable

Des histoires de champignons – les matsutakes – d'arbres, de forêts, de paysages dévastés, de ruines, de temps perdu… Les êtres humains et l'environnement, le refus des simplifications et la prise en compte des enchevêtrements, les ruines du capitalisme, les collaborations pour vivre…

De la richesse foisonnante des analyses, un remarque et quelques éléments. Anna Lowenhaupt Tsing fait le choix de personnaliser les végétaux. Cela permet une lecture fluide mais entraine une certaine ambiguïté. Constater des évolutions est une chose. Les déplacements ne sont cependant pas des « faire » (et encore moins, la conscience de faire). Les passés et le(s) futur(s) étaient et seront construits par des interactions, des « collaborations » cachées, des histoires multi-spécifiques, que les être humains devraient mieux étudier, pour en comprendre les liens, les contradictions, les possibles toujours ouverts dans les contraintes précédemment « constatées ». Mais parler des « vivants » n'implique pas que ceux-ci puisse « faire »…

Dans sa préface, Isabelle Stengers interroge « comment sortir dudit « Anthropocène » aussi vite que possible, avant que les conséquences en cascades de ce que nous avons appelé le « développement » ne détruisent irrémédiablement notre monde ». La préfacière aborde, entre autres, les paysages désolés, les ruines « pour apprendre à saisir ce qui discrètement s'y trame », la piste du matsutake, l'historicisation des circonstances, les « frictions – tensions, contradictions, malentendus, raccords bricolés – », les contingences, « la manière dont les vivants composent entre eux, sont susceptibles de tisser les uns avec les autres des rapports qui inventent des possibilités de vie », les enchevêtrements, les résistances derrière les défaites, les mutilations de l'imagination, les mondes multiples que « les vivants continuent à fabriquer les uns avec les autres ».

En espace d'avant le prologue, Anna Lowenhaupt Tsing revient sur la « Nature » magnifiée, passive, mécanique et universelle dans la philosophie occidentale. Elle présente son livre, le choix de chapitres courts, « un excès en abondance, un appel à explorer, un toujours trop ». le futur n'est pas une direction particulière qui ouvre le chemin. de multiples futurs apparaissent et disparaissent dans le champ des possibles. L'autrice parle de « polyphonie temporelle ».

Les matsutakes, le parfum, les conditions d'« apparition », des champignons et aujourd'hui des marchandises mondiales, « En suivant le commerce et l'écologie des matsutakes, ce livre aborde l'histoire des modes de vie et des environnements précaires ». L'autrice discute, entre autres, de l'hétérogénéité de l'espace et du temps, des écologies issues des perturbations, des enchevêtrements, de la survie collaborative, des rencontres imprévues et des transformations induites, du concept d'« agencement », des histoires divergentes, stratifiées, combinées…

Contamination, collaborations, emmêlements, cacophonie d'histoires troubles, relations co-transformatrices, Anna Lowenhaupt Tsing souligne que « La diversité contaminée n'est pas seulement particulière et historique, toujours changeante, elle est aussi relationnelle ».

Le capitalisme comme sytème de traduction, les chaînes d'approvisionnement et de sous-traitance, l'accumulation par captation, les aspects contradictoires des procès socio-économiques. D'autres facettes du fonctionnement local et global d'un système…

L'autrice insiste sur les relations interspécifiques, l'impossibilité de comprendre l'un sans penser le tout et d'examiner les différentes relations et leurs changements. Il n'y a pas d'auto-création ou la « reproduction y est autosuffisante, auto-organisée et échappe à l'histoire ». Pour comprendre, il nous faut souvent changer d'échelle, regarder du coté des rencontres « entre un organisme et son environnement », analyser les interactions avec d'autres espèces, prendre en compte les co-développements, ne pas dédaigner les rencontres fortuites… L'écologie ne peut-être qu'historique et multi-spécifique.

La « nature » n'est pas un monde-bulle figé hors du temps, « les perturbations réalignent des possibilités de rencontre transformatrices », l'autrice revient sur les agencements polyphoniques, les accordages multi-spécifiques, les changements contingents, l'absence d'état initial harmonieux, les hétérogénéités, ce qui fait histoire ensemble, les coordinations inattendues, les connexions mondiales, les communes dépendances, les accordages ratés et ce qui fait raccord, l'environnement et non la localisation, le « désordre qui règne dans des mondes-en-train-de-se faire », la « mutualité évanescente »…

Il ne s'agit donc pas seulement d'histoires de champignons, d'arbres, de forêts, de paysages dévastés, de ruines, de temps perdu… mais de la possibilité de construire un autre temps, un temps retrouvé…

D'autres lectures, convergentes ou divergentes, sont possibles ; d'autres éléments pourraient être critiqués ou soulignés. Je tenais au moins à rendre compte de l'intérêt de cet ouvrage. Il convient de sortir des terrains battus pour mieux comprendre notre monde, rendre apparentes les complexités et donc les possibles émancipateurs…

Lien : https://entreleslignesentrel..
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« Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme »
Le livre décrit une forme de renaissance dans les ruines industrielles. de nouvelles formes de vies cherchent à s'immiscer dans un monde en pleine destruction.

Un livre sur les liens sociaux, l'entraide et la symbiose. Une belle philosophie pour tenter de reconstruire le monde.
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Un livre hybride, l'auteur, anthropologue de formation je crois, promet d'ailleurs d'autres études collectives. En étudiant l'univers du matsutake, ce champignon qui pousse sur des ruines, quand les pins peuvent pousser car d'autres espèces qui leur faisaient de l'ombre ont été abattues, en symbiose. On y trouve cette notion abordée dans La Vie secrète de l'arbre : les êtres vivants collaborent. Une charge contre le capitalisme, l'industrie de la captation : l'essentiel de son enquête se déroule dans l'Oregon, auprès des cueilleurs de champignon. Cueilleurs qui ne trouvent plus leur place dans le système ; l'Oregon qui a subi de plein fouet la crise de l'industrie forestière. L'auteur s'intéresse à la fabrication du monde et considère que le meilleur moyen de l'appréhender est par le biais d'histoires. Elle souligne la nécessité de travailler ensemble et l'effort que cela impose pour y parvenir d'être capable de prendre en compte d'autres paradigmes que les siens (traductions). Beaucoup de notions, d'idées intéressantes ; notamment que dans un monde de précarité tel que le nôtre, chaque rencontre impose un changement.
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Formidable étude sociologique, parfois ardue, parfois un peu longue, mais très enrichissante intellectuellement.
Comment au travers du matsutake faire (re)découvrir au lecteur la subtilité des liens entre les éléments, minéraux, végétaux et humains. Les connaissances primordiales, mal comprises, mal interprétées par les tenants du progrès et les prédateurs économiques de toute époque, se retrouvent explorées par l'auteur.
Tout se mélange, tout est relié dans cet ouvrage, scientifique, historique, géographique, économique qui frise par moment avec un road movie passionnant.
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Voici un livre passionnant, étrange et déroutant. Un livre dont le héros est un champignon, ce n'est pas banal. de plus un héros plutôt ambigu. D'un côté il aide les arbres à pousser sur des sols plutôt hostiles, recréant un milieu de vie là où tout semblait irrémédiablement compromis. D'un autre il accompagne la surexploitation en ne prospérant que dans les forêts ravagées par la surexploitation, ou profondément dégradées par une activité humaine plus traditionnelle, mais elle aussi facteur de perte de biodiversité. Donc, certainement pas un bon élève pour les conservateurs de la Nature, ce champignon.
Autre étrangeté, s'il touche à l'écologie des interactions ce livre est écrit par une anthropologue, le deuxième personnage est donc l'humain, sous-espèce Homo oeconomicus. Encore un personnage ambigu puisque par sa cupidité illimitée il détruit les forêts à l'échelle planétaire, les réduisant à des paysages désolés, cependant que grâce à son activité d'agro-paysannerie il favorise la pousse de notre héros (super-champignon) qui lui n'aime pas les terres trop riches. L'autrice ne cache d'ailleurs par son empathie pour les différentes catégories d'humains qui regardent pousser, cueillent, vendent, achètent le champignon. Des créatures s'efforçant de vivre ou survivre, tantôt coopérant, tantôt purs prédateurs, comme le font tous les autres êtres vivants avec qui elles partagent des coins de planètes. Un plaidoyer pour un retour à la coopération avec la nature. de très belles pages d'écologie sensitive !
Deux personnages ce n'est pas beaucoup pour un livre qui touche à autant de grandes questions : la globalisation, l'épuisement des ressources naturelles, la marchandisation du monde, la captation des ressources par le capitalisme, les politiques de protection de l'environnement, la gestion des forêts, l'organisation des circuits économiques, les migrations humaines, etc. Toutes ces intrigues sont donc tissées autour d'une symbiose très particulière : un champignon, qui serait un peu comme une truffe, rebelle à la culture intensive, à haute valeur gastronomique et culturelle, qui aide certes les pins et les humains à gagner leur vie mais notre héros-champignon semble un peu seul face aux enjeux. On ne sait pas trop si l'humain va être sauvé ou si le champignon basculera dans le camp de la marchandisation… Alors, on termine la lecture avec plus de questions qu'avant d'avoir ouvert le livre, mais n'est-ce pas l'une des caractéristiques d'un très bon livre ?
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